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L'innovation continue d'investir le poste clients

L'innovation continue d'investir le poste clients

Finance Écrit par  mercredi, 12 juin 2019 18:11 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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De plus en plus d’entreprises engagent leur transformation digitale. Une tendance qui touche plus particulièrement leurs processus de gestion du poste clients et dont la dynamique est, notamment, portée par les promesses des technologies innovantes, les investissements consentis par les professionnels de la place, eux-mêmes pourvoyeurs de ces technologies, mais également par les entreprises soucieuses de mieux se prémunir contre les risques clients, alors même que le contexte macro-économique actuel tend à se durcir.

Conscientes des bénéfices générés par les nouvelles technologiques pour réduire les coûts de gestion et augmenter la productivité des équipes, les ETI et PME s’engagent de plus en plus dans la transformation digitale de leurs processus. Selon l’étude PwC sur les priorités des directions financières en 2018, 92 % des DAF souhaitent ainsi transformer l'entreprise pour améliorer l'efficacité, l’agilité et la réactivité des équipes et optimiser les processus. La démarche est d’autant plus urgente à mener en matière de gestion du poste clients au regard du contexte macro-économique et réglementaire actuel.

Résurgence du risque clients

En effet, suite à la Loi Hamon de 2014 et à la Loi Macron de 2015 autorisant la confidentialité des comptes annuels d’un certain nombre de TPE et PME, 76 % des entreprises ont, l’an passé, publié leurs comptes sous couvert de confidentialité, contre moins de 40 % avant ces lois (source AFDCC). Les entreprises ont donc, dans ce contexte, beaucoup moins de visibilité sur la santé financière de leurs clients.

Un manque de visibilité d’autant plus préjudiciable que le volume des défaillances d’entreprises n’a pas reculé autant que prévu par les économistes en 2018. « Si les prévisions de croissance pouvaient être régulièrement corrigées à la hausse en 2017, elles ont, en revanche, été revues à la baisse tout au long de l’année 2018, précise Thierry Millon, directeur des études de la société Altares. Dans ces conditions, la dynamique de reflux des défaillances d’entreprises a été freinée en 2018 et ne s’améliore qu’à l’épaisseur du trait : 54 600 procédures collectives ont été prononcées en 2018, soit à peine 1 % de moins qu’en 2017. L’essentiel du volume des défaillances portent sur les petites entreprises pour lesquelles nous nous attendons encore à de nombreuses procédures dans les mois à venir, notamment en raison du mouvement des gilets jaunes ».

Tensions sur les trésoreries

Conséquence de la résurgence de ces risques, les trésoreries des entreprises pourraient se tendre et les délais de règlement s’allonger de nouveau. Certains prestataires du poste clients constatent d’ailleurs, depuis quelques mois, que les retards de paiement sont repartis à la hausse. « Malgré des carnets de commandes remplis, nous constatons que les entreprises manquent de fonds propres pour financer la reprise de leur activité, constate Denis Le Bossé, président du Cabinet ARC. Elles ont en effet mobilisé l’ensemble de leurs capacités d’investissement sur les années passées et se retrouvent désormais exsangues, n’hésitant donc pas, pour certaines, à mobiliser le crédit inter-entreprise ». Selon le rapport de l’Observatoire des Délais de Paiement publié le 8 avril 2019, plus de la moitié des entreprises continuent de payer leurs factures en retard (41,8 % en 2018) et en particulier les plus grandes d’entre elles, qui affichent en moyenne plus de 15 jours de retard contre 10 jours seulement pour les petites entreprises.

L’intelligence artificielle s’invite dans la gestion du poste clients

Pour éviter de se retrouver face à des retards de paiement voire une défaillance client, les entreprises doivent gagner en réactivité en matière de gestion du poste clients. Elles ont à cet effet tout intérêt à engager la digitalisation de leurs processus en la matière, en s’appuyant notamment sur les technologies Big Data, d’analyses statistiques, d’intelligence artificielle, de prédictibilité des comportements de paiement, de robotisation, etc.

Certaines de ces technologies sont ainsi de plus en plus embarquées dans les solutions de gestion du poste clients telles que celles d’Eloficash ou encore de Sidetrade. Ces outils intègrent par exemple de l’intelligence artificielle capable de capter et de consolider des données internes et externes à l’entreprise puis de calculer des cotations automatisées sur le niveau de risques des clients, et ce parfois dès la phase de prospection. D’autre part, en permettant de déployer plus massivement des algorithmes d’apprentissage, le machine learning (l’un des champs de l’intelligence artificielle) ouvre le champ des possibles en matière d’analyses préventives voire prédictibles sur la santé financière des entreprises.

Par exemple, les algorithmes de comportement de paiement « auto apprennent » en fonction de l’évolution du comportement de paiement du client, permettant aux prestataires du poste clients d’ajuster en conséquence les seuils de risques, les niveaux d’encours clients octroyés ou encore les scénarii de recouvrement de créances. « Nous disposons ainsi d’informations précises pour sécuriser notre poste clients et optimiser la gestion du recouvrement de nos créances, témoigne Jean-Pierre Nègre, secrétaire général de la société Idex. Ces technologies nous permettent également de mieux qualifier nos processus de relance clients en les réalisant au moment le plus opportun et auprès des bonnes personnes ».

