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Le nouvel eldorado des données industrielles

Le nouvel eldorado des données industrielles

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Dans l’industrie, les défis technologiques sont désormais concentrés autour de la maîtrise et de l’exploitation des données. Machines connectées, usines virtuelles, capteurs en tous genres produisent des masses de données que le Big Data et l’intelligence artificielle permettent d’exploiter de manière toujours plus prédictive. Tour d’horizon autour d’un sujet plus que jamais d’actualité.

L’Europe a peut-être perdu une bataille mais elle n’a pas perdu la guerre. Une nouvelle bataille s’engage en effet autour des données industrielles. Dans la première manche, les entreprises américaines, et en particulier les GAFA, ont fait main basse sur les données des consommateurs. « Mais une nouvelle guerre, celle des données industrielles, débute maintenant et l’Europe sera son champ de bataille », affirme Thierry Breton, le Commissaire européen au Marché intérieur, qui a présenté, le 19 février dernier, la nouvelle stratégie globale européenne sur les données. Une démarché fondée sur la conviction que la maîtrise des données industrielles va transformer en profondeur la façon de produire des entreprises comme le contrôle des données des consommateurs a déjà bouleversé les modes de consommation.

L’explosion des données industrielles

Les entreprises européennes sont face à plusieurs défis technologiques majeurs. Pour ne citer qu’un exemple, le développement exponentiel de l’IoT, l’internet des objets, va se traduire par plus de 500 milliards d’objets connectés à l’horizon 2030 qui produiront énormément d’informations industrielles. D’une manière générale, le nombre de données émises par l’activité humaine est multiplié par deux tous les dix-huit mois !

Les entreprises françaises semblent aujourd’hui sensibilisées

Selon une étude de janvier 2019 du cabinet d'analyses IDC France menée pour le compte de Dataiku, éditeur de la plateforme de Data Science DSS, 90 % des directions métiers interrogées sont conscientes de l'importance de la donnée. Cependant, seulement 48 % d’entre elles ont recours au Big Data et à peine 9 % utilisent des outils prédictifs basés sur l’intelligence artificielle (IA). Pour aller plus loin dans l’analyse, cette même étude indique que les directions commerciales représentent 35 % des utilisateurs du prédictif par l’Intelligence Artificielle, notamment pour l’identification de leads et concrétiser des ventes, devançant les directions marketing (24 %) par exemple pour anticiper l’évolution de la consommation.

Toutefois, aujourd’hui 24 % des directions de production ont aussi recours à des outils prédictifs et la tendance devrait se renforcer dans les années à venir. Dans les usines, les machines produisent toujours plus de données industrielles qu’elles partagent d’autant plus facilement qu’elles sont désormais conçues nativement pour être connectées. D’autre part, même les machines d’anciennes générations peuvent « dialoguer » très facilement par le simple ajout de capteurs connectés. Par exemple, la SNCF développe un capteur IoT chargé de mesurer la variation de température des rails pour prévenir les phénomènes de dilatation qui pourraient entraîner une interruption de service.

Les données répondent à plusieurs objectifs

La production, l’analyse et l’exploitation des données industrielles répondent à plusieurs objectifs. En matière de gestion de production, il est possible de gérer plus finement la disponibilité d’un parc machines, d’optimiser l’outil industriel en fonction d’autres paramètres comme les ressources humaines mobilisables. Par exemple, le fabricant de vêtements pour enfants Petit Bateau, fait appel à des solutions d’intelligence artificielle pour optimiser l’ordonnancement de la production dans ses ateliers. L’objectif est de réduire « le temps de traversée », soit le moment séparant l’entrée de la matière première dans la chaîne de production et la vente au client final. Optimisation, gains de productivité, diminution des stocks ne sont pas les seuls objectifs recherchés. En associant Big Data et IA, il est possible par exemple de retirer très en amont une pièce défectueuse dès le début du processus de fabrication sans attendre le contrôle final. En matière de maintenance, les gains escomptés sont très évidents. Les capteurs peuvent alerter en amont de la possible défaillance d’une pièce de machine sur une ligne de production : le service maintenance peut intervenir de manière préventive en évitant la rupture de la pièce et le blocage de la ligne de production qui s’en serait suivi.

Multiplier les cas d’usage

En fait, le nombre de cas d’usage est infini. L’installation des machines et de lignes de production de manière toujours plus optimisée en se basant sur ses données industrielles est encore un exemple. En croisant ses propres données industrielles avec des open data – des données publiques externes à l’entreprise – il est possible par exemple de diminuer ses consommations énergétiques en calquant les périodes de production sur les prévisions météo les plus favorables.

