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Les fondamentaux de la gestion de crise à travers le prisme de l’année 2020

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La crise de la Covid a permis à beaucoup de Français de se familiariser avec la gestion de crise, que ce soit au niveau professionnel ou personnel. Cette mise en pratique s’est souvent faite sans connaissance théorique. L’idée ici est donc de revenir sur cette année particulière qu’a été l’année 2020 et les événements que nous avons tous suivis pour évoquer les quatre piliers de la gestion de crise.

Il est d’usage de dire qu’il existe quatre fondamentaux de la gestion de crise :

• L’anticipation de la survenue d’une crise, mais aussi de ses évolutions et impacts possibles,
• La compréhension d’une situation complexe et évolutive face au flot incessant d’informations,
• La communication autour d’un sujet complexe qui suscite des émotions négatives,
• La prise de décision sur les mesures à prendre.

Alice Charron CrisotechAnticipation

La Covid a fait parler d’elle dès la mi-janvier, l’Italie était fortement impactée dès la mi-février, pourtant en mars 2020, la France ne semblait pas prête à affronter la vague qui l’attendait. Lorsque le pays a été confiné, les voix se sont élevées pour dire que l’on n’avait pas anticipé la crise et son envergure. Le meilleur exemple de cela ce sont les stocks de masques qui se révèlent très rapidement complètement insuffisants vu l’ampleur du phénomène.

Il est facile avec du recul de critiquer le manque d’anticipation des gestionnaires de crise, mais moins évident de se mettre à leur place. Un anticipateur doit construire de multiples scénarios, imaginer différentes réalités possibles, évaluer leur probabilité, sans pour autant pouvoir les observer et en entravant le moins possible la dynamique économique (on se souvient des critiques rencontrées par Roselyne Bachelot et les mesures jugées disproportionnées qu’elle avait prise lors de la crise du H1N1).

Par ailleurs, les gestionnaires de crise de 2020 ont pâti d’une confiance trop importante dans un système sanitaire déjà à bout de souffle. La réflexion sur ce qui allait venir était donc rendue difficile par ces différents facteurs. Réalisant son erreur, le gouvernement a essayé de s’appuyer sur l’expertise du conseil scientifique, organe créé à peine quelques jours avant le premier confinement. Par la suite, beaucoup se sont essayés aux prévisions pour les semaines, voire les mois à venir, beaucoup s’y sont cassés les dents.

Situation

Le rôle de la fonction "situation" d’une cellule de crise est de trier les informations, de les synthétiser et de les enrichir pour en faire des renseignements utiles à la prise de décision. La compréhension de la situation a été rendue difficile par plusieurs éléments. La quantité d’informations disponibles d’abord : les informations venues de l’étranger, les avis d’« experts », les informations du terrain données par des personnels soignants, etc.

La quantité d’informations disponibles a mené à une infobésité dans laquelle démêler le vrai du faux et regrouper les informations intéressantes devenait un véritable casse-tête. La deuxième difficulté venait de la nouveauté du sujet : un virus inconnu dont on ne connaissait ni la capacité de contagion, ni la virulence, ni les traitements. La troisième contrainte était la rapidité avec laquelle la situation évoluait.

Le temps des scientifiques, qui est celui de la preuve, du doute, de la contradiction et de la validation des données par les pairs, n’était pas en adéquation avec cette situation, particulièrement pas au regard de l’ampleur des mesures préconisées.

Dr Ziad Touat CrisotechCommunication

Depuis le début de la crise, la France a joué la carte d’une grande transparence : les données sur les malades, les tests, les vaccins sont actualisées quotidiennement. Cette stratégie mérite d’être saluée, mais elle a également induit de l’attente : l’attente que l’actualisation de ces données soit suivie de décisions, d’actions.

Or le décalage entre les données et les mesures prises étant important dans une crise sanitaire à la cinétique longue, la population s’est agacée de phrases telles que « On ne verra les résultats des mesures prises que dans 14 jours. » ou « De nouvelles mesures seront annoncées à l’issue du prochain Conseil de Défense. ».

L’absence de visibilité directe sur le résultat d’une mesure spécifique a engendré une incompréhension des décisions prises et de fortes critiques de celles-ci.

Décision

La décision en cellule de crise se fait en fonction des scénarios d’anticipation, des synthèses des informations disponibles, d’une situation à un temps donné et des parties prenantes. C’est un choix entre plusieurs propositions basées sur le rapport risque/bénéfice.

Certaines décisions sont faciles à prendre : le vaccin provoque des réactions allergiques 1 fois sur 100 000, alors que le virus tue ou rend malade sur le long terme 1 personne sur 100, il est donc normal de mettre en place une campagne massive de vaccination. Confiner un pays à deux reprises a été une décision plus délicate, forcément clivante.

En France comme dans de nombreux pays, le choix a été fait de préserver le système de santé au détriment de la croissance économique.

Un an après, la situation est similaire à celle de début 2020 : les chiffres ne sont pas assez mauvais pour anticiper un troisième confinement alors que l’économie souffre déjà des mesures actuelles, mais si la France se retrouve demain dans la situation du Royaume-Uni, le manque d’anticipation des gestionnaires de crise leur sera reproché.

Les chiffres continuent d’être actualisés au jour le jour, les informations sont toujours aussi nombreuses et difficiles à évaluer. On a le sentiment d’un éternel recommencement, que l’on fait systématiquement les mêmes erreurs. C’est pour cela que la démarche de retour d’expérience est essentielle à la fin d’une crise. Il n’y a que comme cela que nous arriverons à apprendre, à reproduire les choses qui ont fonctionné, à changer ce qui a été défaillant et à améliorer notre anticipation.

Même si l’on ne le voit peut-être pas, un certain nombre de leçons ont déjà été tirées de la première vague de Covid. Des dispositifs mis en place pendant la première vague qui avaient fait leurs preuves ont été mis en œuvre rapidement pendant la seconde, des partenariats ont été renouvelés, les stocks d’EPI étaient suffisants, les apports de la première vague étaient indéniables.

Le processus de RETEX et de réflexion continue et apportera sans nul doute de nouveaux éléments qui permettront de se préparer davantage aux prochaines crises.

Par Alice Charron et Dr Ziad Touat, Consultants en gestion de crise – Crisotech – groupe Deveryware

Lu 10438 fois Dernière modification le lundi, 18 janvier 2021 16:04
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