Coexistence nouvelles technologies / droit du travail : un nouvel arrêt de la Cour de cassation en la matière

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La coexistence des nouvelles technologies avec le droit du travail donne lieu de plus en plus régulièrement à des arrêts de la Cour de cassation. Voici un nouvel arrêt (Cass.soc., 18 décembre 2013 n°12-17.832) en la matière dans une espèce où étaient en cause dans le même temps l’utilisation par le salarié de la messagerie électronique de l’entreprise et celle d’internet.

 

 

Un salarié est licencié pour faute grave. Plusieurs motifs sont avancés dans la lettre de licenciement. Il lui est notamment reproché d’avoir, depuis au moins trois mois :

•           « surfé » pendant son temps de travail sur des sites Web n’ayant aucun rapport avec son travail (sexe, humour et politique) ;

•           téléchargé des films, vidéos, images, textes ;

•           adressé par e-mail à trois de ses collègues certaines de ces vidéos consistant en des dessins animés, des scènes de sexe, de l’humour, de la politique, du football féminin, l’un des collègues ayant au total reçu 178 courriels de ce type.

 

La lettre de licenciement précise qu’en agissant ainsi, le salarié a « distrait » ses collègues et enfreint les règles internes (le règlement intérieur prohibait en l’espèce l’utilisation du réseau informatique à d’autres fins que le travail), ce d’autant que la connexion s’est déroulée pendant plusieurs heures (sans que le nombre soit précisé) et au temps de travail.

 

Le salarié a reconnu les faits mais a fait valoir plusieurs arguments en défense, dont un assez original consistant à dire qu’il manquait de travail. Autrement dit, l’employeur ne pouvait pas lui reprocher ses temps de connexion puisqu’il ne lui donnait pas suffisamment de travail pour l’occuper…

Cet argument a séduit la Cour d’appel (qui relève que « son comportement confirme que le salarié était ponctuellement inoccupé lorsqu’il était au siège de la société ») qui a également été sensible aux deux autres arguments avancés par le salarié consistant à dire que l’employeur ne démontrait pas que les agissements ont été de nature à porter atteinte à l’image de la société et à son bon fonctionnement, ni que le temps consacré à l’envoi de ces courriels ait été à l’origine d’une négligence des tâches lui incombant. La Cour d’appel en conclut que le comportement du salarié n’était pas constitutif d’une faute grave ni même d’une faute simple après avoir pourtant relevé qu’il était contraire au règlement intérieur mais également aux obligations contractuelles du salarié censé consacrer son temps de travail à l’accomplissement de sa mission.

 

La Cour de cassation casse cette décision, considérant que les juges du fond n’avaient pas tiré les conséquences légales de leurs constatations. Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel aurait dû conclure à l’existence d’une faute (mais elle ne qualifie pas son degré de gravité) puisqu’elle avait relevé que les agissements du salarié intervenaient en violation de ses obligations contractuelles et du règlement intérieur de l’entreprise.

 

La question que l’on peut se poser est alors la suivante : en l’absence de règlement intérieur prohibant l’utilisation du réseau informatique à des fins personnelles, la Cour aurait-elle aussi considéré qu’il y avait comportement fautif ?

 

Il y a tout lieu de penser que la Cour aurait très certainement adopté le même raisonnement compte tenu des agissements du salarié dont on comprend qu’il a passé un certain temps à « surfer » pendant son temps de travail sur internet puis à télécharger de très nombreuses vidéos qu’il avait très certainement visionnées avant de les adresser par e-mail à des collègues de travail.

 

En effet, même si le temps de connexion n’était pas précisé en l’espèce, on imagine que le temps consacré par le salarié à « surfer » sur internet puis à visionner et envoyer les vidéos a été conséquent compte tenu du nombre d’e-mails contenant des vidéos qui ont été reçus par un des trois collègues (178 en trois mois).

Or, on se souvient que dans un arrêt en date du 18 mars 2009 (Cass.soc., 18 mars 2009 n°07-44247), la Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel qui avait jugé constitutif d’une faute grave le comportement du salarié qui avait usé de la connexion internet de l’entreprise à des fins non professionnelles pour une durée totale d’environ 41 heures durant un seul mois, sans que la question de l’existence ou non de règles internes relatives à l’utilisation de l’outil informatique soit abordée. Dans un arrêt en date du 16 mai 2007 (Cass.soc., 16 mai 2007 n°05-43455), la Cour de cassation a même eu l’occasion de souligner très clairement que le défaut de mise en garde dans le règlement intérieur sur l’utilisation de la messagerie et de l’internet de l’entreprise à des fins personnelles ne permet pas d’exclure le comportement fautif du salarié. Elle a en effet jugé que « le stockage, la structuration, le nombre conséquent de ces fichiers et le temps dès lors consacré à eux par le salarié attestaient d'une méconnaissance, par lui, de son obligation d'exécuter les fonctions lui incombant en utilisant le matériel dont il était doté pour l'accomplissement de ses tâches, et a pu en déduire que ce comportement empêchait son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et constituait une faute grave, peu important une absence, sur un tel point, de mise en garde, de charte informatique ou de règlement intérieur ».

 

Par Blandine Allix, Avocat Associé, Flichy Grangé Avocats, Pôle Ethique et Diversité.

Lu 4865 fois Dernière modification le vendredi, 25 septembre 2015 06:34
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