Imprimer cette page
Holacracy : un système organisationnel à l’épreuve des caricatures

Holacracy : un système organisationnel à l’épreuve des caricatures

Évaluer cet élément
(5 Votes)

Depuis sa création au début des années 2000, Holacracy connaît un développement ininterrompu aux Etats-Unis comme en Europe. Un succès qui suscite l’intérêt, la curiosité, provoque le changement mais aussi des inquiétudes et des jalousies.

Il y a quelques mois, j’avais d’ailleurs trouvé utile de revenir sur « 10 mauvaises excuses pour ne pas adopter Holacracy », sorte de synthèse de ce que j’avais pu entendre ou lire à propos d’entreprises tentées par l‘aventure d’une organisation débarrassée de toute hiérarchie mais bloquées au moment de franchir le pas. Depuis peu, une « 11ème excuse » a vu le jour : impossible d’opter pour Holacracy puisque certaines entreprises emblématiques auraient fait le choix d’abandonner ce système pour revenir sur le « plancher des vaches ». L’occasion pour moi de tordre le cou à quelques préjugés, raccourcis voire fausses informations qui circulent.

Tout est parti d’un article publié par Atlantico annonçant que Zappos, véritable porte drapeau du mouvement, avait décidé d’abandonner Holacracy. Passée la surprise, j’ai cherché, sans succès, les sources de cette information. J’ai ensuite sollicité mes contacts chez Zappos qui m’ont tous fait la même réponse : Zappos reste plus que jamais en Holacracy… Depuis, tel un débris qui flotte à la surface de l’océan, la « fake news » réapparait de temps en temps. Toujours aucune source bien sûr mais un article « fondateur » qui s’insinue et crée une méfiance qui n’a aucune raison d’être.

Si les intentions de ceux qui créent et propagent ce type d’information sont de peu d’intérêt et assez claires, les réactions engendrées sont particulièrement intéressantes. Car rompre avec le modèle organisationnel classique dit pyramidal est un vrai changement de logiciel. C’est particulièrement vrai pour le patron ou le manager à qui l’on va demander d’abdiquer son pouvoir pour faire entrer son entreprise, ses équipes dans un modèle horizontal. Pour beaucoup, si la tentation d’une organisation libérée, en phase avec les aspirations de tous, est forte, le moindre stress ou la moindre mise en question du modèle proposé par Holacracy, est une aubaine pour demeurer dans un environnement inadapté, obsolète mais tellement confortable.

Quelle meilleure excuse pour faire marche arrière ! Holacracy ne serait qu’une « utopie » sortie de la tête d’un « gourou du marketing ». Vouloir construire des organisations parfaitement en phase avec les besoins de l’entreprise et les aspirations des collaborateurs, ayant rompu avec les jeux de pouvoir qui caractérisent le modèle classique, serait une idée charmante mais une douce illusion. Chassé le naturel et il reviendrait au galop. Le système pyramidal amélioré, remis au goût du jour serait la seule issue pour coller aux impératifs d’efficacité et de résultat de l’entreprise et répondre à ses enjeux d’organisation.

Cette analyse, j’en suis sûr, fait sourire tous ceux qui se sont penchés sérieusement sur le sujet et tout particulièrement toutes ces entreprises qui ont choisi Holacracy pour redéfinir intégralement leur mode de fonctionnement. Car, aujourd’hui, Holacracy est implantée dans de très nombreuses structures de par le monde. Rien qu’en France, j’ai eu le privilège d’accompagner plus d’une cinquantaine d’entre elles. A date, aucune n’a fait le choix de revenir à un système hiérarchique dépassé et abandonné en parfaite connaissance de cause.

Soit, opter pour Holacracy est tout sauf un long fleuve tranquille. Changer complètement de logiciel pour tout ce qui touche à l’organisation, la gouvernance ou tout simplement les interactions entre les femmes et les hommes n’est pas anodin. Difficile pour le « chef » de faire le deuil de son « pouvoir absolu », de ne plus être le seul détenteur de l’information et de la vision stratégique. Compliqué pour les collaborateurs de ne plus avoir de chef, d’être désormais autonomes et vraiment responsables des rôles qu’ils se sont choisis. Le chemin est sinueux, fastidieux et exigeant mais le choix s’avère payant à quelques conditions.

La première est d’accepter que le chemin soit long et l’effort collectif. Le patron accepte de ne plus être le chef mais il doit aussi veiller à ce que tous se sentent concernés et acteurs. L’adoption d’Holacracy n’est un succès que si le chantier embarque tout le monde, y compris les plus réticents.

La deuxième est de comprendre qu’Holacracy n’est pas un menu à la carte. La mutation concerne et impact tous les aspects et les espaces de l’entreprise. Faire le choix de n’en appliquer qu’une partie est la garantie d’un échec. Quelques entreprises en ont fait l’amère expérience.

La troisième est de comprendre qu’Holacracy n’est pas une nouvelle théorie mais le résultat d’une pratique, une boîte à outils capable de répondre aux problématiques de tous types d’entreprises, de façon personnalisée.

La dernière, qui est plutôt un conseil : faites-vous accompagner ! Partir seul en Holacracy est un pari risqué. Etre conseillé c’est la garantie de gagner beaucoup de temps et d’une implémentation réussie et vraiment adaptée à votre organisation.

Par Bernard Marie Chiquet, fondateur d’iGi Partners

Lu 10311 fois Dernière modification le jeudi, 09 novembre 2017 09:48
Nos contributeurs

Nos contributeurs vous proposent des tribunes ou des dossiers rédigées en exclusivité pour notre média. Toutes les thématiques ont été au préalable validées par le service Rédaction qui évalue la pertinence du sujet, l’adéquation avec les attentes de nos lecteurs et la qualité du contenu. Pour toute suggestion de tribune, n’hésitez pas à envoyer vos thématiques pour validation à veronique.benard@gpomag.fr