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Yan Hascoet, Chauffeur-Privé, Une success story des VTC made in France

« La valeur n’attend pas le nombre des années » : Yan Hascoet, 31 ans, co-fondateur de Chauffeur-Privé, entrepreneur de l’année en 2013 (Prix BFM Académie) en est la preuve éclatante. Partis d’une feuille blanche, Yan et ses associés, Omar Benmoussa et Othmane Bouhlal, se sont entourés d’une équipe et ont développé l’application pendant 6 à 9 mois, pour lancer enfin le service en mars 2012. Cette société de Voitures de Tourisme avec Chauffeur fut le premier acteur indépendant français à proposer des prix forfaitaires.
La compagnie s’est révélée comme une référence du transport à Paris et connaît une croissance fulgurante. En à peine deux ans, Chauffeur-Prive.com est devenu un acteur français qui compte sur le marché des sociétés de VTC. Prochains objectifs ?  Le lancement du service dans d’autres grandes villes d’Europe… et pourquoi pas au-delà.

GPO Magazine : Quel est votre parcours et comment vous est venu l’idée de créer Chauffeur-Privé ?
Yan Hascoet : J’ai étudié à l’Université McGill de Montréal où j’ai obtenu un diplôme de génie mécanique. Ensuite, j’ai débuté ma carrière en tant que consultant en stratégie dans le cabinet américain McKinsey & Company où j’ai passé deux années à conseiller des sociétés sur des problématiques financières et stratégiques. J’ai beaucoup voyagé, notamment aux États-Unis et en Amérique du Sud et lorsque je suis rentré en France en 2010, je me suis rendu compte que le développement des transports automobiles était assez archaïque et que, contrairement à un autre domaine comme l’aviation, il n’y avait pas de programme fidélité. Enfin, je n’avais jamais habité Paris et j’ai constaté un vrai manque d’offres de transports de personnes (taxis et VTC) contrairement aux autres capitales et ce, malgré une clientèle potentielle importante. Ce triple constat m’a amené à la conclusion assez limpide qu’il y avait une opportunité assez flagrante de développer un business de service de transports de personnes.

GPO Magazine : Quelle est la particularité de Chauffeur-Privé ?
Y. H. : La principale particularité est de vraiment mettre l’accent sur le service, lequel est souvent insuffisamment structuré, peu réfléchi, très dépendant de l’humain qui le vend de façon un peu aléatoire. Nous avons ainsi cherché à innover dans le service et nous le faisons de différentes façons. Nous avons été les premiers notamment à proposer des prix forfaitaires dans Paris, ce qui existait déjà mais avec des prix prohibitifs. Nous avons également mis en place quelque chose d’assez innovant : le service client proactif. Nous avons instauré une foultitude d’algorithmes, lesquels vont identifier les courses et un comportement anormal afin de dédommager le client avant même qu’il ne se plaigne. Un exemple : lorsque le chauffeur se déclare arrivé au point de prise en charge et en réalité ne l’est pas, nous remboursons au client le double de l’attente facturée indûment avant même qu’il ne s’en rende compte. Cela crée une relation de confiance avec le client qui est extrêmement puissante. Nous sommes dans une logique d’arbitrage équitable et transparent et nous voulons à tout prix nous assurer que le service promis au client est bien celui qui a été rendu. Cette caractéristique de service se traduit aussi par une approche différente avec les chauffeurs car ce sont des êtres humains et nous ne pouvons pas tout interfacer avec des algorithmes. De ce fait, nous avons une vraie relation physique et humaine avec eux, comme d’ailleurs avec tous les membres de notre équipe, que nous essayons de maintenir malgré notre croissance exponentielle.

GPO Magazine : Quels sont les facteurs clés de la réussite d’un entrepreneur et en particulier de la vôtre ?
Y. H. : J’ai beaucoup réfléchi à cette problématique et à mon sens, il n’y en a qu’une seule : la persévérance. L’entrepreneur qui a le plus de chance de réussir est celui qui peut braver des obstacles, voire être en situation d’échec sans perdre de vue qu’au bout du tunnel, il peut y avoir des chances de succès. La vie de l’entrepreneur est loin d’être un long fleuve tranquille et il faut qu’il continue à avancer coûte que coûte quelle que soit l’issue. En bref, cela veut dire : ne jamais lâcher !

