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Face à la crise, un bon positionnement et une stratégie ne sont pas seulement réservés aux grands groupes

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En 2009, nous percevions bien qu'une période difficile commençait. La crise financière de 2008 commençait à produire ses effets. Mais elle n'était pas la seule. Avec la globalisation, la mondialisation, et des acteurs américains dans le logiciel de plus en plus puissants, nous comprenions que désormais il fallait changer nos méthodes et notre vision du marché.

Nos propres indicateurs étaient encore au vert ; mais nous avons décidé avec le Comité de Direction de l'entreprise, qu'il était nécessaire d'étudier en profondeur notre « champ de bataille économique », d'en tirer les conclusions qui nous permettraient de définir notre stratégie pour les années à venir, et de poursuivre notre croissance.

En voici les principales conclusions :
- Nous possédions une technologie très aboutie mais notre société n'avait pas la taille suffisante pour se positionner comme vendeur de technologie. Nous devions donc nous rapprocher du métier de nos clients pour nous différencier.
- Justement, nos secteurs de prédilection, l'armement et l'aérospatial, étaient en crise et ne nous offraient pas de visibilité. Critique pour une PME ! A l'opposé, deux secteurs sur lesquels nous débutions, l'agroalimentaire et le BTP avaient un fort potentiel et surtout commençaient à se transformer en profondeur :
- Sur le marché de l'agroalimentaire, la complexité des informations consommateurs, la pression sur l'innovation et l'internationalisation offraient des champs d'action pour un éditeur de progiciel,
- De même sur le marché du BTP, avec la complexité croissante des projets et l'arrivée du BIM (Build Information Modelling).
- Par ailleurs, l'édition de logiciel devenait un marché de plus en plus concurrentiel, mondialisé, et demandant des niveaux d'investissement très importants. Continuer à faire de la croissance, dans un pays qui n'en a pas ou peu et dont le potentiel restait restreint, est très difficile !
- En parallèle, d'un point de vue trésorerie, notre taille de PME rendait risqué de ne dépendre que de très gros projets dont la répétabilité est limitée. Nous devions viser des cycles de vente plus courts et nous appuyer sur des projets plus petits et plus nombreux pour lisser notre trésorerie. C'était en contradiction à la fois avec l'approche « vente de technologie » et le secteur de la défense.
- Si nous voulions nous transformer en profondeur, notre actionnariat devait être stabilisé. Et pour cela il fallait apporter aux actionnaires une vision à long terme. On oublie trop souvent à quel point être supporté par son actionnariat est essentiel pour évoluer !

Malgré ces constats, la situation n'était pas encore critique ! Nous avions le temps de changer et nous aurions même pu continuer ainsi pendant plusieurs années. Cependant, la crise de 2009 et le cap passé dans la globalisation de l'économie ont été des déclencheurs. Non seulement le climat économique était difficile mais la concurrence était beaucoup plus dynamique et internationale. Nous aurions été attaqués rapidement sur nos marchés historiques et nous n'aurions plus eu les moyens de transformer notre entreprise. C'était donc le bon moment, et même, avec le recul, le seul espace que nous pouvions saisir.
Face à ces différents constats, l'erreur aurait été de les traiter séparément. On ne transforme pas une société par petits correctifs et réparations ! Il fallait réformer en profondeur l'entreprise. La vision devait être intégrée par tous les services, pour avoir une chance de réussir. A ces nombreux défis, il fallait une solution commune, un cap.

La solution fut de recentrer notre activité et notre positionnement. Nous devions basculer d'un éditeur de technologies à un éditeur de solutions métiers. Comme nous l'avons déjà dit, les secteurs de l'industrie agroalimentaire et de la construction étaient non seulement dynamiques en France mais aussi en train de se transformer, poussés par la réglementation et les impératifs d'innovation. Cette analyse fit le lien entre notre orientation stratégique et nos choix tactiques.

Loin de n'être qu'une façade, nous devions structurer toute l'entreprise pour aller de l'avant. Et voici les décisions opérationnelles que nous avons prises :

- La création d'un service marketing produit qui piloterait la road map et notre évolution vers des solutions métiers en complément de la R&D technologique. Celui-ci devait être composé d'experts des secteurs adressés (agroalimentaire et ingénierie) pour parler le même langage et comprendre précisément leurs besoins. Il avait aussi comme rôle de packager nos offres pour répondre à 90% en standard aux besoins de nos clients. C'est-à-dire répondre plus rapidement et avec un minimum de spécifique, afin de nous libérer au maximum de l'intégration, rémunératrice mais couteuse en ressources.
- Ce bouleversement de nos offres facilitait grandement notre capacité à vendre hors de France. Nous pouvions désormais nous s'appuyer sur des partenaires locaux qui pouvaient prendre en main beaucoup plus facilement cette « offre clé en main ». Nous avons aussi renforcé notre agence à San Diego, aux Etats-Unis, pour avoir des correspondants locaux.
- Tendre vers des projets plus nombreux et de taille plus restreinte ne pouvait plus s'appuyer uniquement sur la prospection de notre équipe commerciale. En mettant en place une cellule de marketing digital, bien loin des actions de communications traditionnelles que nous menions à l'époque, l'équipe commerciale était directement alimentée avec des projets pré-qualifiés. Elle pouvait ainsi se concentrer sur le positionnement et la conversion et réduire nos cycles de vente.

Ainsi donc, avec une vision plus claire de nos caps, nous étions en mesure d'avancer plus vite :
- La transformation en éditeur de solutions métiers nous permettait de simplifier nos actions de prospections et nos messages.
- Le marketing digital nous permettait d'avoir un message plus mondialisé, et d'atteindre des cibles éloignées.
- Le ciblage secteurs limitait et concentrait nos investissements.
- Mais il fallait par contre mieux connaître nos métiers et nous avons porté un effort soutenu à une meilleure compréhension des besoins de nos clients.

Bien sûr, cette transformation ne s'est pas faite en un jour et tout n'était pas limpide dès le début. Il y a eu des ajustements et des détours. Cependant, c'est le fait d'avoir une vision claire de notre cible qui nous a permis d'aboutir. La stratégie d'entreprise n'est pas le pré carré des grands groupes. Elle est tout aussi nécessaire pour les PME qui ont une inertie réduite et une volonté de changer.

La productivité est un élément important du succès des entreprises, mais ce qui permet à une PME de progresser pendant plus de 25 ans, c'est avant tout sa capacité à s'adapter et à promouvoir une vision. Avoir des employés prêts à bouleverser leurs habitudes et à aller de l'avant est alors la clé d'une mise en pratique réussie.

Témoignage de Jean-Louis Henriot, PDG de Lascom

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