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Un Associé de SARL peut-il devenir demain un concurrent ?*

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La vie et les évolutions d'une entreprise sont imprévisibles. Il arrive régulièrement que des associés se séparent, au moins dans leurs activités quotidiennes, sans pour autant que le partant ne soit plus associé. Que se passe t-il alors ? Peut-il devenir un concurrent ?

La Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler récemment que l'associé d'une société à responsabilité limitée n'est pas tenu en cette seule qualité d'un engagement de non concurrence à l'égard de celle-ci.

Un exemple instructif
En l'espèce, l'associé d'une SARL avait démissionné de son emploi de responsable technique tout en restant associé à 40% de la société qui l'employait. Aucune obligation de non concurrence n'ayant été expressément mise à charge (au titre de son contrat de travail ou d'un pacte d'associé), il constitue, par la suite une nouvelle société exerçant la même activité. La SARL assigne son associé en paiement de dommages et intérêts.


Motif invoqué : l'associé aurait agit au mépris de son obligation de loyauté et se serait livré à des actes de concurrence déloyale envers la SARL. La demande de la SARL est rejetée par la Cour d'Appel, ce qu'approuve la Cour de Cassation.

La Cour de cassation rappelle en effet que « sauf stipulation contraire, l'associé d'une société à responsabilité limitée n'est pas, en cette qualité, tenu de s'abstenir d'exercer une activité concurrente de celle de la société et doit seulement s'abstenir d'actes de concurrence déloyale. »

Le principe posé par la Cour de Cassation est clair : l'associé d'une SARL est libre d'exercer une activité concurrente de celle exercée par la société. Ce principe n'est cependant pas absolu.

La Cour de Cassation précise tout d'abord que c'est l'associé de la SARL pris « en cette qualité » qui n'est pas tenu de s'abstenir de concurrencer sa société.

Si la Cour de Cassation semble restreindre la liberté de la concurrence à l'associé de la SARL, on peut légitimement penser que cette liberté de principe est également accordée aux associés d'autres formes sociales (SA et SAS notamment).

En revanche, une telle liberté ne saurait être laissée à l'associé qui exerce son activité dans la société (comme par exemple les associés de SCP ou de SEL). Cette liberté n'est pas non plus accordée au dirigeant d'une société qui, à l'inverse de l'associé, est tenu en cette seule qualité d'une obligation de non concurrence à l'égard de la société qu'il dirige (Cass.com 15 nov 2011 n°10-15.049).

La notion de concurrence déloyale est difficile à faire admettre
La Cour de Cassation précise ensuite que la liberté de la concurrence accordée à l'associé s'arrête aux actes de concurrence déloyale. On rappellera à cet égard, que c'est à la société qu'il appartiendra de rapporter la preuve, pas toujours aisée, que le comportement de l'associé est constitutif de concurrence déloyale et notamment du fait d'un détournement de la clientèle par l'associé.

Enfin, et surtout, la Cour de Cassation offre la possibilité d'anéantir la liberté de la concurrence accordée à l'associé par la voie contractuelle. En effet, la Cour de Cassation précise que cette liberté de la concurrence est de principe, uniquement en l'absence de stipulation contraire.

Un pacte d'associés valide suppose quelques conditions
La Cour de cassation rappelle ainsi l'importance des clauses de non-concurrence en droit des sociétés. Encore faut-il, pour que cette restriction à la liberté de la concurrence soit efficace, que les conditions de validité de ces clauses soient réunies. En effet, si les conditions de validité des clauses de non concurrence insérées dans les contrats de travail ont depuis longtemps été fixées par la chambre sociale de la Cour de Cassation, il n'est pas de même s'agissant des clauses de non concurrence insérées dans les statuts ou dans les pactes d'associés. Une incertitude demeure en effet quant à leur validité, et plus particulièrement quant à la nécessité d'y inclure une contrepartie financière, et ce depuis que la chambre commerciale de la Cour de Cassation a annulé une clause de non concurrence insérée dans un pacte d'associés à l'encontre d'un associé salarié de la société, au motif que ladite clause ne comptait pas de contrepartie financière (Cass.com 15 mars 2011 n°10-13.824).

La question reste de savoir si la solution retenue aurait été la même à l'égard d'un associé non salarié de la société. Dans le doute, la société qui fera souscrire une clause de non concurrence à l'associé non salarié pendra soin d'y inclure une contrepartie financière.
 
Anne-Hélène CHEMIN

Avocat - Cabinet CORNET VINCENT SEGUREL
 

* Cass.com 19 mars 2013 n°12-14-407, SARL Promes Procédés et Mesures c/ Fender

Lu 31870 fois Dernière modification le mercredi, 23 septembre 2015 13:03
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