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Les contrats internationaux de licence de marque : des précautions pour bien passer les frontières

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Dans un contexte de mondialisation, l’exploitation des droits de propriété intellectuelle, et particulièrement des marques, est devenue une nécessité économique.

La marque obéit au principe de territorialité selon lequel l’enregistrement d’une marque ne confère de protection à son titulaire que sur le territoire pour lequel celui-ci a été demandé et accordé par l’autorité publique – le territoire français pour une marque française, le territoire italien pour une marque italienne, le territoire communautaire pour une marque communautaire1.
La commercialisation de produits ou services à l’export implique une exploitation transfrontalière de droits de propriété intellectuelle, et par conséquent la nécessité de s’interroger sur la stratégie de dépôts et sur la conclusion de contrats de licence avec les différents distributeurs.
La marque doit être protégée dans tous les pays où elle est commercialisée.


Chaque distributeur doit par ailleurs bénéficier d’un contrat de licence l’autorisant à exploiter et développer la marque sur le territoire concerné.
Quelles sont les règles de droit qui s’appliquent à un contrat international de licence de marque ? Les textes internationaux récents ne comportent aucune disposition spécifique aux contrats de propriété intellectuelle et nous devons nous contenter de la superposition de règles bénéficiant chacune d’une portée différente.

1. La détermination de la loi qui gouverne les contrats internationaux est précisée par le règlement Rome 1 du 17 juin 20082.
L’article 3 du règlement prévoit que le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix le plus pertinent consistera alors à choisir la loi de l’un des pays ayant une relation avec le contrat, comme par exemple le lieu du dépôt ou le pays pour lequel la licence est accordée3.
L’article 4 du règlement prévoit, qu’à défaut de choix explicite des parties, il faut appliquer au contrat la loi qui présente avec lui les liens les plus étroits. Il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique dispose, au moment de la conclusion du contrat, de sa résidence habituelle. La jurisprudence n’ayant pas défini la notion de prestation caractéristique, nous considérons qu’il s’agit du pays où la marque sera exploitée.
Des dispositions spéciales existent en matière de marque communautaire (règlement n°40/94 du 20 décembre 1993) : la marque est considérée comme une marque nationale de l’état où le titulaire a son siège ou son domicile ou, à défaut, son établissement à la date à laquelle se pose le problème. Si aucun de ces éléments n’est situé dans la Communauté, la loi espagnole est applicable4.

2. Les règles concernant le tribunal compétent en cas de conflit ne sont pas plus uniformisées par le droit international. De multiples règles de compétences cohabitent.
Le règlement de Bruxelles 1 du 22 décembre 2000 sur la compétence judiciaire précise que, lorsque le litige porte sur un contrat d’exploitation d’un droit de propriété intellectuelle, le demandeur peut s’adresser soit aux juridictions de l’État membre du domicile du défendeur5, soit au tribunal « du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée6 ».
S’agissant du droit français, la jurisprudence a posé la règle selon laquelle « la compétence territoriale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne »7. S’agissant d’un contentieux en matière contractuelle, l’article 42, alinéa 1 du Code de procédure civile pose le principe classique de la compétence du tribunal du domicile du défendeur.
Là encore, l’autonomie des volontés des parties trouve sa place puisque le règlement prévoit également que les parties peuvent prévoir une clause attributive de compétences8.
Au vu de ce qui précède nous remarquons que les règles classiques de droit international privé laissent flotter une grande incertitude quant à la loi applicable et quant aux juridictions compétentes dans le cadre de contrats internationaux portant sur des marques.
Il est fortement conseillé aux parties de choisir la loi applicable à leur contrat et de définir une clause attributive de compétence en cas de litige. Les parties ont tout intérêt à définir le plus d’éléments possibles, dans leur contrat, sous réserve des dispositions d’ordre public.

1. Règlement n°40/94 du 20 décembre 1993
2. Règl. Parl. Et Cons. CE n°593/2008, 17 juin 2008, JOUE 4 juill, n°L 177, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (« Rome 1 »).
3. Droit de la propriété industrielle, Joanna Schmidt-Szalewski/Jean-Luc Pierre, p 402
4. Art 16 du règlement CE n°40/94 ;  
5. Art 2 du règlement CE n°44/2001 ;
6. Art 5-1 a) du règlement CE n°44/2001 ;
7. Cass, civ 30 oct 1962 : Rev crit DIP 1963, p 387 note Ph. Franceskakis ; D.1963, p 109, note G. Holleaux
8. Art 23 du règlement CE n°44/2001 ; Cass, civ 30 oct 1962 : Rev crit DIP 1963, p 387 note Ph. Franceskakis ; D.1963, p 109, note G. Holleaux

 

Par Corinne Champagner Katz
Spécialiste en propriété intellectuelle, Avocat au Barreau de Paris, CCK Avocats et Associés

 

Lu 24166 fois Dernière modification le mercredi, 26 août 2015 12:59
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