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Vente entre entreprises et professionnels : quelle protection pour l’acquéreur ?

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Deux arrêts récents viennent rappeler qu’une entreprise qui acquiert un bien ou commande une prestation de service doit faire preuve d’une vigilance particulière. La protection dont elle bénéficie en qualité d’acquéreur est en effet moins étendue que celle qui profite à un consommateur simple particulier.


Obligation de moyens
Le consommateur bénéficie de la protection du code de la consommation et est considéré comme profane. Ceci oblige le vendeur professionnel à lui délivrer des conseils sur l’adéquation du bien ou du service à ses besoins.


L’acquéreur professionnel est de son côté dans une position moins favorable. Tout d’abord, il ne bénéficie pas de la même protection au titre du code de la consommation. Un arrêt du 3 décembre 2013 a ainsi rappelé que les dispositions de l’article L132-1 du code de la consommation, qui sanctionnent les clauses abusives, ne s’appliquent pas au contrat de fournitures de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales. En l’espèce, une société avait fait installer par une autre un système de télésurveillance, dont l’efficacité était tout relative puisqu’il n’avait pas empêché plusieurs cambriolages en quelques mois. La société ayant acquis le système de télésurveillance avait donc agi contre son fournisseur en faisant valoir qu’il était tenu d’une obligation de résultat, à laquelle il avait manqué compte tenu des cambriolages subis. Mais comme les conditions générales du fournisseur prévoyaient qu’il n’était tenu que d’une obligation de moyens, la société cliente soutenait que, ayant agi en dehors de sa sphère de compétence (en l’occurrence le négoce de matériaux), elle devait être considérée comme un non professionnel au sens de l’article L 132-1 du code de la consommation et que la clause concernant l’étendue des obligations du fournisseur était abusive au sens de ce texte.

La Cour de Cassation rejette cette thèse. Il est aujourd’hui bien acquis que la notion de consommateur ou de non professionnel ne peut concerner que des contrats qui sont conclus pour des besoins autres que ceux de l’activité professionnelle, ce qui exclut automatiquement les sociétés, sans égard pour le fait que le bien ou le service se rapporte ou non au domaine de compétence de l’acquéreur ou y est étranger.

 

Obligation d’information et de conseil
Plutôt que de se placer sur ce terrain du code de la consommation, l’acquéreur du système de télésurveillance aurait sans doute pu invoquer l’obligation de conseil de son fournisseur-prestataire.

Un second arrêt, rendu le 14 janvier 2014, rappelle en effet que l’acheteur professionnel peut être créancier d’une obligation d’information et de conseil de la part du vendeur. En l’espèce, il s’agissait de l’acquisition d’une machine destinée à des travaux forestiers. Là aussi, la machine n’avait pas donné satisfaction et un contentieux en était né. L’acquéreur s’était placé sur le terrain de l’obligation d’information et de conseil du vendeur. Si la Cour de Cassation ne fait pas droit à cette demande dans le cas d’espèce, elle rappelle néanmoins dans quel cas l’acquéreur professionnel peut se prévaloir d’une obligation d’information et de conseil. La Cour de Cassation précise en effet qu’une telle obligation existe bien à la charge du vendeur lorsque l’acquéreur, même professionnel, exerce dans un domaine qui ne lui donne pas les moyens d’apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du dispositif en cause.

En l’espèce, c’était une société ayant pour activité des travaux forestiers qui avait acquis une machine destinée précisément à exécuter ces travaux forestiers. Le domaine de compétence était le même et l’acquéreur était donc en mesure d’apprécier les caractéristiques de la machine, étant précisé qu’il n’avait par ailleurs pas fourni de cahier des charges, ni exprimé de besoin particulier auprès du vendeur. A l’inverse, si son domaine de compétence avait été différent, l’acheteur aurait pu se prévaloir de l’obligation d’information et de conseil du vendeur « sur l’adaptation du matériel vendu à l’usage auquel il était destiné ».

Conclusion
Ce dernier arrêt illustre que l’acquéreur professionnel n’est donc pas complètement dépourvu face à un matériel qui ne lui donnerait pas satisfaction.


Mais, au lieu du droit de la consommation, il convient qu’il se place sur le terrain de l’obligation d’information et de conseil, et veille, même si le bien ou le service ne ressort pas de sa sphère de compétence, à informer son fournisseur ou son prestataire de l’usage auquel il destine le bien ou des besoins qu’il veut satisfaire au moyen de la prestation de service.

 

Sébastien HAREL
Avocat, département commercial – concurrence / distribution
Cabinet Cornet Vincent Ségurel

Note de la Rédaction : Le présent article constitue une information. Il ne saurait en aucun cas s’assimiler ou se substituer à une consultation juridique.

 

Lu 5442 fois Dernière modification le mercredi, 26 août 2015 13:53
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