Responsabilités du dirigeant : quels risques pour vous et votre entreprise ?

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Au fil des années, l’entreprise a évolué d’une logique économique et citoyenne, vers plus de sécurité. Et notre dirigeant aurait tort de ne pas tenir compte de ce paramètre important. Car le défaut de sécurité dans son entreprise peut lui coûter cher et sa responsabilité, ainsi que celle de son entreprise, peuvent être engagées à ce titre.


Nul n’est censé ignorer la loi : voilà un adage du droit français qui, à lui seul, peut faire frémir n’importe quel dirigeant. Car il est extrêmement rare que le responsable d'entreprise puisse faire valoir sa bonne foi, son incompétence, son inexpérience ou sa méconnaissance des textes. Au surplus, les responsabilités civiles et pénales sont de plus en plus étendues à la suite de l’inflation législative et règlementaire ainsi que par les contraintes en matière de sécurité et d’environnement.

Soulignons que la responsabilité du dirigeant peut aussi bien naître d’un acte positif que d’une abstention ou d’une omission. C’est ainsi que le dirigeant d’entreprise peut voir sa responsabilité personnelle engagée à la suite de la gestion et de l’exploitation de son entreprise, de ses rapports avec ses clients, ses fournisseurs ou encore avec les tiers. Cependant, la personne morale supportera bien souvent les conséquences des fautes commises par ses dirigeants dans le cadre de leurs fonctions.
Enfin, la responsabilité du dirigeant ne sera pas la même selon que sa société sera ou non in bonis.
Le dirigeant doit donc observer la plus grande prudence dans la vie quotidienne de son entreprise et penser à se prémunir contre le risque lié à sa responsabilité, en souscrivant une assurance responsabilité civile des mandataires sociaux et en prévoyant une délégation de pouvoirs.
GPO Magazine vous propose de faire un tour d’horizon des différentes responsabilités civiles et pénales du dirigeant et/ou de la personne morale, dans la gestion et l’exploitation de son entreprise. Nous définirons également les nouvelles responsabilités des dirigeants. Enfin, nous rechercherons comment le dirigeant peut se prémunir contre ces différents risques.

La responsabilité civile du dirigeant et/ou de la personne morale dans la gestion et dans l’exploitation de l’entreprise
« La responsabilité civile des dirigeants est rarement engagée. Cette hypothèse viserait la situation d’un dirigeant qui aurait commis une faute, sur le temps de travail, à l’occasion d’une situation étrangère à l’activité de l’entreprise. En effet, tout fait ou incident lié à l’activité de l’entreprise impacte la responsabilité de l’entreprise », indique Jean-François Martin, avocat associé du Cabinet Cornet Vincent Segurel.
L’entreprise peut donc voir sa responsabilité engagée dans le cadre d’une faute de son dirigeant ou d’une négligence, voire d’une omission. Les principaux actes pouvant engager la responsabilité du dirigeant dans la gestion courante de l'entreprise sont d'abord le non-­respect des dispositions légales ou réglementaires applicables aux sociétés : irrégularités dans la tenue des comptes et la présentation des comptes sociaux ou dans la distribution des dividendes, notamment. En outre, la responsabilité du dirigeant peut aussi être engagée en cas de fautes de gestion. Le champ de ces fautes est très vaste et couvre tous les domaines d'activité de l'entreprise. Les fautes vont de la simple négligence, tel que l'engagement de dépenses trop importantes par rapport aux capacités de l'entreprise jusqu’aux manœuvres frauduleuses caractérisées, comme la dissimulation de recettes, la présentation de faux bilans, etc. Enfin, le dirigeant peut commettre des fautes dans l’exploitation de son entreprise (responsabilité en matière de risques routiers, en matière environnementale...).

La responsabilité pénale du dirigeant et/ou de la personne morale dans l’exploitation de son entreprise
En ce qui concerne la responsabilité civile délictuelle pour faute ou au titre de la garantie du fait des produits défectueux, c’est l’entreprise, personne morale, qui est responsable. La responsabilité personnelle du dirigeant pourra cependant être engagée en cas de faute personnelle ou détachable des fonctions. « Sur le plan pénal, deux catégories principales d’infractions peuvent être retenues : des infractions au code pénal, résultant de la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi, ou des fautes « caractérisées », exposant autrui à un risque prévisible d’une particulière gravité et les infractions au code de la consommation (tromperie, falsification, publicité mensongère, etc.). En effet, la tromperie peut porter sur l’origine et les qualités substantielles d’une marchandise. Si, en l’absence de contrat, le délit de tromperie ne peut être retenu, la responsabilité des dirigeants sera recherchée sur le terrain des pratiques commerciales « trompeuses » : allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, notamment sur les qualités substantielles ou la composition du produit. Le fait d’exercer des fonctions de direction est suffisant pour que l’infraction soit imputée. Ces deux catégories de délits sont sanctionnées pénalement par deux ans d’emprisonnement et une amende de 37 500 € », explique Bruno Néouze, avocat associé du Cabinet Racine.

