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Télétravail : quelles obligations pour l’employeur ?

Télétravail : quelles obligations pour l’employeur ?

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Indépendamment du contexte sanitaire actuel, le télétravail est depuis plusieurs années un thème récurrent de l’actualité sociale. Néanmoins, sa mise en lumière précipitée au cours de l’année 2020 a soulevé de nombreuses questions pratiques.

L’urgence de la situation sanitaire et son impact économique ont pu complexifier la mise en place du télétravail. Aussi, face à l’hésitation, voir la réticence de certains employeurs, le Ministère du travail a dû imposer la règle du télétravail à 100 % pour tous les postes « télétravaillables » pendant les différents confinements.

Par ailleurs, indépendamment de ce contexte de crise sanitaire, des négociations interprofessionnelles nationales ont donné lieu à la conclusion de « l’Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail » (ci-après l’« ANI ») visant à redéfinir le cadre juridique du télétravail. Bien qu’à ce jour l’ANI n’est pas applicable à l’ensemble des entreprises (à défaut d’arrêté d’extension,), il donne des indications précieuses sur la mise en place du télétravail et sa pérennisation. 

En effet, sans être contraignant, mais dans un souci affiché de pédagogie, l’ANI rappelle les bonnes pratiques pour une mise en place réussie du télétravail et les complète en intégrant l’évolution de la loi et de la jurisprudence depuis 2005.

Rappel et redéfinition des règles de mise en place du télétravail

La mise en place du télétravail s’appréhende au regard de la taille et des activités de l’entreprise.

En théorie, le télétravail est ouvert à tous les salariés, bien qu’en pratique, de nombreuses activités ne soient pas compatibles. L’enjeu réside dans la définition des tâches « télétravaillables ».

Le télétravail est mis en place par accord collectif ou, à défaut, par une charte élaborée par l'employeur après avis du Comité Social et Économique, s'il existe. Cependant, en l'absence de ces supports, employeurs et salariés peuvent recourir au télétravail en formalisant leur accord par tout moyen, notamment la conclusion d’un avenant au contrat de travail. Comme le rappelle le nouvel Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020, consacré au télétravail, les conditions pratiques du travail à distance doivent être définies de façon claire en respectant les principes du double volontariat, d’égalité de traitement des salariés concernés, et de réversibilité (à savoir, la possibilité d’un retour au travail dans les locaux de l’entreprise).

En principe, l’employeur ne peut imposer le télétravail. Cependant, en cas de circonstances exceptionnelles ou situation de force majeure telles que 2020 et 2021 en ont le secret, le recours au télétravail relève du pouvoir de direction unilatéral de l’employeur, et peut donc s’imposer au salarié sans son accord.

Pendant l'épidémie de COVID-19, le gouvernement a fortement encouragé puis imposé le recours au télétravail à 100 % pour les postes compatibles tout en établissant un « protocole national sanitaire ».

Le Conseil d’État a considéré le 19 octobre 2020 que le protocole sanitaire publié par le gouvernement ne constitue qu’un « ensemble de recommandations » pour la mise en œuvre de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie de COVID-19. Ce document n’a donc pas de valeur juridique et n’est assorti d’aucune sanction.

Quels sont les risques encourus par les entreprises qui ne recourent pas au télétravail ?

Malgré l’absence de sanction en cas de non-respect du protocole sanitaire, l’employeur qui ne mettrait pas en œuvre le télétravail pour des postes qui le permettent s’expose à plusieurs risques.

En cas de contrôle de l’inspection du travail ou de contentieux, sa responsabilité pourrait être engagée, sur le fondement d’un manquement à son obligation de sécurité de protéger la santé et d’assurer la sécurité des salariés, au regard des mesures de prévention mises en place dans l’entreprise, et de l’éventuelle absence de télétravail. Cette situation expose l’employeur au paiement d’une amende et de dommages et intérêts au salarié.

Ce risque pourrait être accru en cas de cluster constaté au sein de l’entreprise si un salarié démontrait avoir été contaminé par la COVID-19 sur son lieu de travail alors que l’employeur a refusé de mettre en place le télétravail.

Par ailleurs, le refus de la mise en place du travail à distance pour les postes compatibles pourrait inciter les salariés concernés à faire usage de leur droit de retrait.

Qu’en est-il des salariés déjà vaccinés : l'employeur peut-il aussi leur imposer le télétravail ?

Cette question est particulièrement délicate dans la mesure où à ce jour, aucun texte de loi ne prévoit cette situation. Le principe demeure que le télétravail ne peut être imposé au salarié, sauf en cas de circonstances exceptionnelles.

Néanmoins, au regard des informations scientifiques disponibles, les personnes vaccinées peuvent rester vectrices de propagation du virus, même après plusieurs semaines après les injections.

Dès lors, la prudence est recommandée et il semble cohérent de continuer à privilégier, dans la mesure du possible, le recours au télétravail pendant les semaines à venir, y compris pour les personnes vaccinées. De la même manière, il n’est pas recommandé d’imposer aux salariés vaccinés de revenir exercer leurs fonctions sur site.

Par Christine Artus, avocate associée et Anne Ragu, avocate - Département Droit Social, K&L Gates

Lu 8990 fois Dernière modification le vendredi, 02 avril 2021 08:25
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