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Cap sur l'open innovation !

Finance Écrit par  mardi, 18 novembre 2014 17:04 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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S'appuyer sur un acteur de son écosystème, grand compte ou acteur public, pour innover vite et mieux, telle est la vocation de l'open innovation. Focus sur cette démarche complexe prisée par moult PME soucieuses de booster leur compétitivité à moindre coût et risque.

Quel est le point commun entre la société Ryb, spécialisée dans les systèmes réseaux polyéthylène et Doors International, expert de la porte d'entrée et du panneau de porte décoratif ? Leur statut de PME mis à part, elles ont toutes les deux boosté leur business en misant sur un levier et pas des moindres : l’open innovation avec des centres de recherche ! La première s’est associée, entre 2007 et 2011, au Commissariat à l'énergie atomique de Grenoble dans le cadre d'un projet d'innovation partagée. La seconde a noué une étroite collaboration entre ses équipes R&D et plusieurs laboratoires d’essais, à l'instar du CSTB, Centre scientifique et technique du bâtiment, pour favoriser la performance de ses produits. Deux exemples évocateurs qui en disent long sur l’intérêt croissant des PME pour l’innovation collaborative. Signe de l'ampleur d'un tel phénomène : d'ici 2017, plus de 50 % des projets d’innovation menés par les entreprises seront basés sur l’open innovation, selon le  livre blanc «  Innovation Collaborative et PropriétéIntellectuelle », réalisé fin 2012 en partenariat avec le cabinet PwC et l'institut national de la propriété industrielle (Inpi).


Réduire le time-to-market
D’après cette même étude, ce mode de collaboration participatif est plébiscité pour quatre raisons principales : accéder à des savoir-faire ou à des compétences complémentaires (39 %), développer de nouveaux produits/marchés (39 %), réduire le time-to-market (20 %), et partager les coûts et les risques liés à la R&D (16 %). C'est dire la nécessité de ne pas cantonner un tel processus à l'intérieur de votre entreprise ! Fournisseurs, clients, distributeurs, et organismes de recherche, tous les acteurs de l’écosystème peuvent ainsi s'intégrer dans un processus de co-innovation, favorisant l'éclosion d'un projet créatif et original. Les grands comptes, soucieux de garder une longueur d’avance sur leurs concurrents, sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à franchir un tel cap, et ce, en s’associant avec les start-up de leur secteur. Un parti adopté, par exemple, par Suez Environnement qui collabore avec une centaine de PME innovantes via son fonds de corporate venture, Blue Orange, et ses programmes d'innovations et de tests technologiques. « Comme Innotech, programme doté de 300 000 euros et dédié aux PME capables de proposer des innov­ations très opérationnelles propres à améliorer l'efficacité et la sécurité de nos agents sur le terrain », détaille Paul-Joël Derian, vice-président Recherche, Innovation & Performance chez Suez Environnement. Plus encore, le groupe a prévu une enveloppe de 5 millions d'euros pour favoriser, via des évaluations dans ses usines, l'intégration rapide en interne d'un panel très large d'innovations technologiques disponibles sur le marché. « Par exemple, nous avons travaillé l'année dernière avec la jeune société Erie, pour utiliser leur procédé de purification et de liquéfaction du biogaz en vue d'en faire un biocarburant adapté aux flottes de voitures », développe Paul-Joël Derian.

Des pôles de compétitivité...
Si l'innovation collaborative a largement le vent en poupe en France, c'est parce qu'elle est soutenue par des politiques publiques propres à faciliter la mise en œuvre de synergies entre acteurs très différents. Par exemple, pour mieux orienter les PME désireuses d'intégrer un projet de recherche partenariale, l’État a labellisé une trentaine d'Instituts Carnot en France, répartis par filière d'activité. Autant d'établissements supérieurs (CNRS, Inserm, CEA, etc.) investis dans la recherche contractuelle avec les entreprises et regroupés au sein de l'Association des Instituts Carnot. Autres acteurs incontournables de l'écosystème, de l'open innovation, alliant accom­pagnement avec financement : les Agences régionales d'innovation ou encore la BPI, Banque publique d'investissement, qui proposent, outre des dispositifs d'encadrement, un panel d'aides financières à l'échelle locale ou régionale dans le cadre d'appels à projets. Si ces subventions peuvent être dédiées à des PME seules, la plupart des financements, surtout au niveau national, ne sont réservés qu'aux démarches d'open innovation émanant des clusters ou des 71 pôles de compétitivité répartis sur notre territoire.
Dédiés à un secteur d'activité, les pôles de compétitivité, créés en 2005 pour doter la France d'une politique industrielle performante, permettent de mutualiser les expertises de PME, grandes entreprises, laboratoires de recherche et établissements de formation dans le cadre de projets collaboratifs de R&D pouvant être financés, entre autres, par le FUI, Fonds unique inter­ministériel.

