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Risques psychosociaux au sein de l’entreprise, comment les anticiper ?

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Poser cette question, c’est déjà reconnaître l’existence des risques psychosociaux. Pour les anticiper, encore faut-il les définir1, puis déceler les situations qui en sont créatrices2, sachant que dans ce cas comme dans d’autres, la prévention est nettement moins coûteuse que la réparation.

1. En réalité, il n’existe pas de définition précise des risques psychosociaux. Pour l’INSERM(1), il s’agit d’un vaste ensemble de variables, à l'intersection des dimensions individuelles, collectives et organisationnelles de l'activité professionnelle.

Pour le Ministère du Travail, ils recouvrent les risques professionnels qui portent atteinte à l'intégrité physique et à la santé mentale des salariés : stress, harcèlement, épuisement professionnel, violence au travail... Ils peuvent entraîner des pathologies professionnelles telles que des dépressions, des maladies psychosomatiques, des problèmes de sommeil, mais aussi générer des troubles musculo-squelettiques, des maladies cardio-vasculaires, voire entraîner des accidents du travail. Cette définition plus concrète permet d’en déterminer mieux les contours, d’en déceler les manifestations et dans prévenir l’apparition.


2.
Le risque psychosocial est avéré lorsqu’apparaissent les alertes suivantes : une augmentation de l’absentéisme, turn-over important, plaintes à la hiérarchie aux collègues de travail ou au médecin du travail, fatigue et nervosité, conflits fréquents, addiction aux médicaments ou à l’alcool.

L’ANACT(2) distingue quatre grandes sources de tensions, à l’origine des risques psychosociaux :

- Changements du travail, qui imposent de devoir s’adapter constamment à une nouvelle organisation, subir des rachats, fusions… successifs de l’entreprise, subir des évolutions de son métier…

- Contraintes du travail, qui imposent une charge de travail trop importante, d’être tout le temps dans l’urgence, de devoir atteindre des objectifs toujours plus élevés avec moins de personnel…

- Attentes du salarié, qui génèrent l’impression de ne pas progresser, le sentiment de ne pas être reconnu, de faire un travail qu’on n’aime pas, de ne pas pouvoir concilier sa vie professionnelle et sa vie familiale…

- Relations et comportements, qui pas de soutien de la hiérarchie, pas d’entraide avec les collègues, une mise en concurrence des salariés, pas de dialogue ou d’écoute en interne...

Selon l’ANACT, c’est l’accumulation de ces sources de tension qui, devenant le quotidien professionnel, est à l’origine des risques psychosociaux dans l’entreprise.

Un exemple tout récent en est encore donné dans une affaire qui a donné lieu au jugement suivant :

« Ne respecte pas son obligation de sécurité de résultat l'employeur qui instaure comme mode d'organisation du travail un procédé, nommé « benchmark », consistant à évaluer et comparer en permanence les performances de chaque agence commerciale et de chaque salarié et de mettre ainsi en concurrence les salariés entre eux, alors qu'aucun objectif ne leur est officiellement imposé, sinon celui de faire mieux que les autres. Un tel système, dans lequel tout est remis en cause chaque jour, crée en effet un stress permanent et a des conséquences sur les relations sociales au sein de l'entreprise, les résultats des salariés déterminant la part variable de leur rémunération. Il compromet ainsi gravement la santé de ses salariés, comme cela a été relevé par plusieurs instances. Il convient en conséquence d'interdire à l'employeur d'appliquer un tel système. »

 Il est intéressant de noter ici que l'employeur avait été alerté à plusieurs reprises, notamment par un cabinet d'expertise, par les médecins du travail et par l'inspection du travail. Connaissant ainsi les risques psychosociaux qu’il faisait courir à ses salariés, il avait créé un observatoire des risques psychosociaux, mis en place un numéro vert et élaboré un plan d'action pour améliorer la qualité du travail. Ces mesures ont cependant été jugées insuffisantes ! Motif : elles ne visaient qu'à intervenir une fois le risque révélé et non à le prévenir et à le supprimer en amont. Et c’est là toute la difficulté car le plus souvent, les mesures mises en œuvre sont plus curatives que véritablement préventives.

*TGI Lyon 4 septembre 2012 n° 11/05300, Syndicat Sud groupe BPCE c/ Caisse d'Epargne Rhône-Alpes Sud


3.
C’est à la lumière de ces éléments qu’il faut rechercher les véritables mesures propres à éviter les risques psychosociaux. C’est essentiellement dans l’organisation du travail et le management que se trouvent les leviers propres à éviter ces risques. Sans que cela soit exhaustif, on peut rappeler les éléments suivants :

- Il faut d’abord agir sur l’organisation en adaptant les moyens aux objectifs fixés aux salariés et en leur donnant une formation adéquate.
- Il faut instituer dans l’entreprise un dialogue social de qualité, par la concertation, l’implication des salariés dans le projet d’entreprise.
- Il faut encore que les salariés aient le sentiment d’être reconnus dans l’entreprise, de manière à ce qu’ils puissent donner du sens à leur travail. Ce sens doit concerner également l’avenir et leur évolution professionnelle dans l’entreprise. C’est ainsi qu’ils pourront s’inscrire dans le projet dans lequel ils seront impliqués.

Un accord interprofessionnel sur le stress au travail a été signé le 2 juillet 2008 pour transposer l’accord européen du 8 octobre 2004 signés dans le cadre de l’article 138 du Traité CE. Les entreprises pourvues d’une représentation syndicale peuvent parfaitement s’inspirer de ce texte pour négocier un accord d’entreprise. C’est en tout état de cause l’intérêt de chaque entreprise que de prévenir les risques psychosociaux.

Si le coût essentiel est le coût humain - le premier à prendre en considération - il n’en reste pas moins que le stress au travail engendre des surcoûts liés à l’absentéisme, au turnover, à la baisse de productivité, à la moindre qualité des produits ou services via les répercussions sur la santé et la performance des salariés. Ce sont ces résultats qui s’en trouvent affectés

Le risque psychosocial génère des accidents du travail ou des maladies professionnelles pouvant conduire à l’inaptitude et donc éventuellement à la rupture du contrat de travail avec toutes les conséquences financières que cela comporte.

François-Xavier MICHEL – Avocat

Cabinet Cornet Vincent Ségurel

1. Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale
2. Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail

Lu 6209 fois Dernière modification le mercredi, 26 août 2015 14:16
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