Windows Onward

ISF et exonération des biens professionnels : haro sur la trésorerie surabondante de l’entreprise

Évaluer cet élément
(0 Votes)

Les dirigeants d’entreprise peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’une exonération d’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) pour les parts ou actions de société qu’ils détiennent. Les contribuables concernés prennent généralement soin de vérifier régulièrement le respect de ces conditions. Mais attention…


Il peut parfois être oublié dans l’analyse qu’il ne suffit pas, pour que les titres d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés soient exonérés d’ISF, que ceux-ci aient la nature de biens professionnels au regard des dispositions de l’article 885 O bis du CGI.

Rejet de la surabondance
En effet, l’article 885 O ter du même code édicte que « seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société est considérée comme un bien professionnel ». En conséquence, les services fiscaux cherchent assez fréquemment à remettre en cause tout ou partie de l’exonération d’ISF : ils contestent que les actifs détenus par l’entreprise répondent aux exigences de ce dernier texte. Il en est ainsi de la trésorerie (liquidités et valeurs mobilières de placement) : son abondance au sein de la société contrôlée devient l’un des sujets d’attention favoris de certains vérificateurs. Certes, les vérificateurs exercent leur art redouté sous le contrôle du juge de l’impôt. Cependant, il semble que les juridictions elles-mêmes soient désormais attentives à ce sujet : elles apparaissent vouloir définir les critères à partir desquels la trésorerie doit, ou non, être qualifiée d’« élément du patrimoine social nécessaire à l’activité ».


Les juridictions sont attentives
En ce début d’année, deux décisions en donnent une illustration pour un cas fréquent et critique : celui des sociétés détenant une trésorerie importante suite à la cession de leur activité.  Le 21 janvier 2014, la Cour de cassation (Cass. Com. 21 janvier 2014, n°12-28988) a jugé du cas d’un contribuable actionnaire majoritaire et dirigeant d’une société qui avait cédé les titres de participation qui représentaient l’essentiel de son actif et investi le prix de cette cession en divers placements financiers. Les magistrats du Quai de l’Horloge ont admis le principe selon lequel la trésorerie d'une société constitue un actif nécessaire à son activité dès lors que son acquisition découle de l'activité de la société ou résulte d'apports en comptes courants effectués par les associés.

En revanche, ces mêmes magistrats ont considéré que dans le cas qui leur était soumis les placements en cause ne provenaient pas de l’activité de la société et qu’ils étaient significativement disproportionnés par rapport au chiffre d’affaires provenant de la gestion de chambres de maisons de retraite constituant la nouvelle activité opérationnelle de la société. Ils en ont déduit que le maintien d’une telle trésorerie ne répondait pas à une nécessité d’exploitation. L’exonération d’ISF au titre du régime des biens professionnels de la valeur des titres de la société en cause détenus par le dirigeant a donc été refusée et ce, en proportion du montant de la trésorerie de la société qui n’était pas nécessaire à l’activité sociale.

Quelques jours auparavant, à savoir le 6 janvier 2014, la Cour d’appel de Toulouse (n°12/04586), s’était prononcée sur un cas présentant certaines similitudes factuelles : un contribuable détenait la majorité des actions d’une société et prétendait à ce titre au bénéfice du régime des biens professionnels. La société considérée avait cependant cédé son activité d’origine et l’actif de son bilan présentait un niveau de trésorerie important. La Cour d’Appel de Toulouse a admis que les liquidités puissent conserver la qualification d’éléments d’actif nécessaire à l’activité de la société. La Cour en a jugé ainsi au motif que le contribuable avait démontré l’intention de la société de réinvestir sa trésorerie dans une nouvelle activité.

Le délai entre la disparition de l’activité d’origine et le réinvestissement avait pourtant été de plusieurs années. Cependant, la Cour a retenu certaines des justifications apportées par le contribuable, à savoir : l’existence de tentatives de reconversion antérieures, même si celles-ci s’étaient soldées par des échecs ; la longueur des démarches administratives indispensables et l’importance des capitaux nécessaires au réinvestissement dans l’activité-cible, savoir la production hydroélectrique ; la durée des pourparlers nécessaires à l’aboutissement d’un tel réinvestissement. Il faut en outre signaler que, in fine, le réinvestissement avait tardivement, mais effectivement, eu lieu.

Des précautions indispensables
Ces décisions nous paraissent confirmer que, pour que les actions détenues par son dirigeant bénéficient de l’exonération d’ISF au titre des biens professionnels, la société qui cède son activité doit réinvestir une part significative de la trésorerie résultant de cette cession dans une nouvelle activité (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale). Quant au délai dans lequel le réinvestissement doit intervenir, il faut, nous semble-t-il, retenir, tant des décisions citées que de décisions antérieures et de leurs commentaires, qu’en l’absence, d’une part, de réinvestissement effectif pendant plus de deux ou trois exercices et, d’autre part, de tout projet crédible d'investissement, le contribuable entre dans une zone de risque. Il nous semble donc indispensable que pour atténuer ce risque, le contribuable puisse au moins justifier, par des éléments concrets, de la réalité et de la constance des intentions de réinvestissement de la société.

A défaut, l’actionnaire dirigeant n’échappera sans doute pas à un rejet partiel du bénéfice de l’exonération d’ISF des titres sociaux qu’il détient, et ce à proportion de la partie jugée surabondante de la trésorerie de la société. Cela étant, quels que soient la qualité juridique de ces décisions et leur caractère au total et jusqu’à présent plutôt nuancé, celles-ci ne doivent pas éclipser une réalité économique : un investissement réussi est le plus souvent le terme d’un processus décisionnel excluant toute précipitation. 



