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Les objets connectés sont en quête de maturité

Les objets connectés sont en quête de maturité

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Tous les segments d’activité sont concernés par les objets connectés : énergie, transport, grande distribution, nouveaux services d’assistance et d’accompagnement, maintenance prédictive dans l’industrie, etc. Leur mise en place dans l’entreprise est aujourd’hui en phase d’expérimentation.

Les objets et capteurs connectés délivrent un flux considérable d’informations mais si ces données ne sont pas intégrées dans une chaîne de valeur claire, elles complexifient le système d’infor­mation. Cela retarde les synthèses et fausse les projections de départ », prévient Christophe Chaptal de Chanteloup, fondateur du cabinet en stratégie et organisation CC&A. La prudence est de rigueur lors de la mise en place d’un projet qui fait appel à l’IoT (Internet des objets). Les promesses de nouveaux services, de réduction de certains coûts, d’amélioration de prestations, ne seront au rendez-vous que si la valeur d’usage est réelle. C’est le cas du géant du pneu Michelin qui va équiper d’ici fin 2016 ses pneumatiques d’une puce RFID permettant de collecter des informations sur l’état du parc et d’améliorer les contrôles. Les données issues de la puce (pression, température) sont stockées dans le cloud et le transporteur dispose ainsi d’une maîtrise de son parc de véhicules pour anticiper les opérations de maintenance des pneus. Michelin rappelle qu’une panne de poids lourds sur trois en Europe est due aux pneus. Le bénéfice est ici incontestable.

Au-delà des projets aboutis dans les grandes sociétés ou les PME, la généralisation des objets connectés se heurte encore à de nombreux obstacles dans l’entreprise. « Les données issues des capteurs sont très nombreuses. L’entreprise doit réfléchir en amont. Quelles sont les infor­mations dont j’ai besoin ? Quelles sont les données les plus importantes ? », affirme Christophe Chaptal de Chanteloup. « Le meilleur côtoie le gadget. Nous sommes encore dans une phase où les entreprises ne savent pas bien ce que leur apportent les objets connectés », explique Dominique Pasquinelli, directeur de projet chez Hardis Group, éditeur et intégrateur de logiciels. Les objets connectés ne peuvent se concevoir que dans le cadre d’une démarche assumée de transformation numérique car, sans cela, la mise en place de l’IoT est vouée à l’échec. Comme dans tout projet informatique d’envergure, mieux vaut passer d’abord par une phase d’expérimentation limitée à une partie d’un processus métier. « Les difficultés ne sont pas liées à la taille de l’entreprise, ni aux moyens investis mais d’abord au fait de savoir quels bénéfices l’entreprise veut retirer des objets connectés », ponctue Christophe Chaptal de Chanteloup. Les besoins sont réels, par exemple, les applications de maintenance préventive dans les secteurs critiques qui reposent sur une très grande fiabilité des composants. Damien Pasquinelli cite notamment les plates-formes pétrolières qui ont une très faible tolérance à la panne. « Un simple disjoncteur électrique défectueux, soumis à des conditions extrêmes de température sur une plate-forme installée en Irak peut entraîner une défaillance catastrophique. Dans le milieu médical, la criticité est encore plus faible, je pense à un patient pris en charge dans un service d’urgence ».    
Dans le domaine du luxe, l’enjeu est sensiblement différent, car la connexion d’un objet de grande valeur comme une montre de marque peut dénaturer sa pré­cision et sa qualité. Dans le secteur médical, les implications des objets connectés sur la vie privée sont un enjeu majeur. Si certains objets sont destinés à un usage purement personnel (évaluer sa forme, progresser dans un sport, maigrir, etc.), d’autres outils connectés s’insèrent dans une stratégie de prise en charge globale du patient. Cela concerne le suivi correct de son traitement, le contrôle de sa tension, la mesure de la fréquence cardiaque, du taux de glycémie, etc.
Les mutuelles sont ainsi suscep­tibles de détenir une quantité considérable de données médicales privées et nominatives sur leurs adhérents de sorte à moduler le montant des primes d’assurances en fonction de l’état de santé du patient. En résumé, les adhérents qui sont en bonne santé paieraient des primes plus faibles alors que ceux dont l’état de santé nécessite des traitements coûteux verraient leurs primes augmenter.
Dans le domaine des assurances, Direct Assurance teste YouDrive, une offre dans laquelle le tarif des primes varie en fonction de la conduite de l’assuré. Le principe repose sur un boîtier intelligent embarqué dans le véhicule, et que l’on connecte à une application mobile. Celle-ci enregistre et analyse des données de conduite telles que le niveau de freinage ou encore la vitesse dans les virages. Les bons conducteurs verront une baisse de moitié de leur cotisation alors que les plus imprudents seront au contraire pénalisés.

La sécurité, un point faible de l’IoT
« La concurrence pousse à la sortie accélérée des produits et les objets connectés sont mal protégés. La sécurité est vue comme un aspect secondaire alors que les problèmes sont réels. Un système de surveillance vidéo peut être piraté et renseigner des malfaiteurs », souligne Florian Lorence, architecte Jee et mobile chez Hardis.
De fait, le cadre légal, en termes de sécurité n’est pas suffisant et il reste encore beaucoup à faire dans la conception sécurisée des systèmes et réseaux informatiques, sans oublier l’information indispensable sur des pratiques responsables d’utilisation. « Aujourd’hui, il n’y a pas de standards en termes de sécurité. La protection des objets s’ajoute à des produits existants alors qu’il faudrait envisager de l’implémenter sur de nouveaux objets et jusqu’à l’utilisateur. Ce sera effectif dans 2 ou 3 ans mais pas avant », rappelle Matthieu Bonenfant, directeur du marketing
produit chez Arkoon Netasq.

Le passage à une économie qui associe un objet connecté à un service à valeur ajoutée est potentiellement bénéfique, mais à la condition d’intégrer tous les aspects, depuis la technique jusqu’à la sécurité en passant par le respect de la vie privée.


Le big data et l’Internet des objets
Les capteurs des objets connectés renvoient une pléthore d’informations vers une application mobile ou un service web.  Il s’agit par exemple des données de consommation électrique qui sont analysées et croisées  avec des profils et des comportements. « Les algorithmes sont enrichis régu­lièrement par ces données. Cela permet de valider ou d’invalider nos modèles prédictifs », précise Damien Pasquinelli. Concrètement, par exemple dans le domaine énergétique, il est possible de prendre des décisions de régulation de la consommation et d’économiser les ressources.

Lu 11907 fois Dernière modification le lundi, 04 avril 2016 10:50
Serge Escalé

Journaliste indépendant spécialisé IT depuis 1995
Le Monde informatique, Le Figaro, Les Echos, Itespresso, Le MagIT, Silicon.fr, GPO Magazine