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Loi de finances 2013 : la réponse adaptée au développement des entreprises et de la compétitivité made in France ?

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Croissance, compétitivité, innovation,… Autant de mots liés à l’avenir des entreprises et de l’économie française ayant été sur toutes les lèvres ces derniers mois. Après de nombreuses consultations d’experts, à l’image de Louis Gallois et de son rapport sur la compétitivité, et de nombreux débats, le sort en est jeté avec l’adoption de la Loi de finances pour 2013. L’innovation est à l’honneur au travers de plusieurs dispositions : création d’un Crédit Impôt Innovation (CII) et d’un Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE), révision du Crédit Impôt Recherche (CIR),...

 

Comment sont-elles perçues par les principaux intéressés ? Experts accompagnant au quotidien les entreprises, spécialistes de la formation et l’enseignement, entrepreneurs… 8 acteurs prennent la parole et décryptent ces mesures qui conditionnent l’avenir des entreprises, de l’innovation et de la compétitivité made in France.

« Le Crédit d’impôt compétitivité emploi, seul élément positif pour soutenir les entreprises en 2013 », Jennifer Galliot - Expert-comptable au sein du cabinet In Extenso

La troisième loi de finances rectificative pour 2012 a institué le seul point positif à perdurer en 2013 pour les entreprises en matière de fiscalité : Le Crédit d’impôt compétitivité emploi.

Son objectif ? Palier le problème de compétitivité des entreprises françaises. Ce crédit d’impôt, accordé aux entreprises, associations et syndicats est calculé sur la base de la masse salariale brute de l’entreprise en prenant en compte les salaires inférieurs ou égaux à 2,5 SMIC en équivalent temps plein, hors majorations pour heures supplémentaires ou complémentaires. Avec un taux de 4% pour 2013, le CICE passerait ensuite à 6% dans les années à venir. Il est imputable sur l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés, l’excédent constituant une créance sur l’Etat à imputer sur l’IR ou l’IS les 3 années suivantes, le solde étant au final remboursé.

Pour certains employeurs (PME « communautaires », JEI, certaines entreprises nouvelles, entreprises en difficulté), le CICE non imputé au terme de l’année de référence serait intégralement remboursé.

De prime abord, cela peut paraître comme un grand pas en avant fait par le gouvernement pour aider les entreprises. Mais le décret d’application relatif au CICE n’étant pas promulgué, on est en droit de se questionner sur la manière dont ce crédit d’impôt sera effectivement mis en place. D’autant plus que dès 2014, il est prévu une hausse des taux de TVA pour financer ce CICE. Ceci impactera directement bon nombre d’entreprises, notamment dans le B to C, qui, pour continuer à écouler leurs produits ou services, ne pourront pas répercuter cette augmentation sur leur prix de vente global et devront réduire leurs marges pour conserver leur prix de vente TTC au même niveau qu’avant.  

« L’avenir des entreprises passe par l’innovation, mais aussi par l’export », Sinead Lonergan, Responsable du bureau français de l’agence de développement irlandaise Enterprise Ireland

Grâce à quelques aménagements fiscaux, les orientations de la nouvelle Loi de finances devraient aider les PME dans la gestion de 

leur trésorerie et encourager leurs investissements en R&D, pour être à la fois plus compétitives à l'échelle mondiale et favoriser les emplois. En parallèle du récent accord sur l'emploi offrant plus de flexibilité aux employeurs, la mise en place de ces dispositifs est une étape très positive vers une croissance durable des PME en France.

Tout comme l'hexagone, l'Irlande a également entrepris de nombreux changements dans ce sens pour conforter l’entrepreneuriat et ainsi, la reprise de l’économie observée depuis 2011. A titre d'exemple, le pays a doublé les dépenses éligibles au CIR pour encourager l'innovation et le développement à l'international. Ces mesures ont été très bien accueillies par nos PME - dont celles accompagnées par Enterprise Ireland sur le marché français - qui essaient par ce biais de se distinguer toujours plus sur les marchés internationaux pour croître.

