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Le juge pénal et l'exactitude du travail des vérificateurs fiscaux

Le juge pénal et l'exactitude du travail des vérificateurs fiscaux

Droit et Fiscalité Écrit par  mercredi, 02 novembre 2016 09:10 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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Les acteurs du monde judiciaire, avocats comme magistrats, commettent souvent l’erreur de penser que le principe d’indépendance des procédures fiscale et pénale dispense le juge pénal de toute appréciation sur l’exactitude des montants qui lui sont déférés par l’Administration fiscale.

L’appréciation du quantum de la fraude serait, pense-t-on, la mission exclusive du juge de l’impôt auprès de qui les recours sont formés, pour déterminer l’assiette du montant imposable auxquels le redevable mis en cause est accusé de s’être soustrait.

Pour la Cour de cassation, l’absence de procédure engagée auprès du Tribunal administratif par le redevable vérifié ne permet nullement au juge pénal d’en conclure que ces montants ne sont ni contestés ni contestables. En effet, par deux arrêts rendus cette année, la Haute cour a considéré que les montants dénoncés par les vérificateurs fiscaux comme étant fraudés obligent le juge pénal à en vérifier l’exactitude.

Le premier arrêt déclarait que (Cass. crim., 13 janv. 2016, n° 14-86.720) :

« Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance, et dès lors que les juges sont en droit, à l'issue d'un débat contradictoire, de puiser les éléments de leur conviction dans les constatations de fait relevées par l'administration des impôts, dont ils ont pu apprécier l'exactitude, la cour d'appel, qui a caractérisé le délit en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, a, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, justifié sa décision » ;

Le seconde déclarait que (Cass. crim., 15 juin 2016, n° 15-80.045) :

« Attendu que si le juge répressif est en droit, à l'issue d'un débat contradictoire, de puiser les éléments de sa conviction dans les constatations de fait relevées par les vérificateurs fiscaux, c'est à la condition qu'il en apprécie lui-même l'exactitude »

La décision du juge pénal procède ainsi de la conviction forgée sur la base des informations remises à lui par l’Administration fiscale, lesquelles ne sont toutefois fondées qu’à la condition que lesdites informations aient été vérifiées et jugées conformes à la réalité.

La pénalisation croissante du contentieux fiscal permet d’interpréter ces arrêts comme une invitation faite au justiciable de présenter au juge pénal l’ensemble de ses griefs, y compris ceux relevant de l’action des vérificateurs fiscaux. Celui-ci n’a donc pas craindre que les montants établis par les vérificateurs fiscaux soient, par principe, déclarés exacts au seul motif qu’il n’aurait porté de contestation auprès du juge de l’impôt.

Le juge pénal ne procédera certes pas à la réévaluation de l’assiette de l’impôt et des obligations qui en découlent, mais il appréciera le travail fourni par les agents des impôts, et déterminera ainsi des peines à prononcer contre les redevables prévenus devant lui de fraude fiscale.

Lu 5346 fois Dernière modification le jeudi, 10 novembre 2016 13:21
Sahand SABER

Sahand SABER - Avocat au Barreau de Paris et cofondateur d’HIRO Avocats

Il en dirige la pratique dédiée au droit pénal des affaires, et assiste à ce titre les entreprises et leurs dirigeants sur le contentieux pénal de la responsabilité et les risques pénaux qu’ils encourent dans le cadre de leurs activités.

Ses domaines d’intervention recouvrent en particulier les problématiques liées à la gestion de l’entreprise (abus de biens sociaux, banqueroute, pratiques commerciales trompeuses, blanchiment, etc.), les problématiques fiscales (fraude fiscale, escroquerie à la TVA, établissement stable, etc.) et les problématiques sociales (travail dissimulé, accidents involontaires, délits d’entrave, manquement aux règles de sécurité, etc.).