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Plus de marketing dans l’IA que d’IA dans le marketing

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Quelle réalité de l’Intelligence Artificielle dans les applications commerciales et marketing en B2B ? Si on en croit les innombrables publications dans les médias professionnels, l’IA est déjà adoptée, elle est partout : les CRM, les outils d’aide à la prospection commerciale, les outils de ciblage Marketing, les applications de création de contenus, les chatbots des relations clients,…

Pourtant, quand on gratte un peu la surface, on découvre une réalité beaucoup plus nuancée. L’IA serait-elle devenue seulement un tampon marketing qui fait vendre ?

L’intelligence artificielle n’existe pas

C’est ce que nous dit Luc Julia, co-créateur de l'assistant vocal d'Apple Siri et aujourd'hui Senior VP du laboratoire d’IA de Samsung, dans son best-seller éponyme. Cet expert aime à rappeler que « tout est parti d'un immense malentendu. En 1956, lors de la conférence de Dartmouth, John McCarthy a convaincu ses collègues d'employer l'expression " intelligence artificielle " pour décrire une discipline qui n'avait rien à voir avec l'intelligence ».
Stephane Py

Bruno Maisonnier, créateur du robot de compagnie Nao, va dans le même sens en déclarant récemment : « la vague d’IA que nous connaissons actuellement, que les scientifiques qualifient de « statistique » (…), cette IA dite « faible », ne possède pas une once d'intelligence ». Il précise que l’IA, telle qu’on l’envisage dans les médias, est une IA de troisième génération : à savoir une IA forte et auto-apprenante. Nous n’y sommes pas encore…

De son côté, Christophe Tricot, fondateur de l’accélérateur en IA pour les entreprises « La Forge » rappelle que l’IA n’a pas connu de changement de paradigme depuis les années 70 ! La nouveauté du moment, ce n’est pas tellement l’IA selon lui, mais les solutions cognitives qui en dérivent, c’est-à-dire l’ensemble des applications ayant recours à l’IA pour démultiplier leurs expertises. Concrètement, le chatbot qui automatise la relation client ou le scoring client d’un CRM sont des solutions cognitives. Mais pour les puristes, un chatbot, même s’il résout un problème complexe en s’inspirant de l’humain, ce n’est pas de l’IA.

Pas d’IA sans Data

L’IA intervient lorsque le cerveau humain est dépassé : concrètement, dès lors que nous ne pouvons plus traiter un lot d’informations devenu trop volumineux et hétérogène.

Ce postulat s’applique donc très bien dans de nombreux domaines, et les entreprises ont très vite compris le rôle clé de l’IA pour tirer profit des fameuses Big Data qui s’accumulent dans leurs systèmes : la data, devenant exploitable et source de décisions stratégiques, est un actif qu’il ne faut désormais plus négliger. D’où la croissance exponentielle des investissements dans des projets d’IA ces dernières années par les entreprises, qui ont multiplié les cas d’usage pour s’apercevoir la plupart du temps que la mise en production de ces projets se heurtaient… au manque de données. Selon l’étude du cabinet PWC « AI Predictions Survey 2020 », 42% des entreprises interrogées explorent actuellement des cas d’usage mais seulement 4% prévoient de déployer l’IA dans l’ensemble de leur organisation.

Imaginer un moteur révolutionnaire, c’est bien mais encore faut-il s’assurer qu’on aura assez de carburant pour le faire tourner !

IA et Commerce B2B

L’IA se prête naturellement à des applications dans le marketing B2C où les données liées aux profils des consommateurs et à leurs comportements d’achats sont par définition riches et atteignent aujourd’hui des volumétries exponentielles. Netflix ou Amazon illustrent parfaitement la maîtrise des modèles pour deviner nos goûts et nos envies.