Toutefois, une question demeure : la compétitivité passe également par l’export. L’Irlande essaie de l’encourager vers les pays BRICS au moyen d’une déduction fiscale. Il reste à voir quelles seront les mesures qui seront prises par la France pour continuer à encourager les échanges à l’international, pour lesquels elle œuvre déjà.

« Le CIR, dispositif phare du financement public de l’innovation, évolue pour s’adapter toujours plus aux entreprises innovantes », Thomas Gross et Charles-Edouard de Cazalet - Dirigeants associés du cabinet conseil en financement public Sogedev

Proposition soutenue depuis longtemps par les entrepreneurs et associations professionnelles auprès des pouvoirs publics, la création d’un Crédit Impôt Innovation est aujourd’hui actée. En parallèle de leurs dépenses de Recherche et Développement (R&D), les PME - au sens communautaire - pourront désormais bénéficier de cette extension du Crédit d’Impôt Recherche (CIR), correspondant à 20% du montant de certaines dépenses d’innovation, réalisées à compter du 1er janvier 2013. Les dépenses seront plafonnées à 400 000 € par an.

Ces frais correspondent à des travaux réalisés en aval de la phase de R&D pour la conception d’un « nouveau produit », tels que les activités de prototypage de pré-production, l’ergonomie du produit ou encore les frais de design.

Cette mesure vient combler un vide existant jusqu’alors entre les étapes de R&D et de pré-commercialisation, en prenant en compte les dépenses n’étant pas éligibles dans le cadre du CIR. Toutefois, les bénéficiaires de ces deux aides devront redoubler de vigilance pour définir correctement la nature des dépenses. Même si les modalités pratiques d’application au CII devraient paraître prochainement, il conviendra de bien faire la distinction entre les dépenses relatives aux projets d’innovation,  en s’assurant que le produit ou le service développé est réellement innovant par rapport à l’environnement concurrentiel du bénéficiaire, et les dépenses de R&D éligibles au CIR, telle que le prévoit l’instruction fiscale 4A-3612 n°19 du 23 février 2012, et ainsi sécuriser la mise en place de ces 2 dispositifs.

D'autre part, la Loi de finances 2013 prévoit la possibilité de faire une demande de rescrit fiscal jusqu’à 6 mois avant le dépôt de la déclaration de son CIR qui, jusqu’à présent, devait être réalisée impérativement avant le démarrage des projets de R&D, soit avant le 1er janvier de l’année des travaux. Grâce à cet assouplissement, les bénéficiaires verront ainsi leurs démarches facilitées... un moyen supplémentaire pour encourager les entreprises innovantes à bénéficier de ce dispositif, parfois peu sollicité par méconnaissance ou crainte d'un contrôle fiscal.

« La naissance d’un Crédit d’Impôt Innovation, quelques mois après la nomination d’une Ministre en charge de l’innovation, constitue indéniablement un signal positif, même si l’ensemble des mesures n’est pas à la hauteur des enjeux », Patrick Haouat, Président de l’Association des Conseils en Innovation (ACI)

Depuis la publication de la loi de finances, certains commentateurs se sont focalisés sur le rejet par le Conseil Constitutionnel de la mesure taxant à 75% les très hauts revenus. Or, cette loi propose également des mesures fiscales favorables aux entreprises innovantes, en les incitant à investir dans des projets de R&D et à recruter de nouveaux talents. On ne peut que se réjouir de la stabilisation du crédit d’impôt recherche, de l’émergence du crédit d’impôt innovation et de la mise en place d’un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Ce crédit, calculé sur la masse salariale, pourra permettre à l’entreprise de se développer en investissant les marges générées dans la recherche, l’innovation, la formation ou le recrutement.