… aux plates-formes d'innovation
« Depuis notre création, pas moins de 180 projets représentant environ 700 millions d'euros, ont été financés », illustre Bruno Allenet, président d'Axelera, le pôle de compétitivité Chimie-Environnement de la région Rhône-Alpes. Lancé par Arkema, le CNRS, GDF Suez, Suez Environnement, IFP Energies nouvelles et Solvay, le pôle regroupe aujourd'hui pas moins de 300 membres dont une moitié de PME. Pour favoriser les synergies sur des projets plus productifs allant de la phase de R&D à l'industriali­sation, le pôle a investi 20 millions d’euros pour le lancement d'Axel One, deux plates-formes d'innovation collaborative dédiées respectivement aux procédés et matériaux innovants. « Dans le cadre de ces appels à projets, le process de co-innovation est continu, puisque les différents membres travaillent ensemble au quotidien et de manière rapprochée », poursuit Bruno Allenet. C'est le cas par exemple, de BMES, start-up spécialisée dans le traitement de l'air et de l'eau : « Nous nous sommes rapprochés d'Axelera, en 2011, pour disposer des ressources complémentaires nécessaires au lancement d'un projet d'innovation, rappelle Didier Chavanon, patron de la PME, et, au final, les tests ont tellement été concluants que notre projet est aujourd'hui en phase d'amorçage au sein de la plate-forme Axel One, où nous disposons de ressources et locaux ad hoc ».

Synergies en continu
Des collaborations à géométrie variable sont également encouragées par le pôle de compé­titivité Mov'éo, consacré à l'automobile et à la mobilité. Regroupant 370 membres dont les grands constructeurs et pas moins de 200 PME, le pôle qui a 300 projets labellisés à son actif dont la moitié financée entre autres via le FUI, s'est impliqué dans la constitution de Vedecom, un institut de recherche partenariale publique-privée. L'objectif d'une telle structure : mener sur le long terme une R&D approfondie dans le domaine de la mobilité indi­viduelle décarbonée et durable. « Alors que notre pôle a pour vocation d'être une interface entre différents acteurs, en jouant uniquement le rôle de facilitateur et de coordinateur, l'institut permet davantage à ses membres de conduire des projets de R&D en propre. Ainsi, ils s'engagent à travailler main dans la main, pour au moins dix ans avec l'État, en mettant à disposition les ressources humaines, techniques et financières nécessaires », précise Marc Charlet, directeur général de Mov'éo.
Pousser la démarche de co-innovation plus loin encore, c'est aussi le leitmotiv des IRT, Instituts de recherche technologique, créés sous l'impulsion du programme d'investissements d'avenir lancé en 2009 par les pouvoirs publics. « Notre institut est né des habitudes de travail collaboratives qui prévalaient au sein du Pôle de compétitivité Images et Réseaux, duquel nous dépendons, illustre Bertrand Guilbaud, directeur général de B-com, IRT dédié au multimédia, ainsi, notre vocation n'est pas uniquement de labelliser des programmes de recherche, loin s'en faut ! Mais surtout, de favoriser des synergies en continu entre nos 80 salariés provenant de grands comptes, PME, laboratoires, etc., qui planchent au quotidien sur notre site dédié sur tel ou tel projet de R&D fruit d’une démarche de co-investissement entre les différents acteurs de l’écosystème ».

Gare à la propriété intellectuelle !
Co-innover, oui, mais encore faut-il prévoir en amont le règlement d'une problématique complexe : la propriété industrielle ! Et pour cause : les PME sont certainement les plus exposées aux risques de spoliation de leur savoir-faire. « D'où la nécessité qu'elles se dotent en amont d'une stratégie ad hoc de propriété intellectuelle avant de prendre part à un programme d'open inno­vation. Et ce, en misant par exemple sur un diagnostic gratuit dispensé par l'Inpi, conseille Marc Charlet, une telle initiative leur permettra de mieux protéger et valoriser leurs créations et simplifiera ainsi leur collaboration avec les autres parties prenantes ». L'autre gageure consiste à développer avec son partenaire une vision prospective des gains générés par le processus de co-innovation, pour mieux anti­ciper, en amont, la répartition des dépôts de brevets associés à telle ou telle innovation. Car si la PME, de facto, n'a souvent pas la propriété sur l'invention nouvelle, elle ne doit pas hésiter à négocier pour en obtenir les droits d'exploi­tation exclusive sur ses marchés stratégiques. « Effectivement, la confiance entre PME et grands comptes n'est pas toujours aisée à instaurer, analyse Bertrand Guilbaud, et c'est pour éviter aux PME d'adopter une démarche trop défensive en matière de propriété intellectuelle, que nous avons opté pour un principe simple : pas de copropriété chez B-Com, l'institut seul détient les inventions mais accorde à chaque membre le droit d'obtenir une licence ». Un moyen efficace de mettre les différents acteurs sur un pied d'égalité.

Charly MASLIAH

Lu 4760 fois Dernière modification le mercredi, 16 septembre 2015 14:32