GPO Magazine : Comment avez-vous mis en place les différentes stratégies, en particulier le canal digital au sein de Chauffeur-Privé ?
Y. H. : Le bouche-à-oreille est de très loin le premier facteur de notoriété de la marque et de l’acquisition de clients : c’est entre 50 et 80 % des clients. En effet, lorsque vous avez eu une expérience qui aurait pu être mauvaise, avec des frais facturés indus, et que vous avez une société qui s’excuse et vous dédommage du double, je peux vous assurer que vous en parlez à des amis autour de vous. En outre, vous allez également récompenser, par des offres de parrainage, les clients qui parlent de votre société. Le bouche-à-oreille est donc le canal principal mais il est évidemment soutenu par le digital.

GPO Magazine : Est-ce que l’on peut considérer que Chauffeur-Privé est toujours une start-up et en ce cas, comment garder son ADN de start-up lorsque l’on a une croissance comme la vôtre?
Y. H. : Si une start-up est une société en hyper-croissance (plus de 100 à 300 % par an) alors effectivement nous sommes une start-up et j’espère que nous le resterons le plus longtemps possible. Est-ce que cela est facile de garder son ADN ? Absolument pas. Lorsque vous triplez la taille des équipes en un an, lorsque vous passez d’un mode de fonction­nement en open space où la distance entre les bureaux les plus extrêmes est de 30 mètres à une distance de 100 mètres, cela crée évidemment des challenges. De ce fait, nous nous interrogeons sur nos valeurs et nous nous assurons que celles-ci sont respectées. Par exemple, nous sommes intran­sigeants sur la transparence : tous les vendredis, nous nous regroupons dans l’amphithéâtre de notre société afin de faire les quelques annonces importantes de la semaine ainsi qu’une séance de questions ouvertes auxquelles nous répondons systématiquement. C’est ce qui nous permet de garder un lien de proximité avec tous nos collaborateurs. Nous avons souhaité que notre structure soit la plus plate et la moins hiérarchique possible, même si quelquefois il faut savoir trancher, et je n’hésite pas à le faire lorsque cela est nécessaire. Bien entendu, j’attends également que chacun, quel que soit son rôle, contribue à un projet en cours.

GPO Magazine : Chauffeur-Privé s’est offert une levée de fonds en janvier 2015 de plus de 5 millions d’euros auprès de CM-CIC Capital privé, et XAnge, la société de capital-investissement de La Banque Postale. Quelle est la valorisation actuelle de votre start-up grâce à cette levée de fonds ?
Y. H. : À l’époque, la valorisation était de plus de 20 millions d’euros. Je ne connais pas la valorisation actuelle mais j’espère que l’on a créé de la valeur en un an. Cependant, il est très difficile de mettre un chiffre sur des marchés qui ne sont pas liquides.

GPO Magazine : Chauffeur-Privé est présent en Île-de-France, à Lyon et sur la Côte d’Azur, est-ce que cette levée de fonds va aussi vous permettre d’accélérer votre croissance à l’international ?
Y. H. : La première phase de cette levée de fonds était de structurer les équipes : il y a un an, nous étions une vingtaine et à l’heure actuelle, nous sommes 70. Désormais, avec le renforcement de nos équipes, le focus de cette année est de se développer à l’international. Il est probable, bien que cela ne soit pas arrêté, que nous commencerons par l’Europe avant l’Amérique latine.

GPO Magazine : La concurrence est forte dans votre domaine, comment vous différenciez-vous ?
Y. H. : Il y a d’abord une différenciation dans le service car une commande de VTC est possible dans l’immédiat ou à l’avance. Ensuite, comme nous le disions, nous sommes les premiers à avoir lancé l’idée d’un prix forfaitaire. Enfin, nous avons mis en place un programme de fidélité, complètement novateur, qui récompense les clients les plus fidèles. Nous avons également une qualité de service que nous essayons de maintenir car nous sommes l’application préférée des chauffeurs, et ils veulent venir travailler chez nous. En effet, nous ne leur imposons pas des horaires complètement dingues et nous faisons preuve d’humanité à leur égard.

