Imprimer cette page

Vie privée - L'employeur a-t-il le droit d'auditionner le dictaphone personnel d'un salarié ?

Évaluer cet élément
(0 Votes)

(Cass. Soc., 23 mai 2012, n°10-23.521)

Le 1er octobre 2007, une salariée est licenciée pour faute grave pour, notamment, avoir enregistré les conversations qui se déroulaient au sein de la société à l’aide de son dictaphone personnel.


La salariée en question prétend alors, pour sa défense, que l’écoute de son dictaphone personnel, en son absence et sans son autorisation, constituait une atteinte à sa vie privée et interdisait, par conséquent, à l’employeur de se prévaloir desdits enregistrements à l’appui d’un licenciement disciplinaire.

La Cour d’Appel a retenu en l’espèce que « le directeur ayant découvert le dictaphone de la salariée en mode enregistrement dans les locaux de l’entreprise, il était fondé à le retenir et à en écouter immédiatement l’enregistrement en l’absence de la salariée mais en présence de plusieurs témoins et que le fait pour un cadre d’enregistrer de façon illicite des conversations de bureau à l’insu de ses collègues et d’occasionner ainsi un certain émoi et un climat de méfiance ou de suspicion contraire à l’intérêt de la société constitue une faute grave ».

La Haute Juridiction casse la décision de la Cour d’Appel en indiquant que « l’employeur ne pouvait procéder à l’écoute des enregistrements réalisés par la salariée sur son dictaphone personnel en son absence ou sans qu’elle ait été dûment appelée ».

Le dictaphone personnel d’un salarié ne devient pas la propriété de l’entreprise par le simple fait que le salarié l’utilise dans les locaux de la société. Par conséquent, si l’employeur a un doute sur l’utilisation de ce dictaphone, il doit demander au salarié la permission d’auditionner les enregistrements et le faire en sa présence.

La Cour de Cassation fait donc ici application de la jurisprudence Nikon (Cass. Soc., 2/10/2001, n°99-42.942) selon laquelle il est interdit à l’employeur de prendre connaissance des données personnelles d’un salarié, à moins que le salarié ne soit présent ou qu’il n’ait été appelé.

Cependant, il est possible de supposer que la solution de l’espèce aurait été différente s’il s’était agit d’un dictaphone mis à la disposition des salariés par l’employeur pour les besoins de leur activité professionnelle. En effet, dans cette situation, il semble probable que l’employeur puisse avoir libre accès au contenu des enregistrements, ceux-ci pouvant être présumés professionnels de la même manière qu’un fichier informatique détenu sur l’ordinateur professionnel (Cass. Soc., 10/5/2012, n°11-13.884).

DS Avocats
Département droit social
www.ds-avocats.com

Lu 5624 fois Dernière modification le mercredi, 26 août 2015 13:46
Nos contributeurs

Nos contributeurs vous proposent des tribunes ou des dossiers rédigées en exclusivité pour notre média. Toutes les thématiques ont été au préalable validées par le service Rédaction qui évalue la pertinence du sujet, l’adéquation avec les attentes de nos lecteurs et la qualité du contenu. Pour toute suggestion de tribune, n’hésitez pas à envoyer vos thématiques pour validation à veronique.benard@gpomag.fr