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L'exil des PME : mythe et réalité

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À l’instar des entrepreneurs et des dirigeants qui quittent la France, certaines entreprises peuvent être tentées de transférer leur siège social hors de France, dans le but notamment de réduire leur niveau d’imposition. Qu’en est-il en pratique ? Quels sont les coûts fiscaux induits par un transfert de siège social hors de France ? Dans quelles conditions un transfert de siège social peut-il permettre d’éviter, sans risque, l’impôt français ?

En principe, le transfert du siège social d’une entreprise hors de France est assimilé à une cessation d’entreprise qui emporte les conséquences suivantes :

• L’entreprise qui transfère son siège est immédiatement redevable de l’impôt sur les sociétés (« IS ») au titre : des bénéfices d’exploitation réalisés depuis l’ouverture de l’exercice au cours duquel elle transfère son siège social (ou son siège de direction effective) hors de France ; des bénéfices en sursis d’imposition (tels que les provisions non encore imposées ou les profits bénéficiant d’un étalement d’imposition) ; et des plus-values latentes afférentes aux éléments de son actif immobilisé.
En outre, l’entreprise qui transfère son siège hors de France perd définitivement le bénéfice de ses reports fiscaux déficitaires.

• Le transfert du siège social hors de France n’est pas neutre fiscalement pour les associés de la société qui sont présumés percevoir un revenu réputé distribué conformément à l’article 111 bis du Code Général des Impôts (« CGI »)1. Ce revenu est imposable selon les modalités suivantes : pour les associés personnes physiques, il est soumis à l’impôt sur le revenu au barème progressif, après application d’un abattement en base de 40 % ; pour les associés, personnes morales passibles de l’IS, ce revenu est soumis à l’IS au taux de droit commun pour son montant total, sauf application du régime « mère fille »2 qui permet de réduire le revenu imposable à la seule quote-part de frais et charges égale à 5 % de son montant.

 

Par exception, si le transfert de siège social s’effectue à destination d’un État membre de l’Union européenne, les conséquences fiscales immédiates pour l’entreprise sont atténuées :

• À condition d’être purement administratif (c’est-à-dire de ne s’accompagner d’aucun transfert d’actifs hors de France), le transfert du siège social constitue un événement fiscalement neutre. Aucune imposition n’est exigible lors du transfert, ni pour la société, ni pour ses associés.

• Si, au contraire, le transfert du siège social s’accompagne d’un transfert d’actifs hors de France, la société concernée peut, depuis le 14 novembre 2012, être autorisée (à condition d’en faire la demande) à procéder au paiement étalé sur cinq ans de « l’impôt sur les sociétés calculé à raison des plus-values latentes constatées sur les éléments de l’actif immobilisé transférés et des plus-values en report ou en sursis d’imposition ».
Dans son projet de BOFIP mis en ligne le 3 juillet 2013, l’administration fiscale précise le nouveau dispositif, prévu à l’article 221, 2, alinéa 3 du CGI.
En particulier : l’IS dû par la société sur son bénéfice d’exploitation réalisé depuis l’ouverture de l’exercice au cours duquel elle transfère son siège social hors de France n’est pas susceptible de bénéficier de cet étalement ; s’il est réalisé vers un autre État de l’Union européenne ou d’un État partie à l’EEE3 ayant conclu avec la France un ensemble de conventions4, le transfert du siège social n’entraîne pas les conséquences fiscales de la cessation d’entreprises prévues par l’article 111 bis du CGI à l’égard des associés.
Le transfert du siège social vers un autre État de l’Union européenne ou d’un État partie à l’EEE est ainsi fiscalement neutre à l’égard des associés, même s’il s’accompagne d’un transfert d’actifs.

Outre les frottements fiscaux liés au transfert de siège social proprement dit, les entreprises qui envisagent un changement de nationalité ont intérêt à anticiper leur situation fiscale post transfert et, notamment à déterminer si, et dans quelle mesure, le transfert de leur siège social hors de France est susceptible de les exonérer de toute imposition en France.

En effet, l’IS français repose sur des règles de territorialité spécifiques qui dépendent du lieu d’exploitation, et non du lieu de situation de leur siège social.
Ainsi, une société ayant son siège social situé en France ou à l’étranger est soumise à l’IS français sur les profits qu’elle retire de ses exploi­tations situées en France, c'est-à-dire de tout établissement situé sur le territoire français, qu’il s’agisse d’une usine, d’une succursale, d’un comptoir de vente…, d’un représentant n’ayant pas de personnalité professionnelle distincte de celle de l’entreprise ou de la réalisation d’un cycle commercial complet en France (achat-revente).
Une entreprise ayant transféré son siège social hors de France ne peut donc éviter l’IS français que si, après ce transfert, elle satisfait aux trois conditions suivantes :

• Elle ne dispose plus d’aucun établissement physique situé en France, à l’exception de ceux dont l’activité serait préparatoire et accessoire, tels que les bureaux de liaison, les installations utilisées à des fins de stockage (entrepôts) ou d’exposition (stands et pavillons), de livraison ou de transformation.

• Elle n’est pas représentée en France par une personne placée sous sa dépendance juridique (tel qu’un salarié) ou économique (tel qu’un agent lui consacrant la quasi-totalité de son activité) qui serait habilitée à négocier en son nom des contrats avec les tiers.

• Elle ne réalise pas en France un « cycle commercial complet », tel que des opérations d’achat/revente. Contrairement à certaines idées reçues, l’exil d’une PME ne constitue pas la panacée pour éviter l’impôt français. En tout état de cause, outre les coûts directs qu’il est susceptible d’induire, le transfert du siège social d’une PME hors de France ne constitue pas un événement suffisant pour éviter la force attractive de la territorialité de l’IS français. Selon l’activité et l’organisation de la PME candidate à l’exil, une réorganisation profonde de son mode opératoire pourrait être nécessaire.

Par Claire GUIONNET-MOALIC - Avocat Associé Orsay law

 

1 Le revenu réputé distribué correspond à l'excédent entre les bénéfices d'exploitation, bénéfices en sursis d'imposition et plus-values latentes sur la base desquels la société est imposée lors du transfert de son siège social hors de France et le montant de leurs apports.

2 Pour bénéficier du régime "mère fille", l'actionnaire doit détenir 5% au moins des droits de vote et des droits dans les bénéfices sociaux de la société depuis plus de 2 ans ou prendre l'engagement de conserver cette participation pendant 2 ans au moins.

3 Les États membres de l'EEE (hors États de l'UE) sont l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège.

 

4 Une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement (poursuivant l'objectif prévu par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010).

 

Lu 6691 fois Dernière modification le mercredi, 21 octobre 2015 14:13
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