Direction d'entreprise : où sont les femmes ?
Ellisphere publie une nouvelle étude sur la place des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises. En France un dirigeant sur trois est une femme en 2021, on est encore loin de la parité. Aujourd’hui la politique des quotas refait surface, où en sommes-nous ?
Avant d’évoquer les femmes dirigeantes en 2021, rappelons que les droits de la femme en France restent un acquis récent.
Elles exercent leur droit de vote en France depuis 1945 ; elles sont alors déclarées « électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». Il faudra encore attendre une loi de juin 2000 qui favorisera l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Égalité également relative dans le monde économique où il faudra patienter jusqu’à la loi de juillet 1965 pour que les femmes s’émancipent de la tutelle masculine, avec le droit d’ouvrir un compte bancaire individuel et de travailler sans le consentement de leur mari.
Depuis, le monde du travail s’est largement féminisé : en 2018, 68 % des femmes de 15 à 64 ans étaient actives, soit 8 points de moins que les hommes. Concernant l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes (recrutement, rémunération, promotion ou formation), les textes de loi se succèdent : 1983, 2014, 2018.
Toutefois, l’ensemble de ce dispositif législatif reste insuffisant pour que les femmes soient mieux représentées à la tête des entreprises. La Loi de janvier 2011, dite Copé-Zimmermann, a donc imposé des quotas de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance, à hauteur de 40 %.
Les progrès engagés demeurent poussifs et le ressenti des inégalités reste prégnant. En 2021, le gouvernement annonce vouloir aller plus loin et imposer des quotas aux postes de dirigeants, soit les 10 % de postes à plus forte responsabilité. En effet, malgré les avancées de ces dernières années, les chiffres progressent peu.
En France, seul un dirigeant sur trois est une femme
En France, en avril 2021, on compte une femme dirigeante (32,9 %) pour deux hommes dirigeants (67,1 %). Ce ratio, bien loin de la parité souvent espérée, se retrouve quasiment dans tous les segments étudiés.
Par rapport à notre précédente étude de janvier 2017, soit en quatre ans, et ce malgré le cadre légal et l’évolution espérée des mentalités, ce ratio n’a que très faiblement évolué.
À l’époque, nous notions respectivement des ratios de 32,3 % contre 67,7 %. Rapportée aux créations récentes d’entreprises (période 2017-2020), la parité homme/femme est légèrement meilleure même si elle tend à s’éroder, avec en 2020, 34,8 % de femmes contre 65,2 % d’hommes.
Un possible effet Covid sur les créations d'enreprises en 2020
Rappelons, comme le souligne l’INSEE, que la période récente a été marquée par un exceptionnel dynamisme des créations d’entreprise, essentiellement porté par l’entreprise individuelle et sa constituante des micro-entrepreneurs.
Il convient cependant de souligner que les nouveaux entrants se sont souvent tournés vers des métiers où, traditionnellement, les femmes sont peu nombreuses, comme le transport ou le BTP.
Concernant l’érosion plus importante en 2020 des créations d’entreprise par les femmes, nous ne pouvons exclure un effet de la crise Covid-19 plus défavorable aux femmes tant dans la sphère privée que professionnelle. Ainsi, les secteurs d’activité les plus durement touchés comme les Services aux particuliers, la Distribution, le Textile-habillement- cuir sont ceux où l’on retrouve une plus grande proportion de femmes.
Une présence féminine encore héritière des stéréotypes
D’un point de vue sectoriel, la part des femmes à la tête des entreprises demeure toujours largement attachée aux représentations sociétales, largement héritées des parcours éducatifs et scolaires ; et ce, malgré un plus large accès des femmes aux études supérieures.
Ainsi, la présence des femmes est la plus élevée, et supérieure à celle des hommes, dans les secteurs des Services collectifs (56,2 %) et du Textile habillement cuir (57,7 %). La parité est atteinte dans les secteurs de la Pharmacie (50 %), et quasi-atteinte dans les Services aux particuliers (47,8 %) et la Distribution (47 %).
À l’opposé, les femmes sont quasi-absentes des directions de secteurs tels que les Métaux (7,6 %), les Moyens de transports (8,8 %) et le Transport & Logistique (8,9 %).
En région, aucune zone géographique ne fait particulièrement la part belle aux femmes dirigeantes. La représentativité la plus élevée revient à la Bretagne mais avec seulement 35,4 % et en progression de 1 point par rapport à 2017, et la plus basse et en recul, à l’Ile-de-France (30,6 %) ainsi qu’aux DOM-TOM (31,1 %).
Les femmes toujours rares dans certaines structures juridiques
Dans un système où pouvoirs politique et économique sont encore largement masculins, où le réseautage et la cooptation sont la norme, rien d’étonnant à ce que les femmes, nouvelles venues, soient ignorées dans la composition des équipes dirigeantes des sociétés commerciales. C’est un écueil que l’on peut toujours constater quand on détaille selon la forme juridique des entreprises.
