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Cessation de paiement : de la nécessité de moratorier les dettes des entreprises

Tribunes libres Écrit par  mardi, 08 septembre 2020 09:32 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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Depuis le 24 août et après un sursis de 5 mois, les entreprises faisant face à des difficultés et ne pouvant honorer leurs factures ont désormais un délai très court (45 jours) pour se déclarer en cessation de paiements auprès du Tribunal de Commerce ou bien moratorier leurs dettes afin que celles-ci ne soient pas exigibles.

Deux Ordonnances, celle du 27 mars 2020 et celle du 20 mai 2020 avaient adapté, de manière temporaire, le droit des entreprises en difficultés à la situation exceptionnelle que notre économie a vécu. Ce droit complexe recouvre des procédures bien diverses, allant de la prévention (conciliation/mandat ad’hoc), aux procédures collectives (sauvegarde/redressement judiciaire/liquidation judiciaire).

Nicolas Yakoubowitch ExponensIl est aujourd’hui nécessaire d’être proactif dans la recherche de solutions, ceci afin d’éviter de rendre le passif de l’entreprise exigible et donc l’état de cessation des paiements (ECP) dont découlent les procédures judiciaires. Évidemment, plus le terme de cette échéance est derrière nous, moins l’entreprise a de chances de se redresser et plus le dirigeant risque de souffrir de sanctions personnelles.

Il convient donc de se positionner le plus en amont de cette échéance, et de recourir à la prévention comme moyen d’action. Les deux dispositifs législatifs existants sont le mandat ad’hoc et la conciliation, qui diffèrent principalement sur la notion d’ECP. Dans le mandat ad’hoc, l’entreprise ne doit être en ECP, dans la seconde, l’ECP ne doit pas dépasser les 45 jours, ce délai constituant la principale ligne rouge à ne pas franchir.

Dans le cas de la conciliation et des conséquences des ajustements législatifs pris pendant cette période de crise, l’article 611-4 du Code de commerce dispose : « Il est institué, devant le Tribunal de Commerce, une procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours ».

Concernant l’adaptation du droit des entreprises en difficultés, il est à noter que l’État ne fait pas peser sur les entrepreneurs l’effet de la crise et « gèle les positions » d’avant crise. Cela signifie qu’on ne peut reprocher au débiteur une situation qui s’est aggravée pendant la période de confinement.

En matière de prévention, il est nécessaire de lutter sans cesse contre les idées reçues qui démotivent le débiteur à « passer un cap » en pensant toujours pouvoir régler ses difficultés dans un environnement inchangé. Ici, la pédagogie et l’humilité doivent être les maîtres-mots.

L’ouverture de la procédure de conciliation, qui est confidentielle, relève de la seule compétence du Président du Tribunal de Commerce (TC)

Cette procédure est ouverte sur requête du débiteur. C’est donc bien l’action positive initiale du dirigeant qui doit permettre d’ouvrir, sous le filtre du Président du TC, la conciliation. S’il estime la demande du débiteur bien fondée, le Président du TC rend une Ordonnance désignant un conciliateur et fixant sa mission. Sa durée ne peut excéder 4 mois + 1 mois supplémentaire sur requête du conciliateur.

Rappelons que la conciliation doit permettre à l’auxiliaire de justice, nommé pour une mission contractuelle de négociation avec les principaux créanciers de la société, de trouver une solution amiable afin d’étaler un passif devenu trop lourd pour l’entreprise. Les outils mis à la disposition du débiteur faisant l’objet d’une procédure de conciliation ont été renforcés par l’Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 :

● Suspension des poursuites du créancier refusant de suspendre l’exigibilité de sa créance pendant la conciliation :

Jusqu’au 31 décembre 2020, le débiteur en conciliation peut demander au Président du Tribunal :

o D'interrompre ou d'interdire toute action en justice de la part de ce créancier, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent
o D'arrêter ou d'interdire les procédures d'exécution et de distribution en cours 
o De reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

● Facilitation des délais de grâce :

Jusqu’au 31 décembre 2020, il est possible pour le débiteur d’obtenir des délais de grâce de l’article 1343-5 du Code civil si le créancier refuse de suspendre l’exigibilité de sa créance pendant la conciliation. Il en résulte que les délais de grâce en conciliation peuvent désormais être octroyés dans 3 hypothèses :

o La mise en demeure d’un créancier
o l’acte de poursuite
o Le refus de suspendre l’exigibilité de la créance à la demande du conciliateur.

On le voit, le législateur a pris la mesure de l’impact de la crise du COVID-19 et a ajusté le droit des entreprises en difficultés afin de ne pas substituer au raz-de-marée sanitaire un raz-de-marée de faillite d’entreprise à la sortie du confinement.

La question se posera toutefois de notre tissu économique de proximité qui ne pourra faire face avec sa seule exploitation à un échelonnement de ses dettes contractées pendant la crise. Comment effacer les dettes contractées à cette occasion ?

À ce titre, l’article 7 de l’Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 dispose que, lorsque la cession envisagée est en mesure d'assurer le maintien d'emplois, la requête prévue au deuxième alinéa de l'article L. 642-3 du Code de Commerce peut être formée par le débiteur ou l'administrateur judiciaire.

L’Ordonnance modifie en profondeur l’article L.642-3 en permettant ainsi, sous la validation du ministère public, à un débiteur de reprendre son exploitation.

Par Nicolas Yakoubowitch, Expert associé - Exponens

Lu 4246 fois Dernière modification le mardi, 08 septembre 2020 10:00
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