Échec, risque et responsabilité

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Depuis quelques années, sous l'influence de la culture américaine, un vent de dé-stigmatisation de l'échec souffle sur l'écosystème entrepreneurial français. Excellente nouvelle, car l'échec fait tout simplement partie du jeu ! Ni plus, ni moins. Prendre la décision de créer une entreprise, c'est en effet se lancer dans une aventure économique jonchée de multiples risques, qui doivent être compris, acceptés et intégrés.

Rien ne dit qu'on arrivera à finaliser techniquement son produit, que celui-ci rencontrera bien son marché, qu'il y aura un véritable modèle économique derrière, qu'il n'y aura pas au détour du chemin des concurrents encore plus gros, plus puissants, meilleurs ou plus rapides, ou qu'on arrivera à convaincre des investisseurs pour se financer, etc.

Mais peut-être aussi qu'à force de vouloir décomplexer l'échec, cela a crée quelques travers. Je m'aperçois que parfois on loue purement et simplement l'échec, voire on l'érige en marchepied nécessaire au succès. Le bon entrepreneur le deviendrait ainsi en commençant par échouer ! Certains pourraient même presque en arriver à dire : « amis entrepreneurs, lancez-vous, foncez, prenez tous les risques, ça passe ou ça casse, et si vous vous plantez non seulement ce n'est pas grave (vous êtes jeunes et ce n'est pas votre argent), mais cela va aussi vous former… »

Il est indéniable que l'échec peut (et doit) être formateur. S'il contribue à apporter plus de recul, une compréhension plus fine et complète des réalités et des contraintes économiques, s'il contribue à insuffler plus de pragmatisme, toutes choses tout à fait nécessaires pour réussir une carrière d'entrepreneur à succès, alors oui l'échec aura été une bonne expérience et il va faire grandir l'entrepreneur. Echouer, apprendre et rebondir, voilà bien le process entrepreneurial.

Mais il n'y a rien de systématique. En aucun cas c'est « je me suis planté, je suis devenu un meilleur entrepreneur ! ». C'est en apprenant lucidement de ses échecs que ceux-ci pourront être formateurs. Une analyse pas forcément simple car les véritables raisons ne sont pas toujours là où l'entrepreneur les voit lui-même initialement. Il faut laisser passer un peu de temps pour faire sereinement l'exercice d'introspection, et probablement aussi plusieurs regards extérieurs expérimentés pour aider l'entrepreneur à faire la part des choses. Comme l'expose d'ailleurs justement Michael Gerber dans le best seller «the e-myth revisited, why most small businesses don't work », l'excuse donnée à l'échec est souvent externe, mais la réalité est que c'est interne.

Vouloir positionner l'échec entrepreneurial comme un point de passage obligé et bénéfique est sur le fond tout aussi étonnant que de stigmatiser l'échec. Et cela pourrait induire 2 risques importants : d'une part celui de minimiser le sens des responsabilités, et d'autre part celui de ne pas assez porter l'attention sur ce qui va maximiser les chances de réussite.
Le sens des responsabilités est une valeur qui n'est peut être pas assez mise en avant chez certains entrepreneurs et qui, par ailleurs, n'est peut-être aussi pas aussi courante que cela. Pourtant, il ne faut pas oublier qu'un CEO a une responsabilité vis-à-vis de ceux qui lui ont fait confiance, ses actionnaires et ses collaborateurs. Son devoir est d'honorer cette confiance.

Il ne viendrait à quiconque doué d'un minimum de sens des responsabilités d'accélérer sur une petite route de montagne verglacée, avec une voiture en mauvais état, sans tableau de bord, et avec des enfants à l'arrière ! Il en va de même en entreprenariat, pourquoi chercher à accélérer fortement si on a pas encore validé quelques hypothèses clés : l'existence d'un marché, l'adéquation et la pertinence du produit, une esquisse de modèle économique valide, une organisation et un contrôle financier adéquat, etc. Accélérer sans contrôle et dans le brouillard conduit à une forte probabilité de sortie de route.

Mais pour certains entrepreneurs novices, il semblerait parfois que l'excitation de l'hyper accélération, qu'on peut assimiler au frisson d'adrénaline du grand 8, prenne le pas sur la satisfaction – oh combien plus profonde - de bâtir méthodiquement et peut-être plus progressivement, quelque chose de solide et durable.