En ce qui concerne la commercialisation de produits contrefaits par une entreprise, là encore, c’est la personne morale qui, en principe, est responsable. La responsabilité personnelle du dirigeant pourra cependant être recherchée s’il commet une faute intentionnelle d’une parti­culière gravité. « À titre d’exemple, la Cour de cassation a estimé que le dirigeant qui a commis des actes de contrefaçon de manière délibérée et persistante, pendant plusieurs années, malgré les mises en garde et, en dépit des procédures judiciaires, engageait sa responsabilité personnelle (Com, 25 janvier 2005). Les sanctions civiles encourues consistent pour l'essentiel en l'interdiction de poursuivre les actes de contrefaçon et en l'indemnisation du préjudice subi par la victime de la contrefaçon. Le dirigeant coupable de contrefaçon encourt également, même si la voie d’action pénale est plus rare en pratique, 3 ans d’emprisonnement et une amende pénale pouvant atteindre 300 000 €, outre diverses peines complémentaires (confiscation du matériel, affichage du jugement, etc.) », précise Valérie Ledoux, avocat associée du Cabinet Racine.

Les nouvelles responsabilités du dirigeant d’entreprise
Ces dernières années, certains risques se sont accrus, tels que le risque environnemental ainsi que les risques concernant la santé des travailleurs. Ces risques se traduisent par des évolutions législatives qui viennent impacter directement la responsabilité des dirigeants.

Risque environnemental : La loi du 1er août 2008 a mis en place le principe dit du « pollueur-payeur » et a créé une nouvelle « responsabilité envi­ronnementale ». En cas de dommage(s) grave(s), ou de menace imminente de dommage(s) grave(s), aux eaux, aux sols et/ou aux espèces et habitats naturels protégés, occasionné(s) par un exploitant du fait de son activité professionnelle, sa responsabilité environnementale peut être mise en jeu.
L’exploitant est alors tenu, sur décision de l’autorité compétente (le Préfet), de prendre, à ses frais, les mesures de prévention ou de réparation appropriées. Pour certaines activités professionnelles (un certain nombre d’installations classées pour la protection de l’environnement mais aussi les exploitants agricoles, acteurs du BTP, etc.), la responsabilité de l’exploitant sera engagée en l’absence même de toute faute ou négligence de ce dernier.

Risque concernant la santé des travailleurs : Les règles applicables à la santé au travail ont fait l’objet, récemment, d’une jurisprudence abondante. Fondée sur une obligation de sécurité pour l’employeur, elle se mue de plus en plus en droit
à la santé pour le salarié. La prise en compte croissante des risques liés au travail trouve son fondement dans l’article L4121.1 alinéa 1 du Code du Travail : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » et dans l’article L1152-4 du Code du travail : « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ».
« Partant de ce principe général d’ordre public qui fait peser sur l’employeur une véritable obligation de résultat engageant ses responsabilités civiles et pénales, les acteurs politiques et sociaux ont souhaité apporter plus de précisions et protections aux situations que constituent le harcèlement moral et/ou sexuel et le suicide », explique Bernard Dumonteil, avocat au Barreau de Paris. Concernant le harcèlement, des garanties de protection doivent figurer dans le règlement intérieur et les articles du Code pénal relatifs aux délits de harcèlement moral et sexuel doivent être affichés dans les lieux de travail. « Le salarié jouit d’un « droit d’alerte » et d’un « droit de retrait », respectivement consacrés par les articles L4131- 1 et L4132-1 du Code du travail, qu’il peut exercer à chaque fois qu’il estime se trouver dans une situation de danger grave et imminent, aussi bien physique que mental. Il peut même prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, voire solliciter la résiliation judiciaire du contrat. L’employeur peut être attrait aussi bien devant le juge civil que le juge pénal pour répondre de ses manquements en matière de sécurité. Le harcèlement sexuel et moral est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende » souligne Bernard Dumonteil.
Quant aux suicides de salariés, force est de constater qu’ils se sont multipliés ces dernières années. Le Conseil Economique et Social a avancé le chiffre d’un suicide par jour lié au stress professionnel. Aucun secteur d’activité n’est épargné (constructeurs automobiles, énergies électrique et nucléaire, banques, etc.) et aucune catégorie professionnelle n’est moins affectée qu’une autre. « Les tribunaux n’hésitaient pas à retenir la qualification d’accident du travail, à chaque fois que le suicide était directement lié au travail, mais la jurisprudence a changé d’orientation en retenant la qualification d’accident de travail lorsque l’accident se produit à un moment où le salarié n’est plus sous la subordi­nation de l’employeur si l’accident est survenu par le fait du travail », précise Bernard Dumonteil.