Des dirigeants éclairés et « augmentés »

Gregory Serrano« Le dirigeant de demain doit être un dirigeant augmenté qui a accès à des technologies modernes comme le Big Data et l’intelligence artificielle pour prendre des décisions éclairées basées notamment sur des analyses prédictives », résume Grégory Serrano, co-fondateur d’Invenis, un éditeur français de logiciels proposant une solution de Business Intelligence pour les PME et ETI. Il y a encore du chemin à faire pour y parvenir bien qu’il existe aujourd’hui des outils à leur portée.

Des technologies adaptées aux PME et ETI

« Les PME et ETI françaises sont en quelque sorte les délaissées de la donnée alors qu’elles peuvent aussi accéder à des technologies simplifiées pour que les équipes métiers puissent s’approprier la donnée et réaliser leurs propres analyses prédictives », poursuit Grégory Serrano. Invenis apporte ainsi une innovation d’usage dans un domaine qui peut paraître complexe au premier abord pour une entreprise, en permettant aux équipes métiers et aux analystes métiers en poste dans l’entreprise d’exploiter les données sans recourir à des data scientists et autres spécialistes rares et coûteux. « Les business analystes et équipes métiers au sein des entreprises vont devenir des citizen data scientist, concept basé autour de l’idée que tout collaborateur ayant l'habitude de traiter de la donnée pourra mettre en place les mêmes traitements qu'un data scientist, grâce à des logiciels masquant la complexité de ce type d’opération », conclut Grégory Serrano.

Effectuer une montée progressive

Si beaucoup d’entreprises françaises sont sensibles à l’importance des données, beaucoup reculent face à la complexité du sujet. Observer une méthode et se fixer des objectifs faciles à atteindre dans un premier temps sont un bon moyen de mettre le pied à l’étrier. « Thomas FeronLa première étape consiste à réaliser un audit des données de l’entreprise pour bien comprendre les informations à sa disposition ; ensuite il convient de se fixer des objectifs clairs et, à partir de là, il sera possible de qualifier la donnée pour s’assurer de sa pertinence, de l’analyser et la traiter pour en tirer tout le potentiel, notamment dans le domaine prédictif », précise Thomas Féron, Senior Solution Consultant chez Tibco Software, un éditeur de logiciels figurant parmi les leaders mondiaux du traitement des données en entreprise. « Dans le domaine industriel, le challenge est de proposer des solutions suffisamment agiles pour s’adapter à toutes les situations et permettre l’homogénéisation de données issues de systèmes parfois très différents », poursuit-il. Chez Tibco Software les solutions proposées répondent précisément aux objectifs de connexion, d’unification et de prédiction.

Autre conseil, l’exploitation de la donnée industrielle peut trouver progressivement sa place au sein de l’entreprise. Au départ, mieux vaut commencer par équiper de capteurs une seule ligne de fabrication en vue, par exemple, de mettre en place une maintenance prédictive. Une fois le système testé et les premiers résultats enregistrés, il sera plus simple ensuite d’étendre l’équipement au reste de l’atelier et de l’usine. « Commencer par des objectifs bien ciblés pour pouvoir monter en compétences et faire des choix technologiques autour des solutions proposées est un bon moyen pour se lancer : sur cette base il sera possible ensuite de passer à l’échelle supérieure en déployant l’ensemble de ces « briques » à tout un parc industriel, quelle que soit sa taille », conclut Thomas Féron.

Ce qui est certain, c’est que la maîtrise des données industrielles sera la clé de la performance économique des entreprises.


Exosquelettes assistance physiqueÉquipement robotisé : Et la place de l'homme ?

Pour l’entreprise, relever les défis technologiques c’est aussi continuer à réduire la pénibilité du travail humain tout en améliorant les objectifs de productivité. Certaines entreprises françaises ont déjà commencé à équiper certains de leurs collaborateurs d’exosquelettes d’assistance physique. Ainsi, au Technicentre SNCF de Romilly-sur-Seine, les opérateurs peuvent manipuler sans gros efforts des pièces métalliques de 10 à 20 kilos tout au long de la journée. Cette alliance entre l’homme et le robot permet de réduire, pour l’opérateur, le poids des pièces soulevées et s’avère efficace dans la lutte contre les TMS (troubles musculo-squelettiques). En quelque sorte, « l’opérateur augmenté » fait équipe avec un équipement robotisé pour être plus efficace tout en réduisant les risques : c’est ça aussi l’usine 4.0 qui se profile déjà aujourd’hui.

Lu 8007 fois Dernière modification le mercredi, 15 avril 2020 09:09
Laurent Locurcio

Journaliste économique, il a notamment collaboré avec la presse spécialisée dont La Tribune, Le Point, Le Monde, LSA, Sport Eco, et bien entendu GPO Magazine. Il a également participé au lancement de titres de presse et a été rédacteur en chef  d’un important magazine d’entreprise. Auteur également de livres d’entreprises, il intervient aussi auprès d’étudiants en formation multi-médias.