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« Vapoter » est-il autorisé dans les bureaux ?

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Poser la question de l’autorisation de son usage dans les bureaux, c’est s’interroger sur le danger que fait courir le vapoteur à sa propre santé et à celle de son entourage. L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat à l’égard de ses salariés pourra - devra - alors en interdire l’usage. Mais cela suppose que soit préalablement défini le vapotage.

La question n’est pas neutre lorsque l’on sait que la France compterait déjà 1,5 million de vapoteurs, avec une progression mensuelle de 15%.


Vapoter est-il fumer ?
Grande question ! La tentation est grande d’assimiler la cigarette électronique à la cigarette classique dont elle se veut le substitut. C’est ce que vient de faire le Tribunal de Commerce de Toulouse dans son jugement de ce 9 décembre 2013 en considérant que la vente d’e-cigarettes constituait une concurrence illicite et déloyale pour les vendeurs de tabac.

Elle tomberait alors sous le coup du décret du 15 novembre 2006 qui a interdit  de fumer dans les lieux fermés et couverts accueillant du public ou constituant des lieux de travail.

Mais vapoter, est-ce vraiment fumer ? Le produit contenu dans l’e-cigarette est-il assimilable à du tabac ?

La définition la plus communément admise de l’action de fumer est l'action d'aspirer par la bouche de la fumée produite par la combustion d'un élément, le plus souvent du tabac contenu dans une cigarette, un cigare ou une pipe.



Que dit la loi ?
Aux termes de l’article L 3511-1 du Code de la santé publique, « sont considérés comme produits du tabac les produits destinés à être fumés, prisés, mâchés ou sucés, dès lors qu'ils sont, même partiellement, constitués de tabac, ainsi que les produits destinés à être fumés même s'ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux, au sens du troisième alinéa (2°) de l'article 564 decies du code général des impôts ». 

Selon ce dernier texte, « sont assimilés aux tabacs manufacturés :  
-    Les produits destinés à être fumés, prisés ou mâchés, même s'ils ne sont que partiellement constitués de tabac
-    Les cigarettes et produits à fumer, même s'ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux.»

Or, il est difficile de considérer que le vapotage répond à ces définitions.

Ainsi, pour l’office de prévention du tabagisme (OFT), la fumée est un « Mélange de gaz, de vapeur d’eau et de particules plus ou moins fines, qui se dégage d’un corps en combustion ou porté à très haute température. Le produit qui s’échappe de l’e-cigarette répond incomplètement à la définition de la fumée car il n’y a pas de particules; en revanche, l’Académie n’exige pas la combustion pour parler de fumée, la haute température suffit. »

Il précise que « le produit qui s’échappe de l’e-cigarette ne répond à aucune définition de la vapeur qui s’applique soit à un gaz obtenu par évaporation d’un liquide, soit à des gouttelettes d’eau. Le terme vapeur est donc impropre. »

Il préfère le terme aérosol qui entraîne une « dispersion en particules très fines d’un liquide, d’une solution, ou d’un solide dans un gaz. Le produit qui s’échappe de l’e-cigarette répond bien à la définition d’aérosol. »

S’il apparaît ainsi qu’il est difficile d’assimiler l’e-cigarette à la cigarette classique et donc d’invoquer toute la réglementation sur l’interdiction du tabagisme pour en refuser l’usage dans certains lieux, il n’en faut pas moins s’interroger sur ses effets propres.

Est-il dangereux de vapoter ?
Il est difficile de répondre à cette question, le phénomène étant trop récent et les conséquences de son usage sur la santé humaine encore incertaines.

Techniquement, la cigarette électronique contient du propylène glycol liquide mélangé généralement à des arômes et de la nicotine.

L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) considère que « ce liquide est de composition variée. Il peut contenir des solvants, de la nicotine, des arômes et parfois aussi des impuretés. Certaines de ces substances peuvent avoir des effets sur la santé de l'utilisateur.

