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Les dix ans de l’ordonnance du 17 juillet 2004 relative aux contrats de partenariats

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Note de la Rédaction : Tout responsable d’entreprise ayant signé un PPP (Partenariat Public-Privé) sait que ce type de contrat n’est pas simple à mener. Crée sous le gouvernement Raffarin en 2004, le contrat de partenariat permet de construire des équipements plus ou moins importants dont l’état souhaite alléger les coûts. Cette tribune fait un point précis de la situation et des différentes évolutions jurisprudentielles. Petites ou grandes entreprises, elles sont toutes concernées.

Dix ans après la promulgation de cette ordonnance (n° 2004-559), le contrat de partenariat demeure au cœur de l’actualité des contrats publics. Plusieurs décisions, rapports et prises de position ont marqué cet anniversaire. Ils conduisent en effet à s’interroger sur la pérennité des contrats de partenariat dans leur forme actuelle.


L’arrêt du Conseil d’État Commune de Biarritz
Le fait le plus marquant est l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 30 juillet 20141.


Dans le cadre de cette décision, la Haute Juridiction administrative est venue rappeler que - le contrat de partenariat étant une formule dérogatoire au droit commun de la commande publique tel que défini par la jurisprudence constitutionnelle2 - les critères d’éligibilité énoncés3 devaient faire l’objet d’une interprétation stricte.

Il en va notamment du critère de la complexité, lequel suppose une démonstration particulièrement précise par la personne publique, justifiant qu’elle n’est pas en mesure de définir, seule et à l’avance, les moyens juridiques, techniques et financiers permettant de répondre à ses besoins. 



Une interprétation stricte des conditions de recours au contrat de partenariat, confirmée par le juge du fond : l’invalidation du contrat de partenariat pour la gestion des centres d’entretien et d’intervention du Ministère de l’Écologie


Cette position stricte de la jurisprudence a également pu être récemment illustrée par un jugement du Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise en date du 6 novembre 20144 enjoignant au Ministre de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie de résilier un contrat de partenariat conclu pour le financement, la conception et la construction et la maintenance de la gestion de 63 centres d’entretien et d’intervention. Dans le cadre de ce jugement, le Tribunal a balayé l’ensemble des arguments avancés par le Ministre pour justifier le recours à cette procédure dérogatoire et ce, malgré l’avis favorable donné par la Mission d’appui aux partenariats public-privé (MAPPP).

Ces décisions illustrent la volonté de la jurisprudence administrative de circonscrire le recours à ce type de contrat aux projets d’infrastructures ou aux bâtiments présentant une complexité intrinsèque indiscutable, comme le confirme l’arrêt de la Cour Administrative de Paris du 3 avril 20145.



Des contrats examinés par les juridictions financières


Enfin, l’année 2014 aura également permis de prendre connaissance d’un intéressant rapport d’observations définitives de la Chambre générale des compte d’Île-de-France en date du 28 mai 2014 (Hauts-de-Seine), portant sur un collège réalisé en 2005 en contrat de partenariat et dont l’unique motif d’éligibilité avait été fondé sur la notion d’urgence. Ce rapport, assimilable à réquisitoire contre les contrats de partenariats, rappelle utilement qu’une simple référence évasive à l’urgence ne saurait permettre la conclusion d’un tel contrat.
Autre intérêt de ce rapport : il rappelle la nécessité pour les personnes publiques de suivre l’exécution des contrats de partenariat avec attention : l’externalisation du financement et de la maîtrise d’ouvrage d’une opération ne doit pas conduire la personne publique à se décharger de tout contrôle sur son partenaire.

 

L’avenir des contrats de partenariats


En conclusion, les différentes décisions rendues pour les dix ans de l’ordonnance du 17 juin 2004  ne font que confirmer l’impérieuse nécessité pour les personnes publiques de justifier du recours au contrat de partenariat sur la base de l’ensemble des critères d’éligibilité6, à savoir : l’urgence, la complexité et l’efficience, et ce, sur la base d’un rapport d’évaluation préalable dont la rédaction doit recueillir toute l’attention de la personne publique.

L’avenir de cette formule contractuelle dépendra également de l’issue des débats parlementaires (projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises), qui doit notamment habiliter le gouvernement à transposer les directives sur les marchés publics, et dans le cadre duquel le gouvernement a annoncé vouloir renforcer les évaluations préalables, circonscrire les conditions de recours au contrat de partenariat et instaurer un seuil financier pour limiter le recours à ce contrat.



Clément GOURDAIN
Avocat, département droit public, Cabinet Cornet Vincent Ségurel

1. Commune de Biarritz, req.  n° 363007
2. Décision 2003-476 DC du 26 juin 2003
3. Article L. 1414-2 II - Code général des collectivités territoriales
4. Conseil National de l’Ordre des architectes, req. n° 1205030
5. Rejet du recours formé contre le contrat de partenariat relatif au nouveau Palais de justice de Paris (Association La Justice dans la Cité,

n° 13PA027969)
6. Article L. 1414-2 du Code général des collectivités territoriales

 

Nota : Le présent article constitue une information. Il ne saurait en aucun cas s’assimiler ou se substituer à une consultation juridique en bonne et due forme.

 

Lu 4267 fois Dernière modification le mercredi, 26 août 2015 14:42
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