GPO Magazine : En France, la législation est extrêmement mouvante dans le domaine des VTC, est-ce que vous maîtrisez ce que vous avez le droit de faire ?
Y. H. : C’est une législation complexe et mouvante et je ne sais même pas si quelqu’un au gouver­nement la maîtrise. Bien entendu, nous avons un département qui suit cette législation et nous avons régulièrement des rendez-vous avec le gouver­nement. Dans tous les cas, nous sommes parfai­tement dans les clous de la réglementation, notre entreprise ayant eu moult contrôles depuis son lancement il y a trois ans.

GPO Magazine : Avez-vous une anecdote en tête à nous raconter concernant un client en particulier ?
Y. H. : Un trajet Chauffeur-Privé peut être le début de nombreuses discussions et visions communes. De trajets en trajets, nous avons ainsi quelques couples chauffeurs/clients qui se sont formés suite à leur premier voyage ensemble !

GPO Magazine : Personnellement, vous vous déplacez avec l’un de vos chauffeurs ?
Y. H. : Bien entendu, il est beaucoup plus simple de me déplacer avec un chauffeur car je n’ai pas à me garer. Mais en dehors de cela, il m’arrive également de réserver un service sous un autre nom et d’être le « client mystère ». Au bout de quelques minutes, je me présente et j’ai une discussion avec le chauffeur pour voir ce qui lui plaît ou lui plaît moins au sein de notre société. En moyenne, j’ai calculé que je fais deux courses par jour avec Chauffeur-Privé : c’est une bonne manière de voir comment travaillent nos chauffeurs.

GPO Magazine : Deux courses par jour, en étant ce « client mystère », mais les chauffeurs connaissent votre visage tout de même ?
Y. H. : Non, pas nécessairement. Sur les 8 000 chauffeurs, la majorité ne m’a jamais vu et au surplus, ces chauffeurs ne vont pas tous sur Internet pour voir qui est le patron de la boîte. Dans tous les cas, lorsque j’ai des trajets un peu plus longs à effectuer, je m’arrange pour que cela soit toujours le même chauffeur avec qui j’ai du plaisir à discuter.

GPO Magazine : Avez-vous des passions en dehors de Chauffeur-Privé ?
Y. H. : Bien entendu, j’ai des passions comme le sport. J’essaye de faire beaucoup de sport car cela m’équilibre et me permet d’être plus efficace dans ma journée. Je pratique notamment les sports de glisse et des sports plus intenses comme le squash. Par ailleurs, j’essaye maintenant de voyager alors qu’il y a trois ans, je n’en avais pas le temps. Il y a beaucoup de continents ou de régions du monde que je ne connais pas et que j’ai envie de découvrir comme l’Asie, l’Australie, l’Amérique centrale.

GPO Magazine : Il y a une fierté à réussir à votre âge ?
Y. H. : Je ne considère pas encore que nous avons réussi. Certes, nous avons un projet qui tient la route, qui correspond à un réel besoin des clients et qui est sain économiquement puisqu’il génère de la valeur. En revanche, à ce stade, le plus gros danger serait de considérer que nous avons réussi et que tout est terminé. Je vous propose donc d’en reparler dans quelques années.


Chauffeur-Privé en quelques chiffres : 

Création : mars 2012
Clients : 500 000
Partenaires Chauffeurs : 8 000
CA 2015 : environ 30 M€
Effectifes : 70 personnes

Linda Ducret

Linda Ducret a une double formation : littéraire (hypokhâgne, licence de philosophie) et juridique (maîtrise de droit des affaires, DESS de Contrats Internationaux). En 1987, elle devient avocate et crée son cabinet en 1990. Elle exerce pendant 15 ans dans différents domaines du droit (droit des affaires, droit pénal, droit de la famille…). Depuis 2005, elle est journaliste avec comme terrains de prédilections : les dossiers stratégie du dirigeant, propriété intellectuelle, nouvelles technologies, Incentive...Mais également les visions et les portraits d’entrepreneurs. Écrire est l’une de ses passions. En 2009, elle publie un roman policier Taxi sous influence, finaliste du Prix du Premier roman en ligne. Elle a publié un recueil de nouvelles : Le Ruban Noir ainsi qu’un polar : L’inconnue du Quai Henri IV.

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