Existe-t-il des biais genrés dans les pratiques numériques ?
Avant la crise sanitaire, 65 % des interactions professionnelles étaient numériques, un chiffre qui a fortement grimpé pour atteindre aujourd’hui les 85 % en raison du déploiement massif du travail à distance. Dans ce contexte, un Collectif pluridisciplinaire a étudié les usages du numérique sous le prisme du genre. Existe-t-il des biais genrés dans les usages numériques ?
Permettent-ils de déceler des inégalités entre les femmes et les hommes ? Sont-ils des facteurs aggravants, neutres ou réducteurs des différences de genre ?
Tels sont les questionnements auxquels ont tenté de répondre 16 experts de l’égalité professionnelle du secteur public, privé, du monde académique, ainsi que des praticiens.
Le Collectif a travaillé sur un échantillon de données de 30 millions d’e-mails et d’1 million de réunions professionnels collectés auprès de 4500 collaborateurs, à des fins de recherche académique par Mailoop, une start-up experte de l’analyse des usages numériques.
« En observant des comportements différents entre les femmes et les hommes, nous pouvons faire émerger des inégalités, rechercher leurs origines et trouver des solutions qui pourront être mises en place pour les combattre. En termes de quantité, nous regardons par exemple si nous envoyons autant d’e-mails selon qu’on soit une femme ou un homme, le nombre de personnes avec qui nous interagissons, et à quels horaires nous adressons nos messages. Le vrai plus est que nous avons eu accès à des données concernant les réunions en visio, une pratique qui s’est fortement développée avec la généralisation du télétravail », affirme Corinne Hirsch, Membre du collectif et Vice-présidente du Laboratoire de l’Egalité.
Des femmes managers beaucoup plus réactives dans leurs réponses
Les collaborateurs sont sur-sollicités : ils traitent près de 80 e-mails par jour et passent 3h en moyenne en réunion en visio. Les femmes ont 10 % de plus d’e-mails à gérer et passent plus de 5 % de leur temps en réunion que les hommes.
En outre, si l’hyper-réactivité et l’instantanéité sont aujourd’hui valorisées, elles représentent un coût cognitif important : elles impactent l’organisation du travail et la priorisation des tâches, et peuvent être un facteur de stress important.
L’étude montre que près de 46 % des e-mails sont répondus en moins d’une heure. Les réponses des femmes managers en moins de 5 minutes sont 4 7% plus nombreuses que celles de leurs collègues masculins.
Ceux-ci se distinguent avec 49 % de leurs réponses qui sont plus nombreuses une semaine, voire davantage, après avoir reçu les courriels.
La visibilité est essentielle pour permettre aux talents d’émerger dans les entreprises. L’analyse des réunions et des e-mails échangés permet de quantifier la « visibilité digitale » et de comprendre les réseaux d’interaction numérique au sein de l’organisation.
Selon l’étude, les managers sont devenus les relais centraux dans les interactions numériques : ils sont le maillon le plus sollicité, en interagissant avec 69 personnes différentes chaque semaine.
Un droit à la déconnexion difficilement respecté
L’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle est une préoccupation majeure des salariés. En parallèle, la flexibilité apportée par les usages numériques dissout cette frontière, avec des flux de communication en dehors des horaires de travail qui sont en augmentation constante.
Mesurer les rythmes numériques, notamment en dehors de ces horaires, permet de comprendre les dynamiques à l’œuvre dans les entreprises et d’y faire face de manière objective.
Le droit à la déconnexion a ainsi dû mal à être appliqué puisque près de 20 % des e-mails sont aujourd’hui envoyés en dehors des horaires “normaux” de travail empiétant sur les temps de vie de chacun.
De plus, alors qu’il y a une augmentation de 44 % des e-mails échangés avant 8 heures le matin par les hommes par rapport aux femmes, il y a un accroissement de 15 % de ceux traités après 18h par les femmes, ce chiffre atteint même les 66 % chez les femmes managers.
Congé paternité : les hommes restent sollicités
Les analyses permettent d’étudier la réalité effective du congé maternité ou paternité via la charge de travail numérique. Dans un contexte où le congé paternité sera allongé à 25 jours le 1er juillet 2021, il est d’autant plus intéressant de comprendre comment les organisations vont s’adapter à cette évolution, et si celle-ci permettra vraiment aux futurs pères de se déconnecter.
Le Collectif a pu, pour la première fois, étudier à la loupe les flux de communication pendant un congé maternité et maternité. Le profil féminin a connu une baisse de 90 % des e-mails qui lui ont été adressés en tant que destinataires uniques tandis que pour l’homme en congé paternité, la diminution n’était que de 40 %.
« C’est la première fois qu’un groupe de travail pluridisciplinaire dédié à l'analyse des signaux faibles des inégalités femmes / hommes dans les usages numériques est créé.Notre objectif est d’apporter des données concrètes sur lesquelles pourront travailler les experts de l’égalité professionnelle de façon à construire des indicateurs qui n’existaient pas auparavant. Il s’agit de comprendre la dynamique des flux de communication, que ce soit les e-mails, réunions et nouveaux usages numériques. Le Collectif va travailler en 2021 sur l’équilibre vie pro / perso, le congé paternité et maternité, ainsi que sur l’organisation du travail numérique. Notre souhait est que de nouveaux talents s’impliquent dans le projet et que de nouvelles données soient apportées de façon à faire avancer ce champ de recherche innovant », souligne Arthur Vinson, CEO de Mailoop.
« Alors que depuis plusieurs années nous travaillons chez Mazars à la parité, l’usage du numérique sur la représentation femmes / hommes est devenu un sujet primordial, c’est un de nos projets phares en 2021 et une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de nous investir auprès du Collectif. De plus, nous sommes dans un contexte où l’infobésité est devenue une véritable plaie professionnelle, un phénomène qui s’est fortement accentué avec le développement du télétravail. L’analyse de nos flux de communication va nous permettre de révéler des indicateurs utiles à suivre et à mesurer pour alimenter notre politique stratégique », conclut Mathilde Le Coz, Membre du Collectif et Directrice des Talents & Innovation RH chez Mazars.
Méthodologie
Les analyses présentées ont été réalisées sur 3 bases de données comportant : 30 millions d’en tête d’emails au total, hors spam, sur une période d’environ un an (2020) 1 million de réunions ayant au moins un.e invité.e, sur une période d’environ un an (2020) Des éléments professionnels uniquement : aucun élément marqué « personnel » ou « confidentiel », aucun élément impliquant uniquement des noms de domaines « personnels » (gmail.com, hotmail.com, wanadoo.fr…) Les données ont été collectées dans le cadre de contrats de sous-traitance RGPD
Périmètre
3 filiales ou entités au sein d’entreprises de 7.000 à 20.000 salariés clientes ou anciennes clientes de Mailoop. Un total de 4500 collaborateurs et collaboratrices, de la région Ile-de-France en grande majorité.
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