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Rupture conventionnelle homologuée en cas de litige entre employeur et salarié

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La validité de la convention de rupture signée par l’employeur et le salarié peut-elle être remise en cause du seul fait qu’un litige existait entre les parties au moment de sa conclusion ? La question donne lieu à des controverses doctrinales et à des décisions divergentes des tribunaux.

 
Un mode de rupture populaire mais risqué
Près de 4 ans après sa création en 2008, le succès de la rupture conventionnelle ne faiblit pas. Environ 25 000 ruptures de ce type sont conclues chaque mois. Salariés et employeurs y trouvent en effet avantage. Pour le salarié, elle ouvre droit aux allocations chômage au même titre qu’un licenciement. Pour l'entreprise, elle évite le recours à une procédure complexe et l'altération du climat social.

Mais il y a des écueils à éviter. De nombreuses ruptures sont en effet contestées devant le conseil de prud’hommes.
Certains salariés considèrent en effet, une fois leur contrat rompu, que leur consentement a été forcé. S’ils ont signé la convention de rupture, c’est en raison des pressions ou menaces exercées par leur employeur. Ils demandent alors en justice la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle ni sérieuse et l’indemnisation du préjudice qu’ils ont ainsi subi.

Le contexte de la rupture conditionne sa validité
Les salariés contestataires invoquent à l’appui de leurs prétentions la jurisprudence rendue à propos de l’ancienne rupture amiable. Bien avant la création de la rupture conventionnelle homologuée, la jurisprudence a en effet admis la cessation du contrat de travail par la volonté commune des parties, mais en l'encadrant dans un but de protection du salarié.
En particulier, pour que la rupture amiable soit considérée comme valable, il fallait qu’aucun litige n’existe entre les parties au moment de la signature. En présence d’un tel litige la Cour de cassation estimait en effet que la /=/9 volonté des parties de mettre fin d'un commun accord à leur relation n'était pas claire et non équivoque (notamment Cass. soc. 31 octobre 2007 n° 06-43.570 (n° 2244 F-D),
Poirier c/ Sté Beillard « Fleur et nature » : Revue de jurisprudence sociale Francis Lefebvre 2/08 n° 151).

La doctrine est partagée
Cette jurisprudence est-elle applicable à la rupture conventionnelle homo­loguée ? Oui, répond une partie de la doctrine (notamment Jean Pélissier, « Modernisation de la rupture du contrat de travail » : Revue de jurisprudence sociale Francis Lefebvre 8-9/08 p. 684). Mais la position inverse pourrait se comprendre. En effet, la rupture conventionnelle homologuée, contrairement à la rupture amiable classique, n’est effective qu’à l’issue d’une procédure assez stricte dont l’objectif est justement de s’assurer d’un libre consentement des parties (voir encadré). Par ailleurs, il est patent que les parties qui souhaitent l’une et l’autre mettre fin au contrat qui les lie ne sont plus parfaitement satisfaites de leur relation de travail.

Les tribunaux sont divisés
Les juges du fond ont rendu des décisions contradictoires sur la question. Certaines cours d’appel valident les ruptures conventionnelles conclues alors que le salarié avait fait l’objet de sanctions disciplinaires peu de temps auparavant (CA Paris 22 février 2012 : Revue de jurisprudence sociale Francis Lefebvre 5/12 n° 478). D’autres, au contraire, estiment qu’une telle rupture conclue alors qu'un conflit oppose l'employeur et le salarié doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse (CA Versailles 15 décembre 2011 : Revue de jurisprudence sociale Francis Lefebvre 3/12 n° 243).
La question est complexe, on le voit et l’on attend avec impatience que la Cour de cassation mette fin aux controverses. En attendant, on ne saurait trop conseiller aux employeurs d’être prudents et de veiller à ce que la volonté du salarié de mettre fin à son contrat de travail soit sans équivoque.

 

Procédure de rupture conventionnelle

• Négociation au cours d'un ou plusieurs entretiens préalables, pendant lesquels le salarié comme l’employeur peuvent se faire assister.
• Signature de la convention
• Délai de rétractation de 15 jours calendaires à compter de la date de signature.
• Envoi de la convention de rupture et du formulaire de demande d’homologation à la Direccte*le lendemain de l’expiration du délai de rétraction.
• Envoi par l’administration d’un accusé de réception de la demande d’homologation spécifiant sa date d’arrivée et la date à laquelle le délai d’instruction expire.
• Vérification par l’administration de la régularité de la convention de rupture : elle dispose pour ce faire d’un délai de 15 jours ouvrables, son silence valant homologation.
• Une fois l’homologation obtenue, rupture effective du contrat de travail.

*Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi

 

 

Par Anne ARMANET - Rédaction sociale, Éditions Francis Lefebvre

Lu 5330 fois Dernière modification le mercredi, 26 août 2015 13:23
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