Toutefois, je regrette la teneur des messages véhiculés par ce dispositif. Au sein de l’Europe, la France évolue irrémédiablement vers un modèle de société basé sur la connaissance ; les entreprises qui tireront leur épingle du jeu évolueront vers le haut de gamme, en innovant sur tous les fronts. Le plafonnement à 2,5 SMIC envoie un signal paradoxal aux entreprises : vous n’avez aucune incitation à embaucher des cadres et ingénieurs expérimentés. Seuls les salaires de certains ingénieurs débutants seront éventuellement, aux toutes premières années de leur carrière, concernés par la mesure. En outre, nos gouvernants, quelle que soit leur orientation politique, ont laissé augmenter ces dernières décennies le taux des prélèvements obligatoires bien au-delà du soutenable. Dans l’économie actuelle, un signal bien plus fort qu’un crédit d’impôt aurait été tout simplement de réduire ce taux par une baisse durable de certaines charges sociales. A titre d’exemple, pour une entreprise de 25 personnes employant principalement des Bac+5 et Bac+8, entre le CICE qui touchera une infime partie de la masse salariale et le nouveau forfait social de 20% sur l’intéressement ou encore l’abondement du PEE, les charges vont significativement augmenter.

« CII et CIR, une bouffée d’oxygène pour l’innovation et ceux qui prennent des risques, mais des calculs à revoir », Francis Jutand - Directeur scientifique de l’Institut Mines-Télécom - Etablissement public dédié à l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation dans les domaines de l'ingénierie et du numérique

En tant qu’établissement dédié notamment à la recherche et l'innovation collaborative, l’Institut Mines-Télécom accompagne au quotidien les PME et les start-up et connaît donc bien leurs besoins. Nous accueillons avec enthousiasme certaines dispositions de la Loi de finances 2013 qui vont soutenir le développement de l’innovation des entreprises françaises. Par  exemple, le Crédit Impôt Innovation (CII) prolonge le soutien apporté à la R&D par le CIR jusqu'à la phase d'expérimentation. Ceci va apporter une bouffée d’oxygène aux projets de recherche et innovation et encourager les entreprises qui prennent des risques. En outre, il est question d’une avance sur trésorerie via le CIR. Là aussi, c’est une excellente nouvelle pour les start-up et PME qui vont se sentir davantage en sécurité d’un point de vue financier. A notre sens, un point néanmoins serait à améliorer : dans le numérique, les entreprises atteignent souvent le plafonnement du CIR avec leurs propres activités de R&D, si bien que le doublement du CIR pour le financement des laboratoires publics par les entreprises n'est plus incitatif. Il serait donc intéressant de mettre en place deux plafonnements distincts.

« Force est de constater qu’en matière de R&D, la politique n’est pas à la hauteur des ambitions concernant le développement de l’innovation dans les PME/PMI », Jean-Louis Allard - Directeur de l’Ecole d’ingénieurs issue de l’organisme de formation professionnelle et de qualification Cesi

La France enregistre un véritable retard en matière d’innovation avec une moyenne d’entreprises ayant des activités innovantes, tout juste dans la moyenne européenne avec 53,5% contre 79% en Allemagne selon Eurostat. Si l’on observe en particulier les PME/PMI représentant 90% des entreprises Françaises et 80% des emplois, le retard est encore plus significatif.

Force est de constater qu’en matière de R&D, la politique n’est pas à la hauteur des ambitions concernant le développement de l’innovation dans ces structures. D’un côté, on peut se féliciter de l’action de l’Etat dans le cadre du grand emprunt, à développer des mesures favorisant l’innovation et l’export au sein des PME/PMI, comme le projet InnovENT-E sélectionné dans le cadre des IDEFI (Initiatives d’excellence en formation innovantes) visant en particulier à développer les compétences du personnel dans ce sens. On peut regretter qu’en parallèle, l’Etat réduise les avantages fiscaux pour les PME/PMI. Ainsi, jusqu’à présent, les entreprises qui accédaient pour la première fois au CIR disposaient d’un dispositif de majoration qui leur permettait d’avoir un financement complémentaire de 40% la première année, 35% la deuxième année. Aujourd’hui, elles ne peuvent bénéficier que de l’assiette de base, soit 30%. Cette mesure touche en particulier les PME/PMI qui seront moins incitées à initier une démarche de recherche et d’innovation. Par ailleurs, les nouvelles dispositions permettant un assouplissement des règles du rescrit fiscal ne répondent pas au réel problème des entreprises qui ne sont à peine que 10% à effectuer la démarche. Elles pourront désormais déposer le rescrit après avoir démarré l’action de recherche, mais cette modification n’impacte cependant pas le problème de fond du rescrit qui est une démarche exclusivement écrite, rendant parfois délicate l’explication du caractère innovant des actions envisagées. Dès lors, les entreprises prennent un risque de refus, rendant très difficile l’obtention d’une nouvelle décision favorable. Malgré l’assouplissement proposé dans la Loi de finances, l’impact risque d’être très faible sur les entreprises qui continueront à préférer les vertus du débat contradictoire permettant souvent de mieux mettre en évidence le caractère innovant de leurs projets. Face au défi économique Français, les PME/PMI ont un rôle majeur à jouer. Il est urgent de leur offrir des mesures incitatives à l’innovation et des réels moyens de la développer.