Certains échecs retentissants récents interpellent. Comment en effet ne peut-on pas être choqué par cette start-up spécialisée dans la réparation de smartphones qui a levé 15M€ en septembre 2015 pour se retrouver en redressement judiciaire en juin 2016, moins d'un an après ? Elle s'était précipitée dans une hyper croissance, avait ouvert une centaine de points de vente, ce sans mettre en place en parallèle les évidents et nécessaires contrôles pour piloter son business efficacement (marges, stocks, etc). Le fondateur relatant aussi récemment qu'ils arrivaient dans leur incubateur comme des « demi dieux »…

On ne peut donc pas mettre sur le même plan tous les types d'échecs. Entre une start-up qui ne trouve finalement pas son marché et/ou son financement, et une autre qui échoue parce qu'elle n'a simplement pas « géré » et a pris la grosse tête, ce alors qu'elle avait bel et bien un vaste marché et une financement opulent, ce n'est pas tout à la fait la même chose et la même responsabilité qu'il y a derrière.

Sur le fond, le point pour l'entrepreneur est aussi d'avoir parfaitement conscience de ce qui va maximiser ses chances de réussite.

D'aucuns comparent l'entrepreneuriat à la recherche scientifique, pour laquelle on ne parle pas d'échec mais simplement « d'expérimentation ». Comparaison qui me semble hardie sur le fond. Elle permettrait certes de minimiser l'impact de l'échec ainsi que de se dédouaner de sa responsabilité, puisqu'il ne s'agissait que « d'expérimentation ». Les investisseurs qui ont perdu leur argent et les collaborateurs ayant perdu leur emploi apprécieront…

Mais passons, car il y a tout de même bien un élément fondamental de similitude entre la recherche scientifique et l'entrepreneuriat. Comme le rappelle en effet Yuval Noah Harari dans son passionnant best seller mondial « Sapiens », la science moderne repose sur le constat latin « ignoramus » autrement dit « nous ne savons pas ». Elle postule que nous ne savons pas tout et, de manière encore plus critique, elle accepte que ce que nous croyons savoir pourrait bien se révéler faux avec l'acquisition de nouvelles connaissances. En clair, la démarche du chercheur est une démarche d'humilité, de test & learn, de remise en cause, de critique.

Et c'est bien cette démarche là qui est efficace en matière d'entrepreneuriat, et qui maximise les chances de réussite. On teste, on essaye d'abord à petite échelle, on valide ses hypothèses (sur l'existence du marché, sur le produit, sur le pricing, sur la façon de le vendre, sur l'organisation adéquate à mettre en place et sur les bons collaborateurs à recruter, etc), puis on accélère, de plus en plus fortement au fur et à mesure que les paramètres sont validés, où le contexte s'éclaircit et où la société devient de plus en plus solide. L'attitude entrepreneuriale gagnante est certes d'avoir une grande confiance en soi et en son projet, mais en même temps de ne point avoir de certitudes trop ancrées. Il faut au contraire tester et valider méthodiquement et sans relâche, en mettant ses hypothèses à l'épreuve du terrain. L'humilité en la matière n'est pas une valeur morale, c'est tout simplement un véritable outil méthodologique entrepreneurial.

Or, combien d'entrepreneurs sont au contraire pétris de certitudes, voire d'arrogance quant à leur idée, à leur capacité à la développer, à la taille du marché qu'ils visent ainsi qu'au rythme d'adoption, à leurs forces vs les concurrents, etc ? Si, au contraire, l'accent était mis sur cette attitude d'humilité, de questionnement et de test & learn progressif, cela minimiserait mécaniquement les risques d'échec, et de façon certaine l'amplitude de l'échec.

Au final, il faut encore une fois revenir au bon sens et à des principes sains et simples. L'échec entrepreneurial fait partie du jeu, il n'a donc ni à être stigmatisé ni à être encensé. On peut apprendre de ses échecs, certes, mais d'une part ce n'est ni simple ni automatique, et d'autre part on peut et on doit aussi apprendre de ses succès. Si créer une start-up c'est de fait prendre toute une série de risques, ce n'est pas pour autant qu'il faut prendre n'importe quel risque, bien au contraire ! Le bon entrepreneur qui réussit sur la durée est celui qui sait prendre des risques calculés et qui, même transcendé par sa vision créatrice et son enthousiasme, n'en oublie pas moins de gérer rigoureusement en tenant compte des réalités et des contraintes économiques et financières.

Par Michel de Guilhermier, Co-fondateur et Président de Day One Entrepreneurs & Partners

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