Imprimer cette page
Actions gratuites : vers un retour en arrière ?

Actions gratuites : vers un retour en arrière ?

Droit et Fiscalité Écrit par  mercredi, 30 novembre 2016 09:12 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
Évaluer cet élément
(1 Vote)

Le 25 octobre 2016, lors du vote en 1ère lecture de la partie recettes du projet de Loi de finances pour 2017, les députés ont adopté une disposition qui remet en cause l'allègement des prélèvements fiscaux et sociaux sur les gains provenant d'actions gratuites attribuées en vigueur depuis l’entrée en vigueur de la loi Macron du 8 août 2015, et cela contre l'avis du Gouvernement.

1. Les mesures adoptées le 20 octobre

Cet amendement d’origine parlementaire a été déposé par la députée socialiste Valérie Rabault, rapporteur du Budget. Il inverse les mesures de la loi portée en 2015 par l'ex-ministre de l'Economie :
- fiscalement, il soumet le gain d'acquisition provenant d'actions gratuites au barème progressif de l'impôt sur le revenu, et non plus à celui des plus-values mobilières permettant un abattement de 50 à 85 % sur le montant du gain d’acquisition,
- socialement, il relève la contribution patronale de 20 à 30 %.

Une exception à ces deux dispositions perdure en faveur des PME n'ayant jamais distribué de dividendes, afin de favoriser les startups.

Lors des débats, le Gouvernement, opposé à un tel changement quelques mois seulement après l'entrée en vigueur des allègements issus de la loi Macron, proposait seulement d'encadrer le dispositif pour éviter les excès et dissuader les entreprises de trop recourir aux attributions d'actions gratuites pour leurs dirigeants. Plus précisément, l’amendement du Gouvernement proposait de moduler le taux de la contribution selon l'effectif salarié de l'entreprise attributaire des actions gratuites :
- 30 % sur les actions attribuées aux seuls mandataires sociaux dans les entreprises d'au moins 250 salariés ou sur l'ensemble des actions attribuées dans ces entreprises si le montant des actions attribuées aux mandataires sociaux excède 10 % de la valeur totale des actions attribuées,
- 20 % dans tous les autres cas.

Mais cet amendement déposé par le secrétaire d'Etat au Budget C. Eckert et le ministre de l'Economie, M. Sapin a été rejeté par les députés.

Le Gouvernement a également indiqué qu'il proposera dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de revenir sur la date d'exigibilité de la contribution en vue de la fixer, comme antérieurement à la loi Macron, à la date de l'attribution des actions gratuites, et non plus seulement à la date d’acquisition définitive des actions.

2. La genèse de ce durcissement

Pour mémoire, au printemps 2016, il avait été proposé par des parlementaires (Huguette Belon (PCR), amendement n° 160 et Karine Berger (PS) amendement n° 1 398) lors de la discussion de la loi Sapin 2, un relèvement de 20 à 50 % de la cotisation patronale sur le gain d'acquisition (laquelle était égale à 30 % avant la loi Macron, depuis 2012). Cet amendement avait alors été repoussé.

De même, peu de temps avant, une proposition de loi du 26 mai 2016, ayant pour origine parlementaire le groupe PCF, proposait de revenir à l’ancien régime des actions gratuites, à savoir, schématiquement :
- fiscalement, une imposition de la plus-value d’acquisition au barème progressif de l’IRPP (contre un abattement de 50% à 85% depuis la loi Macron)
- socialement, une cotisation patronale majorée à 50% (contre 20% désormais) et une cotisation salariale de 10% (alors qu’il y a exonération de cotisation salariale depuis la loi Macron).

En effet, plusieurs députés considéraient que la baisse des prélèvements obligatoires (sociaux et fiscaux) introduite par la loi Macron induisait un coût budgétaire trop élevé.

« La création d’une « niche » fiscale relative à la distribution d’actions gratuites attribuées aux cadres et aux dirigeants d’entreprises va à l’encontre des engagements budgétaires du projet de loi de finances pour l’année 20161 ».

