Propriété intellectuelle en Chine et à Taïwan - Comment s’y prendre pour être mieux protégé

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Avec l’ouverture croissante des rapports entre les deux rives du détroit sino-taïwanais et la situation économique mondiale, beaucoup d’entreprises se posent la question des opportunités offertes par la Chine et Taïwan. En ce qui concerne la propriété intellectuelle, les histoires relatant de beaux succès industriels sont modérées par de nombreuses anecdotes qui appellent à la prudence. On y voit par exemple, des contrats de fabrication qui dégénèrent en raison de la contrefaçon des produits de grandes marques, par des compétiteurs locaux indélicats.  

Il est très important de bien comprendre ce qui se passe concrètement sur le terrain, tant chez ses partenaires commerciaux ou sous-traitants, qu’au sein même parfois de ses équipes et des employés. Un exemple venant illustrer le propos : dans un cas récent, une société de publicité allemande a découvert que ses opérations en Chine, avaient été reprises par une société parallèle dirigée par…ses propres employés !  

Il y a aussi une forte tendance dans les sociétés asiatiques, à confier la réalisation de leurs propres produits à des sociétés tiers qui jouent le rôle de simple intermédiaire et travaillent en réalité avec des sociétés filiales ou des entités installées ailleurs en Asie.
Cela veut dire qu’une société ayant conclu un accord avec une société taïwanaise, peut parfaitement découvrir que ses produits sont en fait fabriqués en Chine, au Vietnam ou dans tout autre pays asiatique. Dès lors, si un jour des problèmes surgissent, démêler les différentes parties impliquées dans ce qui paraissait être un simple contrat de fabrication peut devenir une tâche d’une difficulté quasi insurmontable.

Des entreprises au nom similaire peuvent en effet faire référence à des sociétés localisées dans des pays différents. Toutefois, les outils permettant de vérifier l’identité des partenaires locaux sont devenus récemment plus simples et moins chers d’utilisation. En une semaine, il est maintenant possible d’obtenir une confirmation rapide de l’identité des partenaires locaux, et de savoir s’ils sont bien ce qu’ils prétendent être.

Même si la plupart des litiges commerciaux simples sont contractuellement soumis à l’application d’une loi précise dans un tribunal particulier, les contrats doivent néanmoins clairement préciser que la société se réserve le droit d’agir ailleurs et d’utiliser tous les systèmes de droit nécessaires à la protection de la propriété intellectuelle ou à celle liée aux secrets professionnels.   
   
Rechercher des défauts dans la protection de la propriété intellectuelle.
Avec le développement de la globalisation et de l’Internet, les « imitateurs » d’une marque, peuvent agir de l’autre bout de la planète. Les réseaux mis à profit par les pirates, les contre facteurs et autres contrevenants, peuvent s’étaler sur plusieurs régions du monde. Ils ont les moyens de déplacer les marchandises à l’échelle internationale. N’ayant aucun coût de recherche, de développement ou de publicité, les imitateurs peuvent rapidement et efficacement proposer des produits à prix cassés sur tous les marchés internationaux. Tirer profit de la moindre lacune ou faille dans la protection de la marque devient pour ces indélicats un jeu d’enfant. En conséquence, il est toujours bon d’avoir un expert en propriété intellectuelle pour examiner le panorama de la protection de ses droits.
Cette précaution permet ainsi de vérifier la solidité des brevets et des marques, notamment par un copyright (software, publication, manuel) faisant l’objet d’enregistrements en Chine, en Europe, aux USA, ou ailleurs.   

Le piège des dépôts mal ficelés ou oubliés
La protection d’une marque est trop souvent traitée comme une corvée à régler au coût élevé. Attention ! Les importateurs et producteurs de contrefaçons sont connus pour déposer agressivement des marques en Chine, à Taïwan, et même ailleurs en Asie. Pour exploiter la moindre lacune dans la protection juridique d’une marque, ils peuvent aller très loin avec pour seul objectif d’abuser les consommateurs. Créations d’entreprises ou dépôts de noms de domaine pour site web sont quelques-uns des subterfuges créant une apparence fallacieuse de légitimité.  

Il est difficile de faire machine arrière
Défaire ces imbroglios une fois qu’ils sont en place est bien plus coûteux que de s’assurer dès le départ d’une très solide protection. Un exemple : une société fictive en Chine, est allée jusqu’à préciser sur son site Internet que la société légitime taïwanaise - dont elle avait usurpé l’identité - n’était qu’une de ses filiales, en indiquant même son adresse.
De surcroît, quand les représentants commerciaux de ces sociétés fictives parcourent le monde pour rencontrer et parler aux clients (en participant par exemple à des foires commerciales pour y offrir “vos” produits à des prix cassés) les pertes et le préjudice peuvent être très importants.
Nous avons croisé des représentants commerciaux de telles sociétés pirates; ils ont souvent, voire toujours, une très bonne connaissance de la société victime et de ses produits. Il faut avoir conscience et admettre que malheureusement leur crédibilité est assez forte.

