Un retour à des sources prospères car, en l’occurrence, le logo de référence dont se réclament les deux constructeurs est celui qu’ils arboraient à l’apogée de la société de consommation (1960 pour Peugeot, 1972 pour Renault), la fin des 30 glorieuses, mais nous l’ignorions… Ce clin d’œil temporel méritera une autre analyse.

Au-delà des mouvements de balancier inhérents à nos sociétés, qu’il s’agisse de mode, de musique ou de design, il est intéressant d’envisager ce phénomène du style des logos avec notre œil de consommateur.

Au début du 21ème siècle, ces marques nées avec la révolution industrielle, ont eu besoin de matérialiser leur entrée dans le monde des nouvelles technologies. Aidées par l’arrivée des logiciels de création sans lesquels tout cela aurait été impossible, les logos carrossés, bombés, lumineux, 3D, sont alors une matérialisation de leur nouvelle modernité : les constructeurs quittent l’ère de la mécanique pour entrer dans l’ère de l’électronique.

Paradoxe ?

Tandis que nous sommes de plus en plus familiarisés avec ce que l’on appelle presque plus les nouvelles technologies, tandis que les véhicules de ces constructeurs sont de moins en moins mécaniques, voilà que les logos (re)deviennent d’un minimalisme apaisant.

Dans nos vies digitalisées à l’extrême, notre œil est épuisé de couleurs merveilleuses, de reliefs, d’effets d’optiques, de mouvements, de lumière et de tous ces effets qui, s’ils sont supposés incarner l’ère des nouvelles technologies, de l’intelligence artificielle, du monde de demain et de sa fluidité supposée, sont également épuisants par leur inhumanité et leur complexité.

Notre œil est fatigué et notre regard angoissé

Ces ellipses visuelles incarnent des techniques qui nous sont étrangères, des savoir-faire insoupçonnables et inabordables, comme un rappel angoissant de notre dépendance à des techniques qui nous dépassent et que nous ne pouvons ni comprendre, ni appréhender, ni maîtriser.

Le renouveau du design qualifié de Flat ou de minimaliste se retrouve dans d’autres secteurs, y compris celui de l’agroalimentaire, qui n’a pas échappé en son temps à l’attrait des logos riches en effets spéciaux.

YOP pour ne citer que lui a eu sa « période 3D », et s’il ne s’agissait pas de reproduire les logos carrossés d’une calandre en s’inscrivant dans un registre « nouvelles technologies », il s’agissait d’exprimer la modernité, le jeune, le cool et la promesse de sensation.

Parce que le réel et la routine sont ennuyeux, la marque propose des sensations fortes dans des instants de consommation déstructurés. Elle promet des effets aussi puissants que les sports extrêmes ou les jeux vidéo grâce à des produits alimentaires soudain dotés des pouvoirs sensationnels des mondes virtuels… jusqu’à épuisement.

La photographie des produits sur les emballages n’échappera pas au phénomène. Voici que tous nos aliments sont représentés avec une perfection absolue : beaux, colorés, brillants, irréprochables, gourmands, calibrés, parfaits.

Sommes-nous lassés durablement de vivre avec des lunettes de réalité augmentée devant les yeux ? Sans doute pour quelque temps avant un autre mouvement de balancier. Mais aujourd’hui plus que jamais, plus nous sommes sur nos écrans, plus notre œil se réjouit de quitter ce vertigineux abîme d’effets visuels pour se reposer enfin sur des images qui traduisent l’humanité que nous continuons à être et dans laquelle nous vivons.

Une humanité qui aspire encore aux choses simples, pas toujours parfaites, mais préhensibles et rassurantes.

Maintenant à nous d’accompagner les marques dans cette nouvelle ère d’images, où nous devons incarner les complexités grandissantes d’une société en étant à la fois rassurant et différent.

Par Françoise Dassetto, Fondatrice et dirigeante de l'agence Eferday