La députée Karine Berger indiquait dans l’exposé des motifs de son amendement2 s’agissant des actions gratuites :

« Son usage peut constituer un élément de dérégulation des rémunérations des dirigeants des sociétés cotées, et le gain pour l’attractivité de la France reste toujours à établir ».

Le Gouvernement ayant la maîtrise de l’ordre du jour s’agissant d’une proposition de loi, avait pu alors bloquer cette proposition de loi après son adoption en 1ère lecture, le 26 mai 2016.

Pour repousser ces amendements d’origine parlementaire, le Gouvernement avait alors promis à ces parlementaires de chiffrer le coût budgétaire de cette « niche fiscale » d’ici à la discussion du Budget 2017, et de rediscuter ce sujet lors du vote de ce Budget 2017.

Avec le vote intervenu le 25 octobre dernier en 1ère lecture, ces mêmes députés ont réussi à faire passer cette « contre-réforme », et contraint le Gouvernement à rouvrir le débat (comme il s’y était engagé en juin 2016).

L’approche des élections et la probable nécessité pour la majorité d’élargir son socle électoral pourrait conduire le Gouvernement à laisser adopter définitivement tout ou partie d’une telle « contre-réforme », au moins, selon nous, pour les AGA atteignant un certain montant.

Les défenseurs des actions gratuites, fussent-ils des entrepreneurs loin de l’image de « grands patrons » du CAC 40, risquent cette fois d'être de peu de poids politique pour s’y opposer dans un contexte de campagne électorale.

3. Entrée en vigueur

L’entrée en vigueur des réformes contenues dans le budget se situe, souvent, au jour de l’adoption du Projet de loi en conseil des ministres, soit le mercredi 28 septembre 2016 cette année. L’objectif est d’éviter tout effet d’aubaine entre la présentation du Projet de loi et son vote définitif (généralement) en décembre.

Pour essayer de tirer le meilleur parti de la situation, il pourrait être opportun de tenir au plus tôt une assemblée générale proposant un nouveau plan d’AGA et la tenue d’un conseil d’administration (ou de son équivalent) pour pouvoir espérer continuer à bénéficier de l’ancienne législation (celle de la loi Macron) en anticipant l’hypothèse d’une entrée en vigueur d’un durcissement du régime à la date du vote de la loi, c’est-à-dire courant décembre.

Il pourrait également être utile de chiffrer le coût d’une telle réforme au regard du nombre d’actions gratuites déjà en émises potentiellement susceptibles d'être touchées par cette rétroactivité.

Si ces dispositions étaient confirmées lors du vote définitif du budget en décembre, l’attractivité des actions gratuites, qui constitue une incentive de motivation et de fidélisation forte des salariés pour attirer des talents, serait une nouvelle fois affaiblie.

Par Guillaume Massé et Fatima Khachani

1 Amendement n° 160
2 Amendement n° 1 398


Guillaume Massé est avocat associé au sein du cabinet Marvell. Spécialisé en droit fiscal, il intervient en matière de restructuration d’entreprises et de structuration d’investissements financiers. Il met en place des management package, et optimise les prélèvements obligatoires des dirigeants en mobilité internationale. Il a par ailleurs développé une expertise contentieuse en matière de crédit d’impôt recherche et de taxes parafiscales.

Fatima Khachani est avocate collaboratrice au sein du cabinet Marvell. Spécialisée en corporate, elle intervient essentiellement sur des opérations de Fusions-Acquisitions et de Private Equity.



Lu 4672 fois Dernière modification le mercredi, 30 novembre 2016 09:34
La rédaction

Le service Rédaction a pour mission de sélectionner et de publier chaque jour des contenus pertinents pour nos lecteurs internautes à partir d’une veille approfondie des communiqués de presse pour alimenter les rubriques actualité économiques, actualités d’entreprises, études ou encore actualités sectorielles. Pour échanger avec notre service Rédaction web et nous faire part de vos actualités, contactez-nous sur redaction@gpomag.fr