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Avec les sciences cognitives, les PME intègrent l’humain dans leurs innovations

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Trop peu de PME prennent en compte la dimension cognitive dans leurs offres alors même que l’Humain doit être l’élément central qui guide leur développement et leurs ambitions. Pour passer à l’acte et préparer le coup d’après, l’une des pistes est de regarder du côté de la recherche en sciences cognitives, qui, en France, est particulièrement prolifique et avancée.

Toutes les entreprises, des plus grandes aux plus petites, annoncent mettre le facteur humain au cœur de leur stratégie, de leurs valeurs, de leurs préoccupations et de leurs activités. On ne compte plus les baselines et autres mantras sur le sujet.

Pourtant, en 2023, les offres de produits et services, les innovations et les organisations restent essentiellement portées par la technologie. Quant aux sciences et technologies cognitives - qui analysent les facultés humaines d’interaction avec tous les types d’environnements et développent des technologies adaptées – elles sont encore trop peu exploitées par les entreprises alors même que la recherche dans les laboratoires français est foisonnante et en avance sur beaucoup de leurs homologues internationaux.

Quand la technologie oublie l’Humain

Les derniers développements de l’IA générative sont une expression patente de ce décalage. Si l’outil fascine par ses capacités, qui semblent infinies, de production de textes, d’images ou encore de code informatique, il continue de reposer sur une approche purement algorithmique et reste encore, en réalité, loin de remplacer les capacités d’analyse et d’interaction humaines.Celestin Sedogbo

Une IA générative n’est pas capable de reproduire ce va-et-vient constant, typique de l’intelligence humaine, entre ce qui est appris et ce qui est issu d’un processus de raisonnement (conscient ou non). Elle n’est pas non plus (encore) capable de transférer une connaissance acquise dans un domaine vers d’autres domaines d’application, ou encore de générer des savoirs transversaux. Elle fonctionne grâce à l’exploitation de données massives, et montre ainsi ses sérieuses limites dans les nombreuses situations où les données sont moins nombreuses, difficiles, voire impossible à obtenir.

En réalité, une clé des développements à venir concerne non pas le remplacement de l’intelligence humaine par l’intelligence artificielle, mais leur coopération. Ainsi, on demande à des experts humains d’interagir avec des environnements d’IA de plus en plus difficiles à contrôler, injonction qui est souvent difficile à assumer pour ces experts et peut constituer également un facteur de stress considérable, particulièrement dans des environnements extrêmes.

Et ces environnements peuvent conduire à des problèmes éthiques majeurs, comme dans la célèbre expérience de choix moral pour un véhicule intelligent qui devrait choisir entre percuter une personne âgée ou une maman et son bébé, qui montre en réalité, d’une manière frappante, les limites du « tout automatique ». Il apparaît donc impossible de confier les arbitrages éthiques à de simples traitements statistiques sans préserver un espace central pour y adjoindre des règles de raisonnement et d’évaluation des choix.

Dans toutes ces situations, les sciences cognitives apportent des éléments de réponse pour assurer l’acceptabilité des technologies développées et définir le niveau d’autonomie qu’on peut leur laisser. Et la question posée en réalité n’est plus de se demander « dans combien de temps les humains seront devenus dépendants ou remplaçables par l’intelligence artificielle » mais bien de savoir « à quel moment et de quelle manière l’utilisateur humain doit pouvoir reprendre la main dans son utilisation des technologies ».

Miser sur la coopération

La coopération entre technologie et intelligence humaine s’impose donc comme un enjeu central. C’est la raison pour laquelle il est fondamental que les PME s’emparent des questions de cognition lorsqu’elles conçoivent ou font évoluer leurs produits, technologies et services. Il n’est plus possible de faire l’impasse sur la complexité posée par l’utilisateur humain dans les réponses apportées par les entreprises aux défis des sociétés contemporaines.

Les avancées et inventions des sciences et technologies cognitives peuvent jouer un rôle majeur dans la conception des fonctions et produits qui améliorent les services rendus ou perçus, leur design, la variété de leurs usages ou l’évaluation adaptée de la valeur ajoutée pour l’utilisateur. Elles sont porteuses de développements majeurs dans tous les secteurs économiques, mettant en jeu une interaction humain-humain ou humain-environnement.

Prenons quelques exemples significatifs : pour l’un de nos partenaires fournisseur de services pour le secteur de la distribution, nous avons modélisé le flux humain en heure de pointe aux caisses, en caractérisant la notion de temps de cycle de caisse qui est le temps moyen acceptable pour un consommateur pour une expérience d’achat positive.

Dans le domaine du monitoring du comportement, le laboratoire pharmaceutique URGO mise déjà sur les sciences cognitives et les travaux d’un de nos laboratoires (IMS) pour détecter les signaux faibles de fatigue cognitive à partir du suivi des régulations physiques. Les outils de traitement automatique du langage naturel nécessitent des adaptations constantes aux domaines d’application, et l’éditeur de solutions numériques pour le domaine médical ZENIDOC exploite une innovation de nos laboratoires (LIA) pour adapter son système de reconnaissance automatique de la parole.

Akei Consulting travaille avec un laboratoire pour le design des objets à comportement cognitifs. Enfin, la start-up Wivy qui produit, édite et diffuse des animations culturelles pour les EHPAD, travaille avec le laboratoire SCALAB pour valider et améliorer les animations proposées aux résidents.

Se tenir prêt à jouer « le coup d’après »

Plus que jamais, il faut que les entreprises françaises se dotent des moyens d’intégrer réellement l’Humain dans leurs activités et leurs offres. En tenant compte de l’utilisateur, de son environnement et des modes d’interaction en jeu, elles ont la capacité d’augmenter la valeur ajoutée de leurs produits et services - et donc leur chiffre d’affaires.

Ce faisant, nos PME seront prêtes pour jouer « le coup d’après » pour répondre aux enjeux technologiques et sociétaux du monde de demain. La force de la recherche publique française et la dynamique qui anime les laboratoires en sciences cognitives sont des atouts pour notre pays. Nous avons toutes les cartes en main pour construire le numérique de demain et pour retrouver une place de 1er rang mondial dans le domaine des technologies et de l’innovation.

Par Célestin Sedogbo, directeur de l’Institut Carnot Cognition

Lu 996 fois Dernière modification le jeudi, 13 avril 2023 09:10
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