Imprimer cette page

Les dettes Urssaf, la bombe à retardement qui peut freiner la relance économique

Tribunes libres Écrit par  lundi, 06 septembre 2021 14:27 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
Évaluer cet élément
(1 Vote)

Les chiffres publiés fin août sur la croissance et la santé des entreprises (taux de croissance, nombre de défaillances, taux de chômage, augmentation de la consommation ...) montrent des indicateurs plutôt au beau fixe qui augurent un redémarrage de l'économie plus dynamique qu'espéré. Cela fait plusieurs raisons d'être optimiste.

Toutefois, ne négligeons pas un point : beaucoup d'entreprises ont bénéficié de mesures automatiques d'allégement de charges pour ne pas grever leur trésorerie. Or, a priori, ces charges seront dues ; et si elles n'ont pas été provisionnées, leurs montants vont s'accumuler et leurs versements pourraient plomber la capacité financière d'une entreprise, mettant en péril sa pérennité.

Le poids des dettes sociales des entreprises

Juste un chiffre : mi-juillet, les arriérés de paiement Urssaf ont été évalués par Bercy à 18 milliards d'euros dont 11,5 milliards pour les employeurs et 6,6 milliards d'euros pour les travailleurs indépendants. Un chiffre qui a encore augmenté avec les reports des cotisations dues sur les mois d'été...

Comme les prélèvements ont été automatiquement suspendus, les entreprises qui ne se sont pas acquitté de leurs charges sociales sont aussi bien des entreprises dont la trésorerie est limitée du fait d'un ralentissement de l'activité sur leur marché que des entreprises qui se portent bien et ont la capacité de paiement. Or, certaines vont commencer à recevoir des courrier de relance et personne ne sait combien ont la capacité financière de rembourser de la dette pure...

Le piège de la dette sans effet de levier

Car les dettes Urssaf sont des dettes sans effet de levier. Quand une entreprise contracte un prêt, elle prévoit de rembourser sa dette à court ou moyen terme par le fruit de l'investissement qu'elle a opéré. Par exemple, l'augmentation des bénéfices va servir à rembourser l'achat d'un outil industriel permettant de produire davantage ; ou les dividendes suite à l'acquisition d'une autre entreprise ; ou encore dans le cas de l'achat d'un bureau, l'économie sur le loyer permettra de rembourser le coût du prêt.

Dans le cas des dettes Urssaf - comme de celui des dettes liées au PGE d'ailleurs - il n'y a pas d'objectif de création de valeur, il s'agit juste d'un report des dépenses « pour tenir » - à la manière de l'autorisation de découvert bancaire avec son lot d'agios. Pourtant, l'entreprise va devoir trouver l'argent pour rembourser. Sur ce point, les fonds versés dans le cadre du plan de relance ne l'aideront pas. En effet, une entreprise qui bénéficie de 500 000 € au titre de l'« aide à l'investissement de transformation vers l'industrie du futur » ne peut pas utiliser ces fonds pour rembourser sa dette Urssaf (ou PGE).

C'est pourquoi, pour que le plan de relance ait les effets escomptés, pour que la fin du « quoi qu'il en coûte » ne se traduise pas une envolée vertigineuse des dépôts de bilan et faillites, le gouvernement devrait réfléchir à l'annulation des dettes de charges sociales, et notamment des dettes Urssaf dont ont bénéficié plus de 840 000 sociétés et 1,6 million d'indépendants.

Il n'est pas question ici de demander de nouvelles aides financières, ce sont aux entreprises de trouver les moyens de leur développement ; il s'agit essentiellement de ne pas alourdit leur passif pour ne pas leur briser les ailes - comme ces classes moyennes et gilets jaunes qui, bien que gagnant un salaire tout à fait honorable, n'arrivent plus à assumer certaines dépenses clés (logement, santé, etc.).

Éclairer les perspectives des chefs d'entreprise

Pour l'heure, l'attentiste et l'opportunisme se conjuguent. Entre chefs d'entreprise, les questionnements oscillent entre « ne vaudrait-il pas mieux payer mes cotisations Urssaf maintenant et apurer ma dette pour ne pas avoir à les payer plus tard » et « faut-il vraiment les payer maintenant si, demain, le gouvernement décidait d'annuler le versement des cotisations dues est purement et simplement ? ». Sur ce sujet, personne n'a la réponse. Et cela peut aussi bloquer des décisions d'investissement ou encore de création d'emplois et d'embauche.

Alors que la fin du « quoi qu'il en coûte » a été confirmée par le ministre de l'Économie, des finances et de la relance lors de la REF 21 au profit de dispositifs sur-mesure et des nombreuses mesures inscrites dans le plan de relance, la question de la survie des entreprises reste en suspens, notoirement celle des PME qui ne sont pas sur des secteurs touchés par les réglementations sanitaires mais qui pourtant souffrent d'un ralentissement de leur marché. L'annulation des dettes Urssaf aiderait ces entreprises-là, qui ont du potentiel mais un revenu un peu juste pour financer pleinement les investissements requis pour redémarrer.

Alors qui aura l'audace de prendre cette décision ? Une décision qui pourrait être déterminante pour l'avenir de nos entreprises et notre rebond économique à moyen terme.

Par Isabelle Saladin, Présidente fondatrice d'I&S Adviser

Lu 2153 fois Dernière modification le lundi, 06 septembre 2021 14:45
La rédaction

Le service Rédaction a pour mission de sélectionner et de publier chaque jour des contenus pertinents pour nos lecteurs internautes à partir d’une veille approfondie des communiqués de presse pour alimenter les rubriques actualité économiques, actualités d’entreprises, études ou encore actualités sectorielles. Pour échanger avec notre service Rédaction web et nous faire part de vos actualités, contactez-nous sur redaction@gpomag.fr