Les cigarettes électroniques produisent également des composés organiques volatiles et des particules fines et ultrafines susceptibles d'altérer la qualité de l'air intérieur. À l'heure actuelle, il ne peut donc être conclu à l'absence de risque pour l’entourage du consommateur (salariés, clients…) »

L’Agence nationale de Sécurité du médicament et des produits de santé recommandait dans un communiqué du 30 mai 2011 de ne pas consommer ce type de produits dès lors que la cigarette électronique ne bénéficie pas d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), qu’elle contient de la nicotine, substance classée « très dangereuse » par l’OMS, que nous ne disposons pas à ce jour de données qualitatives et quantitatives des effets indésirables provoqués par le propylène glycol et qu’enfin, elle créée un risque de dépendance.

Un rapport intéressant
L’Office de Prévention du Tabagisme (OFT) s’est également prononcé sur la cigarette électronique dans un rapport publié le 28 mai 2013. Ce rapport relève que « l’exposition passive à l’aérosol de l’e-cigarette n’expose ni au monoxyde de carbone, ni aux cancérogènes, ni aux particules, mais elle est responsable dans cette étude d’un passage de nicotine voisin de celui observé dans le cas d’un tabagisme passif et est associée à des phénomènes d’irritations des bronches. Si les conséquences pour la santé du vapotage passif sont moins importantes que l’exposition passive à la fumée du tabac, voire à la limite de la signification clinique, on ne peut pas dire aujourd’hui que l’exposition passive à l’aérosol de l’e-cigarette ou vapotage passif n’existe pas. La nicotine est retrouvée dans le sang et les urines des non-fumeurs non-vapoteurs exposés passivement au vapotage. Dans trois études, les taux de nicotine semblent moins importants qu’avec une exposition au tabagisme passif, mais les études de vapotage passif ne sont pas standardisées et elles doivent être poursuivies. »

Aussi le rapport conclut-il que « les experts recommandent que l’utilisation d’e-cigarettes et de tout  produit évoquant le tabagisme soit interdite dans les endroits où il est interdit de fumer en modifiant l’article R3511-1 du Code de la santé publique ».

 

L’employeur et le vapoteur
Il ne semble pas pertinent de se fonder sur la réglementation anti-tabac pour apprécier l’interdiction ou non du vapotage sur le lieu de travail.

Il faut s’attacher au principe de précaution et, au vu de la connaissance scientifique que l’on a sur les risques du vapotage, décider ou non de l’interdire.
Le raisonnement doit consister à s’interroger sur les risques encourus par les non-vapoteurs en présence de vapoteurs. En particulier il doit éviter, notamment à des actions de prévention, tout risque pour la santé de ses salariés en vertu de l’obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu en application de l’article L 4121-1 du Code du travail.

Par conséquent, au vu des données évoquées plus haut, et en application de l’article R 4222-1 du Code du travail qui impose à l’employeur de renouveler l’air des locaux fermés où se trouvent les travailleurs pour maintenir un état de pureté de l’atmosphère propre à préserver la santé des salariés, les employeurs en complétant leur règlement intérieur doivent interdire l’usage de la cigarette électronique sur les lieux du travail.

Il s’agira ici et en l’état, d’une nécessaire mesure de prévention en attendant une évolution réglementaire comme dans certains pays comme la Belgique, le Luxembourg et Malte qui ont décidé d’interdire l’usage de la cigarette électronique dans tous les lieux où il est interdit de fumer, coupant ainsi court à toutes discussions.

François-Xavier MICHEL
Avocat Associé
Département Droit Social  - Cornet Vincent Ségurel
www.cvs-avocats.com

Note de la Rédaction : le présent article constitue une information. Il ne saurait en aucun cas s’assimiler ou se substituer à une consultation juridique.

Lu 19930 fois Dernière modification le mercredi, 26 août 2015 13:41
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