Dominique PAYET & Alfred LORTAT-JACOB
Avocats associés - Département droit des sociétés - fusions acquisitions - +Fiscal pour A. Lortat-Jacob.
Cabinet Cornet Vincent Ségurel

Note de la Rédaction : le présent article constitue une information. Il ne saurait en aucun cas s’assimiler ou se substituer à une consultation juridique en bonne et due forme.

 

 

Lu 6631 fois Dernière modification le mercredi, 26 août 2015 15:48
Nos contributeurs

Nos contributeurs vous proposent des tribunes ou des dossiers rédigées en exclusivité pour notre média. Toutes les thématiques ont été au préalable validées par le service Rédaction qui évalue la pertinence du sujet, l’adéquation avec les attentes de nos lecteurs et la qualité du contenu. Pour toute suggestion de tribune, n’hésitez pas à envoyer vos thématiques pour validation à veronique.benard@gpomag.fr

 

 

ImageEditionDigitaleMensuelle

 

Les Éditions Digitales Mensuelles de GPO Magazine

 Votre outil de veille, élaboré par nos journalistes, dans votre boîte mail.

Inscrivez-vous pour recevoir la prochaine édition gracieusement.

 

 

 

   

Annonces

Windows Onward

Le magazine digital

Inscrivez-vous à notre édition digitale pour feuilleter gratuitement le prochain numéro

inscrit.png   

Paru le 4 mars 2024
GPO Magazine N°113
Demandez votre exemplaire au service Vente au numéro

Lire l'extrait GPO 113.png

Paru le 27 novembre 2023
Édition Spéciale Transformation digitale
Recevez-le dès aujourd'hui !
Abonnez-vous à l'année en cliquant ici

Vignette Lire un extrait HS Transfo Digitale.png

Livres Blanc et E-book

Le Système d'Exploitation Hybride Windows 11 de Microsoft Booste la Productivité et la Sécurité en Entreprise
Microsoft a récemment dévoilé Windows 11, son dernier système d'exploitation, qui s'adapte parfaitement au mode…
Quelle stratégie pour établir une relation commerciale durable en Allemagne : un guide pour les dirigeants d’entreprises françaises
L'Allemagne, premier partenaire commercial de la France, demeure un marché d'exportation incontournable pour les entreprises…
Comment favoriser sa transition vers une économie mondiale durable ?
La CSRD contribue à l’objectif de l’Union européenne de promouvoir une économie durable et responsable,…
Plus de livres blanc

Webinaires

Facturation Électronique 2024 : une opportunité de performer pour les entreprises !
Une enquête de Wax Digital a révélé que 70 % des professionnels de la comptabilité…
Comment faire prospérer son entreprise dans la conjoncture actuelle ?
Pour accompagner les entreprises au plus près de leurs préoccupations, les experts de KPMG, Crédit…
Comment aborder la fin du « quoi qu’il en coûte » ?
Symboles du « quoi qu'il en coûte » comme réponse au Covid-19, les prêts garantis…
Plus de webinaires

Services aux entreprises

è Découvrez le réel impact de Windows 11 Professionnel

Grâce à la sécurité activée par défaut, les entreprises du monde entier prennent des initiatives plus audacieuses et des décisions plus rapides.

 
è Facturation électronique 2026

Un guide détaillé sur les étapes clés pour réussir son passage à la facturation électronique 2026 et franchir le pas de la dmatérialisation, avec tous les bénéfices qui l'accompagnent.

LB Facturation electronique 2026 Docuware.png

 

è  BUSINESS FRANCE : Établir des relations commerciales en l'Allemagne

L'Allemagne est le premier partenaire commercial de la France et représente le plus fort potentiel à l'export de la France à horizon 2025. Ce marché à la fois passionnant et exigeant mérite d'adopter une stratégie durable pour établir une relation commerciale sur le long terme. Tel est l'objectif de ce livre blanc de 64 pages intitulé "Quelle stratégie pour établir une relation commerciale avec l'Allemagne", proposé par Business France et ses partenaires de la Team France, et téléchargeable gracieusement.

 Couverture Livre Blanc Business France Allemagne.png

 
è  SYLOB : ERP pour l'industrie

Anticiper les évolutions industrielles et se projeter dans l'usine intelligente du futur, tels sont les objectifs visés par ce guide pratique de 20 pages à destination des PME intitulé "Industrie 4.0 & ERP", proposé par Sylob et téléchargeable gracieusement.

Couv Sylob CTA.png

 

GPO Magazine

GPO Magazine, pour Gérer, Prévoir et Optimiser les ressources de l'entreprise est un magazine d'aide à la décision bimestriel, axé sur l'optimisation de la gestion d'entreprise, pour concrètement guider ses lecteurs dirigeants dans leurs réflexions stratégiques, leurs démarches opérationnelles, la gestion de leurs droits et dans le choix de leurs partenaires.

Une ligne éditoriale concrète et pertinente qui conjugue tendances, cas concrèts et témoignages, dossiers d'analyse, dossiers marchés, dossiers métiers, focus, point de droit, point international, point fiscal. Plus des " Avis d'Experts ".

Contactez-nous

Nos autres sites d'information

Twitter - Derniers posts