Enfin, les nouvelles technologies permettent d’adapter les solutions de gestion du poste clients à la typologie et à la taille des entreprises. Par exemple la Legaltech* Creansoft, au travers de la plateforme Internet sefairepayer.com qu’elle vient d’acquérir, propose aux TPE de moins de 5 millions d’euros, un service de gestion du recouvrement de créances à la carte. « Un service à la demande et forfaitaire que nous pouvons proposer grâce aux technologies Cloud et SaaS », explique Yann Duchemin, directeur général de Creansoft.

Les nouvelles technologies favorisent le travail collaboratif

Au travers de l’intelligence artificielle, les entreprises ont également la possibilité, selon les solutions utilisées, d’impliquer leurs clients dans le processus de credit management. « Avec le module de relance dynamique et interactive Digital Collection de la plateforme Sidetrade, le client que nous relançons accède à sa situation de compte et peut faire lui-même la qualification de ses factures, ajoute Jean-Pierre Nègre. Cette information s’actualise en temps réel sur la plateforme, et l’agenda de nos chargés de recouvrement priorise automatiquement leurs tâches de relances. Cette interactivité avec le client contribue à l’accélération du paiement des factures et à la résolution d’éventuels litiges. Nous avons gagné 3 jours de délai de paiement, soit un gain en cash de 8 M€ ».

La robotisation accélère l’accès aux financements

Au-delà de l’amélioration des processus de gestion du poste client, les nouvelles technologies contribuent également à accélérer l’accès aux financements « court terme » tel que l’affacturage. Une manne pour les entreprises qui entendent se prémunir contre les délais de paiement trop longs. Ces dernières années, les Factors ont en effet fortement investi dans les nouvelles technologies, en particulier dans les robots, pour simplifier les processus de cession de créances et accélérer la mise à disposition des fonds.

Par exemple, chez Crédit Agricole Leasing & Factoring, les robots permettent de renseigner automatiquement les champs du contrat d’affacturage et d’apporter une réponse rapide voire immédiate aux clients. Chez BNP Paribas Factor, ils permettent en moins d’une heure, contre plusieurs jours auparavant, de connaître la qualité des acheteurs. Chez Société Générale Factoring, un robot scanne intelligemment les données sur les factures, ce qui, outre l’accélération de la mise à disposition des fonds auprès des clients, permet de rapprocher 80 % des règlements reçus sur les factures le jour de leur encaissement.

L’innovation est aussi humaine

Généralement associée aux nouvelles technologies, l’innovation peut également s’articulée autour d’une démarche, d’un processus ou d’une organisation. C’est par exemple la stratégie adoptée par Creansoft. « L’innovation chez nous repose certes sur les nouvelles technologies, mais aussi et surtout sur notre capacité à mettre en œuvre des écosystèmes de recouvrement de créances innovants et qui couvrent l’ensemble des étapes de gestion du poste clients, explique Yann Duchemin. Ces écosystèmes s’articulent autour de Matys, notre plateforme technologique de gestion du poste clients, associée à des prestations de conseil et à notre centre d’appels Handicall et, enfin, de la place de marché des appels d’offres mescreances.fr. Au travers de cette dernière, les entreprises ont notamment la possibilité de déposer des appels d’offres à destination des huissiers de justice pour des actions de recouvrement de créances amiables ».

Quelle qu’elle soit, l’innovation continue donc d’investir le poste clients et pourrait être la solution à l’accélération des rentrées de cash, et à la diminution du crédit entreprise qui ne cesse d’augmenter pour, d’après la Figec, s’établir actuellement à près de 700 milliards d’euros.

*Legaltech (technologie juridique ou technologie au service du droit) fait référence à l’usage de la technologie et de logiciels pour offrir des services juridiques


Prochaine étape : la prédictibilité

PredictibiliteAujourd’hui, la gestion du poste clients n’a plus pour unique corolaire la maîtrise des risques et le financement du besoin en fonds de roulement des entreprises. Désormais, la connaissance du client et de son comportement de paiement ainsi que la capacité de l’entreprise à avoir une gestion proactive de son cycle client, servent également sa stratégie de développement.

Pour obtenir cette vision client « globale », les services financiers ont besoin de s’appuyer sur des modèles d’analyses prédictives, relatifs notamment au comportement de paiement de leurs clients et prospects et à la gestion de cet actif.

« Une approche aujourd’hui rendue possible grâce au digital, à la Data et à la convergence des savoirs et des expertises des acteurs traditionnels du poste clients, mais aussi des Start-Up spécialisées par exemple dans le financement de l’actif client, la Data Intelligence, etc. », explique Thierry Million chez Altares.

Lu 4288 fois Dernière modification le mercredi, 30 septembre 2020 10:22
Anne Del Pozo

Elle collabore depuis près de 20 ans à différents magazines en qualité de journaliste.

Elle y traite de sujets articulés essentiellement autour de la finance, des flottes automobiles, du voyage et du tourisme d'affaires ou encore des ressources humaines. Anne del Pozo participe également à la rédaction de nombreux témoignages clients et de newsletters d'entreprise.