En B2B, les données Client sont plus restreintes et les comportements d’achats peu collectés. C’est encore plus vrai dans les métiers de services dans lesquels la vente, plus complexe, très personnalisée, s’accommode mal de process d’achat prédéfinis. Ainsi, quoiqu’en disent certains éditeurs, les applications d’IA en « Sales & Marketing B2B » restent rares ou exploitent au mieux des IA « faibles » et peu développées : l’immense majorité des applications de Sales et Marketing Intelligence qui revendiquent l’utilisation d’IA tourne en réalité sur des moteurs de règles logiques assez classiques. Ceux-ci sont relativement proches de formules conditionnelles du type « Si… Alors… », et d’algorithmes connus depuis des dizaines d’années et boostés par la puissance de calcul démultipliée des outils informatiques actuels.

Néanmoins, le phénomène Big Data et son explosion des données sont aujourd’hui une réalité, même en B2B. Des outils de collecte toujours plus présents dans les organisations, des sources d’informations toujours plus riches et nombreuses, et des solutions d’analyse et de représentation (la Business Intelligence) toujours plus puissantes ont convaincu les entreprises de se pencher – vraiment – sur leur « capital data », dont la connaissance client est une pierre angulaire.

Des interactions marketing au suivi de la relation et de l’expérience client, en passant par les étapes de la vente, les CRM et leurs applications multicanal, captent une richesse de données considérable sur les clients et les prospects. Pour quels usages possibles grâce à l’IA ?

Vers la disparition du Commerce et du Marketing ?

Stéphane Mallard, conférencier expert en IA, prédit une mutation profonde du marketing, avec une disparition progressive au profit d’assistants intelligents qui aideront l’acheteur à sélectionner ses fournisseurs et leurs services en collectant et en analysant les informations sur ces derniers (réputation, description, références…). Un phénomène qui accentuerait le rôle de consultant et chef de projet des commerciaux B2B, amenés à être toujours plus experts des enjeux de leurs clients pour les accompagner dans la phase finale de l’acte d’achat : configurer la solution déjà choisie et aider à sa mise en œuvre.

L’ère des hyper commerciaux avec des commissions à 25 millions arrive

C’est la thèse que défend Laurent Alexandre, conférencier réputé et auteur de « La Guerre des Intelligences », dans l’étude réalisée par Nomination.fr auprès des directeurs commerciaux et marketing sur les mythes et réalités de l’IA dans le Commerce et le Marketing en B2B.

Ce futurologue prédit la fin du commerce et du marketing « traditionnels », sur des produits de consommation ou commodités, au profit de l’émergence de plateformes qui sauront collecter, analyser et exploiter les données des clients pour prédire, anticiper et répondre à tous leurs besoins. À l’instar d’Amazon ou de Netflix. Dès lors, il imagine que les concepteurs de ces plateformes, comme les développeurs d’un Google ou d’un Facebook aujourd’hui, pourront toucher des bonus mirifiques grâce au développement d’algorithmes permettant de capter les actes d’achat. Mais nous n’en sommes pas là. Pas encore…

Une adoption encore très timide par les directions commerciales et marketing

L’étude réalisée par Nomination remonte en effet des positions contradictoires sur l’adoption et les attentes vis-à-vis de l’IA : si 75% des décideurs interrogés estiment qu’il s’agit d’un phénomène inéluctable et rapide et si 89% ne la considèrent pas comme une menace, plus de 20% n’en attendent aucune valeur ajoutée. Au total, à peine 4 entreprises sur 10 commencent juste à envisager des projets à base d’IA, et en grande majorité sur des sujets d’automatisation ou des assistants de type chatbot.

Ces chiffres démontrent que les promesses de l’IA séduisent. Mais pour devenir réalité, les entreprises doivent être guidées pour assembler toutes les briques nécessaires : données de qualité, cas d’usage, expertise technique, accompagnement au changement. Comme toute transformation, ces projets sont de longs voyages et nécessitent des sherpas de l’IA pour éviter de se perdre.

Par Stéphane Py, Directeur Général Adjoint de Nomination.fr et de son agence B2B Agency

Lu 4200 fois Dernière modification le lundi, 20 avril 2020 09:48
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