La responsabilité du dirigeant étant de plus en plus recherchée, comment le dirigeant peut-il se protéger ?
De nombreux risques juridiques pèsent sur les dirigeants de société… Les risques concernant la responsabilité civile du dirigeant peuvent être couverts par une assurance et ceux concernant la responsabilité pénale du dirigeant par une délégation de pouvoirs.
La délégation de pouvoirs est une pratique née de l'expérience du fonctionnement du management, dans les grandes entreprises, devant la nécessité impérieuse, pour un dirigeant, de faire face à toutes les responsabilités qui lui incombent, et notamment dans le cadre de structures complexes tant en interne qu’à l'international.
« La délégation de pouvoirs est un vrai mode de gestion de la responsabilité pénale. Elle représente le moyen pour le dirigeant (délégant) de s'exonérer de sa responsabilité pénale, par transfert des risques à un subordonné (le délégataire). Mais la délégation ne peut être ni totale, ni générale : seule une fraction des pouvoirs, donc des risques peut être transférée. Les conditions de validité et de preuve sont très strictes », précise Jean-François Martin.

Ainsi, par cinq arrêts en date du 11 mars 1993, la chambre criminelle de la Cour de cassation définit les contours de la délégation de pouvoirs : « sauf dans les cas où la loi en décide autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ».
Tant les dirigeants de droit que les dirigeants de fait, peuvent voir leur responsabilité civile engagée sur leurs biens propres.
L’assurance RCMS (Responsabilité civile des mandataires sociaux) a pour but de garantir les dirigeants de droit (et parfois de fait) dans le cadre de fautes professionnelles dont ils sont personnellement redevables sur leurs biens propres. Aucune protection classique (contrat de travail, statut ou forme juridique de l’entreprise, contrat de responsabilité chef de famille, contrat de RC professionnelle ou d’exploitation) ne couvre le dirigeant en cas de mise en cause personnelle. L’intérêt de telles polices est de protéger les dirigeants (RC personnelle) et in fine leur patrimoine. Il a également pour intérêt de prendre en charge les frais de défense qui représentent souvent des sommes importantes.
   
Par Linda DUCRET

Responsabilité civile et responsabilité pénale
Alors que la responsabilité civile vise à réparer les dommages causés à un individu, la responsabilité pénale contraint l’auteur d’une infraction à répondre de ses actes devant la société dans son ensemble. Le droit pénal vise à réprimer les infractions, c’est-à-dire les actions ou les omissions définies et punies par la loi pénale, imputables à leur auteur et ne se justifiant pas par l’exercice d’un droit.

 

À savoir
L’organisation d’un « pot » en entreprise pour fêter par exemple le départ à la retraite d’un salarié doit être encadrée par le dirigeant. En effet, 7/10 des « pots » en entreprise sont alcoolisés et à ce titre le dirigeant doit les encadrer, et notamment prévoir des moyens de transport adaptés de telle sorte que les salariés ne conduisent pas après cet évènement. En cas d'accident du salarié ivre, l'employeur ou le cadre responsable de l'organisation du pot peut être condamné au civil pour faute inexcusable, voire au pénal.
Lu 43864 fois Dernière modification le mercredi, 26 août 2015 16:22
Linda Ducret

Linda Ducret a une double formation : littéraire (hypokhâgne, licence de philosophie) et juridique (maîtrise de droit des affaires, DESS de Contrats Internationaux). En 1987, elle devient avocate et crée son cabinet en 1990. Elle exerce pendant 15 ans dans différents domaines du droit (droit des affaires, droit pénal, droit de la famille…).

Depuis 2005, elle est journaliste avec comme terrains de prédilections : les dossiers stratégie du dirigeant, propriété intellectuelle, nouvelles technologies, Incentive...Mais également les visions et les portraits d’entrepreneurs.

Écrire est l’une de ses passions. En 2009, elle publie un roman policier Taxi sous influence, finaliste du Prix du Premier roman en ligne.

Elle a publié un recueil de nouvelles : Le Ruban Noir ainsi qu’un polar : L’inconnue du Quai Henri IV.

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