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L’exclusion d’un associé : cadre légal et jurisprudentiel

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Les deux arrêts de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, en date du 9 juillet 20131 rendus dans la même affaire, nous offrent l’occasion de revenir sur la problématique de l’exclusion d’un associé. Le sujet ne peut se résumer en la simple évaporation de l’affectio societatis, pour justifier de l’exclusion d’un associé et cela fort de la décision de la Cour de cassation, proclamant le principe d’interdiction de l’exclusion d’un associé, en dehors des cas prévus par la loi et les statuts2.


Note de la rédaction : Voilà un sujet qui ne manque pas d’intérêt. Situations toujours délicates à gérer et à traiter, les litiges entre associés sont des conflits qui durent généralement longtemps. Une tribune à lire attentivement  

L’exclusion d’un associé organisé par la loi
Le droit commun des sociétés vise à exclure des associés pouvant, d’une manière ou d’une autre, nuire à la pérennité de la société. Ainsi, l’article L. 235-6 du Code de commerce, afin d’éviter la nullité de la société, envisage, sur la base du vice du consentement ou l’incapacité d’un associé, que puissent être rachetés les titres de l’associé mis en cause, sans que celui-ci ait la capacité de s’opposer à son exclusion. De même l’article L. 631-19 du Code de commerce permet au tribunal d’exclure un certain nombre de dirigeants, si la juridiction a le sentiment que ceux-ci peuvent empêcher le redressement de la société. La détermination du prix de cession de leurs titres se fera, dans ce cas, à dire d’expert.

Il est important de noter que l’article L. 231-6 du Code de commerce attribue à l’Assemblée générale la compétence d’exclure un associé d’une société de capitaux. Le droit spécial des sociétés, quant à lui, prend un intérêt tout particulier, s’agissant de SAS, à la lecture des articles L. 227-16 et suivants du Code de commerce, consacrant une liberté contractuelle en matière d’exclusion d’associé.

En effet, l’article L. 227-16 dispose que les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions. En ce qui concerne l’article L. 227-17 du Code de commerce, il nous indique que les statuts peuvent prévoir la suspension des droits non pécuniaires et l’exclusion d’une société associée au capital d’une SAS, dont le contrôle est modifié au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce.

L’article L. 227-18, quant à lui, renvoie aux dispositions de l’article 1843-4 du Code civil (désignation d’expert), si les statuts de la SAS, ne précisent pas les modalités du prix de cession des actions, notamment en considération des hypothèses visées aux articles L. 227-16 et L.227-17 précités.

Enfin, et ce n’est pas la moindre des choses sur le plan pratique, l’article L. 227-19 du Code de commerce précise que les clauses statutaires envisageant l’exclusion d’associé ne peuvent être adoptées ou modifiées qu’à l’unanimité des associés.


L’exclusion d’un associé encadré par la jurisprudence
La jurisprudence de la Chambre commerciale de la Cour de cassation a conditionné l’exercice du droit d’exclusion d’un associé en réaffirmant un certain nombre de règles.

Ainsi, un arrêt de principe de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, en date du 8 mars 20053 a encadré les conditions de validité de la clause d’exclusion insérée aux statuts, d’une part, en subordonnant sa conformité à l’intérêt social et d’autre part, au fait qu’elle doit donner lieu à un dédommagement.

L’arrêt du 23 octobre 2007, toujours de la Chambre commerciale de la Cour de cassation4 a réaffirmé le principe que la décision d’exclusion devait avoir un caractère collégial, sachant que l’associé dont l’exclusion est envisagée a droit de participer à cette décision et de voter sur la proposition d’exclusion.

Dans un arrêt du 20 mars 20125, la Chambre commerciale a considéré qu’un organe de direction, en l’espèce le gérant, pouvait procéder à l’exclusion d’un associé, si cette exclusion était faite sur un critère objectif, comme par exemple la perte de la qualité de salarié d’une société du groupe. Cela étant, il importe à la Haute Juridiction que des garanties d’ordre personnel soient données à l’associé exclu. C’est le sens des deux arrêts du 9 juillet 20136 où la Chambre commerciale juge que la clause statutaire d’exclusion, privant de droit de vote l’associé concerné, bien que subordonnant une telle exclusion à une décision collective des associés, doit être considérée comme non écrite, conduisant à annuler la décision d’exclusion et à réintégrer l’associé dans ses droits. La Cour de cassation réaffirme, au travers de ces deux arrêts, le respect du contradictoire dans la procédure d’exclusion d’un associé.

Michel KUKULA-DESCELERS
Avocat - Directeur département droit des sociétés – fusions acquisitions - fiscal
Cornet Vincent Ségurel

1. n° 11-27.235 et 12-21.238
2. Cass. Com., 12 mars 1996, n° 93-17.813, Sté Nollet c/ Sablon
3. n° 02-17.692
4. n° 06-16.537
5. n° 11-10.855
6. n°11-27.235 et 12-21.238

Note de la Rédaction : Le présent article constitue une information. Il ne saurait en aucun cas s’assimiler ou se substituer à une consultation juridique.

 

Lu 214553 fois Dernière modification le jeudi, 03 décembre 2015 15:12
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