Pourtant, l’adaptation aux effets du changement climatique n’est majoritairement pas au premier plan des stratégies d’investissements des entreprises. Tout récemment, l’été 2021, marqué par d’importants épisodes d’inondations en Europe (France, Allemagne, Belgique) et des sécheresses et canicules de très fortes intensités dans d’autres zones de la planète viennent confirmer, s’il en était encore nécessaire, l’urgence de la résilience des sites industriels.

Pourtant réduire les émissions de gaz à effet serre et anticiper les conséquences du changement climatique sont deux modes d'action à mener en simultané face à l'augmentation déjà effective de + 1,4 degrés °C en Grand-Est.

Pertes et tracas

Les pics de températures provoqués par le dérèglement climatique deviennent une norme dans de nombreux pays. Ils impactent la productivité de milliers de centres de production et, par la même occasion, la santé des employés qui y œuvrent jour et nuit.

D’ici 2050, les pertes manufacturières liées à la chaleur pourraient se chiffrer en plusieurs dizaines de milliards de dollars. Outre l’aspect économique, c’est la qualité des produits et des machines-outils qui les fabriquent qui tend à se dégrader, nécessitant de nouvelles approches et modes de fabrication.

Si l’informatisation des sites de production offre d’intéressantes perspectives en matière de maintenance prévisionnelle, elle implique également l’utilisation de composants électroniques sensibles aux variations de température. Il est de fait inutile de rappeler que de nombreux sites industriels sont mal isolés : il y fait chaud en été et froid en hiver et les amplitudes thermiques y sont importantes. Les espaces extérieurs sont souvent fortement minéralisés, ce qui les expose au phénomène d’îlot de chaleur urbain, limitant le pouvoir rafraîchissant en phase nocturne. La manipulation de produits thermosensibles - et pas forcément électroniques - devient par ailleurs un véritable casse-tête dans un contexte où le prix de l’énergie continue de s’envoler.

Des méthodes d’évaluation des risques

Détecter les signaux faibles et diagnostiquer les risques climatiques s’imposent donc de plus en plus aux industriels. Or, les entreprises n’ont pas toujours les moyens de se maintenir au courant sur les différents risques qui pèsent sur leur activité. Pour des raisons organisationnelles, budgétaires et cognitives, il peut leur sembler compliqué de s’emparer de ce sujet.

La chambre de commerce et d’industrie Alsace Eurométropole, convaincue de la nécessité d’accompagner les entreprises sur vers la résilience climatique, leur propose une boîte à outils complète leur permettant de se familiariser avec ces enjeux et d’initier une démarche d’adaptation. Issue du programme Interreg Clim’Ability, elle est composée de supports de formation, d’ateliers de créativité, d’un diagnostic de sensibilités climatiques et de projections climatiques futures à l’échelle du Rhin Supérieur.

Elle organise par ailleurs la conférence «  Résilience climatique : Adaptez votre activité industrielle au changement climatique et décarbonez vos investissements  » lors du salon BE 4.0 — Salon Industries du Futur qui se tiendra à Mulhouse, les 30 novembre et 1er décembre 2021. Justine Mossé, consultante chez Carbone 4, y présentera un autre outil, la méthode OCARA permettant aux entreprises d’identifier les impacts du changement climatique sur l’intégralité de leur chaîne de valeur. Développé en partenariat avec l’ADEME, HDI Global France, Bureau Veritas et la CCI Grand Est, OCARA est le premier référentiel d’analyse de la résilience des entreprises à la dérive climatique.

À l’instar de la méthode Bilan Carbone, la méthode OCARA est vouée à être utilisée directement par les entreprises et enrichie au fil des expériences et approfondissement des connaissances.

Dix entreprises de la Région Grand-Est ont été accompagnée par la CCI pour tester ce diagnostic. Elles ont pu confirmer son caractère opérationnel, tenant compte de leurs problématiques concrètes, de l’approvisionnement en eau aux gestions des ressources humaines, en passant par les consommations d’énergie et de matières premières.

Si nous disposons dès aujourd’hui de différents outils de projections climatiques à l’échelle locale, encore faut-il que les entreprises de petite et moyenne taille soient sensibilisées aux bénéfices de leur utilisation. Une entreprise informée et à jour sur les dernières connaissances sur le climat est une entreprise plus à même de se saisir de ce défi inédit, de développer des réponses individuelles ou collectives (avec sa collectivité locale, les associations, l’agglomération, etc.) qui seront vertueuses pour le territoire.

Une raison pour laquelle experts, grands groupes et pouvoirs publics doivent se mobiliser ensemble afin d’essaimer pour que toute entreprise, peu importe son secteur d’activité, sa taille et son lieu d’implantation, s’engage dans une démarche de résilience climatique.

Par Amandine Amat, Chargée de mission Changement climatique et eau, CCI Alsace Eurométropole

¹ Rapport Bundtland en 1987, Rapport Stern en 2006, rapports du GIEC en 1990, 1995, 2001, 2007 et 2013/2014