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Peut-on encore produire en France ?

Peut-on encore produire en France ?

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En matière de produits, le consommateur français est-il en passe de préférer les locaux au low cost ? La question mérite d'être posée d'autant que les sondages comme les cas d'école d'entreprise ayant basé leur réussite sur le made in France se multiplient depuis quelques temps. Les premières Assises du Produire en France qui se sont tenues les 10 et 11 septembre dernier à Reims en ont apporté la démonstration, notamment avec les témoignages d'entrepreneurs.

« Sept Français sur dix se disent prêts payer plus cher pour un produit dont la fabrication française est garantie », a souligné Philippe Peyrard, Directeur général délégué d'Atol. L'opticien français a commencé par relocaliser une partie de ses montures de lunettes dans des usines du Jura depuis 2006, et fait partie des 450 entreprises français ayant obtenu le label Origine France Garantie. Bien sûr, les lunettes ne sont pas toutes fabriquées en France, mais le représentant d'Atol Les Opticiens soulignait que « lorsque parmi les trois modèles sélectionnés par le client il y en a un avec le label origine France garantie, on voit de suite que le client va porter son choix sur celui-ci ».

C'est un fait, le made in France fait vendre, non seulement à l'étranger, mais aussi sur le marché national. « Pour nous, l'obtention de ce label a été un formidable levier de croissance », indiquait Gilles Attaf, qui est à la tête de Smuggler, l'un des derniers fabricants de costumes en France. « Au-delà de l'impact sur les ventes, le label a eu un effet très positif en interne auprès des ouvrières de nos ateliers à Limoges », poursuivait-t-il. L'exemple de Smuggler inspire désormais d'autres grandes marques, comme Daniel Hechter, qui demandent à Gilles Attaf le mode d'emploi pour faire fabriquer des costumes en France...pour une clientèle chinoise.

Argument efficace

C'est une évidence, l'origine France est bel et bien un argument de vente efficace. « Nous avons clairement obtenu de belles progressions avec des produits estampillés origine France garantie, que ce soit sous nos marques ou celles de distributeurs », confirme John Persenda, Pdg du groupe Sphère. Le leader européen des emballages ménagers, ce groupe familial a choisi de fermer ses usines à l'étranger pour continuer de fabriquer prioritairement en France.

Un modèle économique à réinventer

Au-delà de ces industriels qui ont choisi de miser sur la qualité et la fabrication française, des distributeurs ont eux aussi choisi de s'appuyer sur un savoir-faire français. Thomas Huriez a pour sa part lancé sa propre marque de jeans et de basket, baptisée « 1083 » en référence à la distance maximale entre deux villes françaises. Histoire de rappeler que l'horizon de son entreprise c'est bien la France dans toutes ses dimensions. « J'ai décortiqué le modèle économique des fabricants de chaussures de Romans tel qu'il fonctionnait il y a 50 ans pour le dupliquer », précise-t-il. Le résultat est un coefficient trois du prix de revient, et un circuit court sans intermédiaire pour vendre au consommateur : le jean fabriqué en France revient à 30 euros, soit trois plus qu'à l'étranger, mais est vendu dans la même gamme de prix au consommateur, soit 90 euros. « Justement, le label Origine France garantie nous permet de parler directement au consommateur, sans passer par des intermédiaires et c'est en ce sens un formidable haut-parleur », analyse Laurent Colas, Pdg de Eno, entreprise niortaise spécialisée dans les appareils de cuisson pour le nautisme. Le label va lui permettre de se diversifier pour s'adresser au grand public en vendant des « planchas » fabriquées en France.

Les grands groupes aussi

Même des grands groupes s'y sont mis, à l'image de Nestlé qui met notamment en avant sa marque Ricoré à travers le label origine France Garantie. Mais au-delà de l'engagement des entreprises, des élus politiques se sont aussi engagés dans la bataille. Des élus ou plutôt un tandem inhabituel composé d'un ancien ministre socialiste du Redressement Productif, Arnaud Montebourg, et d'un ancien secrétaire d'État à l'Outre-mer de droite, l'UDI Yves Jégo. Au-delà des clivages politiques, ces deux hommes politiques ont co-fondé Vive la France pour continuer de porter le message du fabriquer français.

Lu 7031 fois Dernière modification le jeudi, 24 septembre 2015 14:04
Laurent Locurcio

Journaliste économique, il a notamment collaboré avec la presse spécialisée dont La Tribune, Le Point, Le Monde, LSA, Sport Eco, et bien entendu GPO Magazine. Il a également participé au lancement de titres de presse et a été rédacteur en chef  d’un important magazine d’entreprise. Auteur également de livres d’entreprises, il intervient aussi auprès d’étudiants en formation multi-médias.