Ainsi, 38,5 % des entreprises individuelles ont une femme à leur tête contre 22,2 % des sociétés commerciales.
Les formes juridiques où la part des femmes est la plus élevée, sont l’artisan-commerçant (61,5 %), les professionnels libéraux (51,8 %) et les commerçants (40,2 %).
Les femmes sont largement sous-représentées (moins de 20 %) dans les formes juridiques comme les sociétés anonymes à conseil d’administration ou à directoire, ainsi que les sociétés en commandite.
En corollaire, dans les postes statutaires occupés au sein des entreprises, plus la fonction prend une connotation de prestige sur une carte de visite, plus les femmes s’effacent. Ainsi, 38,5 % des femmes dirigeantes se retrouvent sous le statut d’exploitant attaché aux entreprises individuelles.
Dès que l’on passe dans des formes juridiques avec gérance ou présidence, la part féminine chute nettement. Même si elles y progressent par rapport à 2017, moins d’un quart des femmes occupent des postes de gérance (23,4 %).
Quant aux postes de présidence, les femmes n’y sont présentes qu’à hauteur de 20,1 % (en progression de 0,6 point en 4 ans), et avec les pourcentages les plus faibles sur les fonctions de président directeur général, de conseil d’administration ou de directoire (moins de 15 %).
Cette raréfaction graduelle des femmes dirigeantes se retrouve également par taille d’entreprise. Si 33,2 % des TPE ou microentreprises ont une femme à leur tête, seules 16,5 % des PME sont dirigées par une femme, soit un point de plus qu’en 2017 ; 10,9 % des ETI (+ 1,4 point) et 12,4 % des grandes entreprises (+ 4,1 points).
Cette situation se retrouve également dans les sociétés cotées en bourse où l’on ne comptabilise seulement que 7,7 % de femmes aux principaux postes de direction contre 7,3 % en 2017. On le voit ici, le chemin est encore long.
Portrait de la femme dirigeante en 2021
Quel est, en avril 2021, le profil type d'une femme dirigeante d'entreprise1
Majoritairement, elles dirigent en tant qu’exploitantes une entreprise individuelle (76,8 % contre 75,9 % en 2017), dont 28,3 % en profession libérale, et 21,5 % en tant que commerçante (contre 17,5 % en 2017). De ce fait, les femmes dirigeantes se retrouvent à 97,3 % dans la catégorie des TPE.
Elles sont ensuite moins d’un quart à la tête d’une société commerciale (23,2 %), dont 15 % en SARL, et souvent en tant que gérante (15,4 %). 7,8 % des femmes dirigeantes assurent un poste de présidence, une présence en progression de 2 points par rapport à 2017.
Enfin, 58,7 % des femmes dirigeantes sont à la tête d’une entreprise âgée de moins de 10 ans.
Par activité, les femmes dirigeantes se concentrent à 60,6 % sur quatre secteurs : les Services collectifs, les Services aux particuliers, les Services aux entreprises et la Distribution. À l’inverse, elles sont quasiment absentes des directions d’entreprises de secteurs tels que les Produits minéraux et Chimie, Métaux ou Télécommunications.
En région, leur présence correspond peu ou prou au poids respectif des principaux bassins économiques. 53,4 % des femmes chefs d’entreprise sont ainsi comptabilisées dans quatre régions, à savoir par ordre décroissant, Ile-de- France, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie et PACA. Hormis la Corse, les régions où l’on dénombre le moins de femmes dirigeantes sont le Centre-Val de Loire, les DOM-TOM et la Bourgogne-Franche-Comté (moins de 10 % cumulés sur l’ensemble de ces territoires).
Sinistralité moindre mais pérennité également
Au regard de leur répartition par classe de risque Ellisphere, une femme dirigeante présente moins de risque de défaillance de son entreprise à un an qu’un homme. Ainsi sur la population d’entreprises étudiée en avril 2021, près de 70 % des femmes sont à la tête d’entreprises en classe de risque « Faible à quasi-nul » contre 60,5 % pour les hommes.
Cependant, l’analyse des créations récentes d‘entreprises (2017-2020) apportent d’autres éclairages. Si la sinistralité liée aux liquidations judiciaires demeure plus faible pour les entreprises dirigées par des femmes que celles dirigées par des hommes, la pérennité des entreprises dirigées par les femmes est moindre, dans le sens où ces dernières cessent plus rapidement leur activité que les hommes.
Parmi les créations d’entreprises de 2017, 25,5 % des entreprises dirigées par une femme ont cessé leur activité (hors liquidation), contre 20 % chez les hommes.
Ce résultat est à mettre en relation avec le choix des structures juridiques majoritairement optées par les femmes (entreprise individuelle), ainsi que des secteurs d’activités pour lesquels la concurrence et la rotation des fonds de commerce sont plus importants (Habillement-textile-cuir, Services collectifs, Distribution).
1 profil en % rapporté aux seules femmes dirigeantes.
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