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La preuve d'un accord sur l'échelonnement du paiement d'une dette... un email ne suffit pas !

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Dans le contexte économique actuel, il est aujourd'hui fréquent de prévoir des délais de paiement entre partenaires commerciaux professionnels ou même à l'égard de particuliers. Afin d'éviter toute contestation ultérieure, il convient de pouvoir justifier utilement d'un tel accord entre les parties. 

 


A ce titre, l'Arrêt rendu le 18 juin 2013 (n°12-16446) par la Cour de Cassation précise qu'un courrier électronique ne peut constituer, à lui seul, une preuve suffisante de cet accord.

Le cas qui suit est très intéressant.  La société Exapaq (que l'on dénommera « société A »), avait obtenu une ordonnance d'injonction de payer à l'encontre de la société Visamédias (que l'on dénommera  « société B ») pour non-paiement de factures, et avait exercé parallèlement un droit de rétention sur des colis appartenant à la société B. Cette dernière a fait opposition à l'ordonnance et a sollicité la condamnation de la société A en réparation du préjudice commercial subi du fait de la rétention des colis.

Le Tribunal de Commerce de Marseille (statuant en dernier ressort) a fait droit aux demandes de la société B, en condamnant la société A en réparation du préjudice commercial.

Le Tribunal a relevé que :

- la société B avait adressé un courriel à la société A mentionnant l'existence d'un « accord en cours sur un échelonnement du paiement de sa dette par chèques qui lui avait été confirmé par téléphone ».  

- la société A ne versait aux débats aucun autre document permettant d'établir que la rétention correspondait à un engagement contractuel nouveau (différent de l'accord sur les délais de paiement évoqué par courriel).  

Le Tribunal en a déduit que la société A avait retenu les colis en violation de l'accord sur les délais de paiement, justifiant ainsi une indemnisation.

La Cour de Cassation a cassé l'Arrêt
Conformément aux dispositions de l'article 1315 du Code civil, lesquelles énoncent que « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation », la Cour de Cassation casse l'arrêt rendu en première instance, estimant que l'email émanant de la société B, sur qui reposait la charge de la preuve de l'accord sur l'échelonnement du paiement n'est pas, à lui seul, suffisant pour prouver cet accord.

Par cet arrêt la Cour de Cassation réaffirme, au moins implicitement, le principe selon lequel « nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ».
Une nouvelle illustration est ici donnée en matière d'accord sur des délais de paiement. La preuve d'un accord ne peut en principe résulter d'un document unilatéral (en l'espèce, un email) émanant du débiteur. Dans une telle hypothèse, il convient donc d'être particulièrement vigilant et de formaliser avec son partenaire l'accord convenu, en établissant par exemple un document régularisé par les deux parties constatant l'accord exprès de celles-ci.
Cette précaution, certes formelle, permet de se prémunir de toute remise en cause ultérieure à l'origine de bien des déboires.

Stéphanie FOREST
Avocat, Cabinet Cornet Vincent Ségurel - Département Droit Commercial - Concurrence / Distribution Membre du Barreau de Lille

Note de la Rédaction : le présent article constitue une information. Il ne saurait s'assimiler ou se substituer à une consultation juridique.

 

Lu 11098 fois Dernière modification le mercredi, 26 août 2015 15:35
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