Travailler les uns avec les autres, ou les uns contre les autres ?
Les experts en santé au travail associent les risques psychosociaux (RPS) à un isolement social excessif des collaborateurs à leurs postes de travail. Soucieuses de renforcer la cohésion au sein de leurs services et lutter contre les RPS, beaucoup d'entreprises prennent des mesures dont l'efficacité peut être discutée.
Ainsi encouragent-elles la multiplication de réunions de toutes sortes (de service, du personnel…) ou d’évènements se voulant conviviaux (fêtes, restaurants…) pour tenter de
rompre les situations de solitude.
Si l'utilité de ces réunions est évidente, leur caractère systématique et prescrit, dans des organisations où l'entraide et la solidarité sont mises à mal, inspire la méfiance.
Ainsi les collaborateurs sont-ils nombreux à fustiger la « réunionite » dont serait atteinte leur entreprise, ou à renâcler à prendre part à des évènements qui n’ont pour eux de
convivial que le nom. Autant d’attitudes qui viennent à propos illustrer le constat selon lequel, pour tout ce qui a trait au collectif, rien ne va plus de soi.
Coopération et convivialité au travail : une gestion difficile
Durant des décennies, l’application de méthodes d’organisation du travail et de management stimulant l'esprit de compétition et valorisant l’individualisme, a eu pour effet
d'affaiblir les collectifs de travail tels qu’on les connaissait jadis.
Prétendre restaurer ceux-ci en contraignant les collaborateurs à se réunir régulièrement, relève au mieux de la gageure, au pire d'une certaine schizophrénie.
Mais le plus préoccupant quant à cette gestion actuelle de la question du collectif dans certaines entreprises, n'est pas tant la relative inefficacité des mesures prises pour tenter d'améliorer les choses, que le "nuage de fumée" produit par celles-ci, qui tend à masquer la nécessité d'un questionnement approfondi et de long terme, des liens entre
l'organisation du travail et la santé des collectifs.
Le collectif : l'armature de la santé au travail
Se soutenir les uns les autres dans les moments difficiles, coopérer pour accroître notre bien-être autant que notre efficience, sentir notre travail suffisamment reconnu pour que nous puissions en tirer satisfaction et fierté, autant de facettes de la dimension collective, sans laquelle il est vain d’espérer s’épanouir véritablement et durablement au travail.
Alors qu’avec l'approche Qualité de Vie au Travail (QVT), on tente aujourd’hui d'inscrire le bien-être au travail au coeur des préoccupations stratégiques de l'entreprise, en soulignant son lien étroit avec la performance économique, l'heure est venue de ne plus négliger l'importance prépondérante du collectif, du "vivre ensemble" au travail, dans la construction de la santé au travail.
Là réside vraisemblablement l’une des seules voies crédibles, pour tenter d'enrayer l’épidémie de mal-être et de souffrance qui affecte le monde du travail actuel.
Par David Moisson, Psychologue du travail - Consultant RPS, Cabinet Anveol
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