La cohérence des marques en Chinois
Les dépôts de marque en chinois doivent être cohérents, et ce dans les différentes juridictions où la marque sera déposée. Si on ne choisit pas soi-même un nom pour sa marque, celui-ci sera choisie, en fin de compte, par les consommateurs (ou les distributeurs locaux).

Deux exemples :
- Une société majeure dans le domaine des produits ménagés s’est retrouvée bloquée avec un nom différent en Chine et à Taiwan, motif : elle n’avait pas pris en considération l’uniformité de sa dénomination sociale, lors des différents dépôts de marque.
En outre, il n’est pas rare, toutes industries confondues, de trouver, en raison de pratiques négligentes, des sociétés utilisant des caractères chinois homophones, mais différents en graphie et en sens, pour l’enregistrement de leurs marques clefs à Taïwan, Hong Kong ou en Chine.
- Un groupe de renom dans le domaine du design, a eu sa dénomination sociale enregistrée de trois façons différentes en Chinois, pour la même société mère. Des situations de ce type tendent la perche aux contrefacteurs, et autres passagers clandestins dont il sera très difficile d’établir la responsabilité.

Il est aussi crucial de ne pas laisser un partenaire commercial local enregistrer à son propre compte une marque et ses noms de domaine. Beaucoup de sociétés, qui entrent sur le marché asiatique, sont souvent très contentes et tentées de trouver une solution clefs en main réglant tous les problèmes liés à l’importation et à la distribution. Elles se disentque cela est plus simple, moins cher, et que c’est même un bon moyen de tisser des liens privilégiés avec ses partenaires locaux.
Problème : un partenaire local, même le mieux intentionné du monde, n’aura pas la même pugnacité et appréciation de la valeur de la marque que son propriétaire d’origine.
 
Problèmes liés au dépôt et au renouvellement
Les partenaires locaux sont souvent tentés de déposer les marques eux-mêmes sans passer par un conseiller expert en la matière. Ces partenaires ne sont souvent pas assez expérimentés pour savoir quand un dépôt de marque recèle de réelles difficultés et ils ne savent pas comment y remédier. Un distributeur local peut par exemple ne pas faire suffisamment attention aux dates butoirs des renouvellements. Quand une société étrangère veut maintenir un contrôle stratégique sur sa marque – notamment agir en justice -  ne pas être l’auteur du dépôt sera une source de difficultés et de coûts supplémentaires.

Le personnel, les relations, et les marchés changent au cours du temps. Une société qui n’a pas ses marques locales enregistrées sous son propre nom, se retrouvera pratiquement toujours face à des problèmes majeurs, lorsqu’elle souhaitera trouver de nouveaux importateurs ou distributeurs. Son éventail de possibilités va s’en trouver largement réduit, que cela soit pour obtenir une plus grande proximité avec un partenaire global ou local offrant des économies d’échelle ou pour entrer sur le marché directement elle-même.
Mais que faire quand les dépôts de marque ont été délégués à un partenaire commercial ? Les problèmes liés aux marques se résolvent beaucoup mieux quand il n’y a ni problème majeur, ni changement dansles relations commerciales. D’abord, parce que le transfert d’un nom de domaine ou d’une dénomination sociale se fait beaucoup plus rapidement, si les partenaires commerciaux locaux coopèrent. En outre, tenter de corriger une situation, alors que les relations sont déjà dégradées, peut s’avérer particulièrement difficiles et donc coûteux.

Si les problèmes sont déjà là, il devient important de reprendre le contrôle de la situation, et de donner une estimation réaliste de ce qui peut être fait. Quand les dépôts ont été réalisés sans votre consentement, le droit chinois, taïwanais ou une autre loi applicable, peuvent vous fournir des solutions pour vous protéger.  

En conclusion
L’élément le plus important est de reconnaitre que, malgré la dénomination de “propriété intangible”, une marque a, ou aura, une valeur particulièrement importante pour l’entreprise dans le futur. Les marques et les noms de domaine qui sont utilisés sur le marché doivent être enregistrés sous le nom de sa société propre. Des accords avec les partenaires locaux doivent être très précis, notamment sur la manière et les circonstances de l’utilisation de la marque. Ces accords doivent préciser en outre clairement les circonstances dans lesquelles leur utilisation peut être abandonnée. Le portfolio de marques doit être entretenu d’une manière professionnelle, ce qui passe nécessairement par un suivi rigoureux des renouvellements. Cela passe aussi par le maintien d’une adéquation entre l’étendue de la couverture juridique et la croissance de l’entreprise.

Les noms de marque en chinois doivent être, dans la mesure du possible, uniformes au travers des différentes juridictions. Bien réfléchir et préparer le contrôle d’une marque et de son utilisation sur le marché, estla meilleure des protections. Elle permet de réaliser des économies importantes le jour où un contrevenant apparait ou que le business plan de l’entreprise change.


John EASTWOOD
Avocat associé - cabinet Eiger Law - Bureaux à Taïpe et Shangaï
Co-président du Comité sur le Droit de la propriété intellectuelle - European Chamber of Commerce Taïwan.

Lu 11411 fois Dernière modification le vendredi, 28 août 2015 11:09
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