« Après les frayeurs du statut JEI, le financement de l’innovation semble encouragé », Yoann Valensi - Dirigeant de MobileGlobe, opérateur mobile international à destination des professionnels

La première satisfaction concernant le Crédit d’impôt recherche est qu’il n’a pas trop subi les foudres de l’administration fiscale. Après les divers rebondissements concernant les Jeunes Entreprises Innovantes en 2011 et 2012, c’est très rassurant et cela devrait nous permettre de poursuivre nos investissements dans la recherche de solutions encore plus innovantes ! Les deux principales nouveautés semblent être le Crédit d’impôt innovation d'une part et le préfinancement par la Banque Publique d’Investissement de l'autre. Concernant le premier point, il devrait permettre de financer des procédures de la chaîne de développement qui ne sont, à l'heure actuelle, pas prises en compte par le CIR (prototypes, design). Néanmoins, la frontière des dépenses concernées par le CIR et le CII demeure floue et il est important qu’une instruction fiscale vienne rapidement éclaircir les champs d’applications de chacun. Concernant le préfinancement, c’est une solution intéressante pour améliorer le besoin en fonds de roulement des entreprises concernées par le CIR. En effet, ces entreprises doivent la plupart du temps attendre environ 6 mois pour recevoir les bénéfices d’une aide, pour laquelle, les dépenses ont été engagées depuis le début de l’exercice fiscal passé. Là encore, les modalités d’application restent à définir et conditionneront l’efficacité de ces mesures à encourager l’investissement dans notre pays.

« Le financement public de l’innovation devrait nous permettre d’accélérer le lancement de nos produits tant en France qu’à l’international et encourager nos investissements », Ludovic Labidurie - PDG du spécialiste des solutions d'éclairage à diodes électroluminescentes (LED) NEOLUX

Au travers de son Bureau d’études R&D et son laboratoire de photométrie mais également d’un projet collaboratif mené avec le laboratoire de recherche CEA Leti, NEOLUX participe au développement de LED de troisième génération. Dans ce sens, notre entreprise a été récompensée et reconnue pour son travail. Lauréate aux Trophées de l'Innovation de la Région Centre en 2011, elle bénéficie depuis 2009 du CIR. Nous avons également rejoint en 2011 le réseau des 2 000 entreprises françaises innovantes d’OSEO Excellence. Nous sommes ainsi accompagnés dans notre croissance grâce aux financements publics qui nous ont donné les moyens de nos ambitions. Ce soutien favorise aujourd’hui notre innovation, notre compétitivité et notre visibilité.

Pour une société comme la nôtre qui investit dans la R&D, l’impact de la Loi de finances est bénéfique. Au-delà de la R&D, NEOLUX commercialise aujourd’hui ses systèmes d’éclairage LED innovants auprès des professionnels. La Loi de finances viendra donc appuyer l’étape du prototypage déjà mise en place pour chaque développement et devrait nous permettre d’accélérer le lancement commercial des gammes de produits tant à l’export qu’en France. Ces dispositions devraient également nous différencier définitivement des acteurs de type « traders » encore très présents sur le marché. Nous allons pouvoir bénéficier d’une valorisation plus officielle de notre maîtrise technique qui confortera nos marchés et nous encouragera à poursuivre notre investissement dans des projets toujours plus innovants.

Lu 9181 fois Dernière modification le lundi, 01 juin 2015 13:28
La rédaction

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