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La reprise d’entreprise par le dirigeant : une clé controversée du rebond

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Permise à titre exceptionnel, durant la crise sanitaire, la reprise par le dirigeant de sa société constitue une ouverture dont l’importance prise au cours des derniers mois invite à la passer au crible de la moralité des affaires et du pragmatisme.

Le dispositif de reprise par le dirigeant : une nouveauté relative

L’article 7 de l’ordonnance n°2020-696 du 20 mai 2020, (portant adaptation du droit des entreprises en difficulté dans le contexte de la crise sanitaire) relative au rachat par le dirigeant – en plan de cession – de son entreprise, a suscité une émotion (à l’occasion notamment des médiatiques dossiers Phildar, Alinea, Orchestra et Ymagis) peu proportionnée à l’innovation qu’apporte réellement cette disposition.

Pierre Alain BouhenicLe principe érigé par le droit français est celui de l’interdiction pour le débiteur de reprendre les actifs de l’entreprise sans en payer le passif. D’abord absolue, dans le but de rétablir une morale des affaires écornée par quelques indélicatesses, cette interdiction a été provisoirement aménagée pour permettre au tribunal de la lever pour augmenter les chances de reprise de l’entreprise et de maintien de l’emploi (article L. 642-3 du Code de commerce). Le cadre institué par cette disposition est celui d’un contrôle a priori exercé par le ministère public détenteur du droit exclusif de soumettre au tribunal l’offre d’un dirigeant ou de l’un de ses proches (c’est-à-dire parent ou allié).

La nouveauté du dispositif de l’article 7 de l’ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020 n’est donc pas la possibilité, en elle-même, du dirigeant de reprendre son entreprise mais la simplification du cadre juridique de cette reprise. La demande de reprise par le dirigeant peut être désormais formulée directement par la société ou par l’administrateur judiciaire désigné. D’un système d’interdiction a priori construit en quelque sorte sur une présomption de fraude, le gouvernement a ouvert - provisoirement - un régime de contrôle de l’absence de fraude.

L’objectif affiché de cette disposition est clairement d’augmenter les chances de poursuite de l’activité des sociétés faillies et donc assurer le maintien d’un tissu économique pour palier la raréfaction des options de reprise compte tenu notamment de l’incertitude des perspectives d’activité. Il s’agit donc d’une mesure purement économique destinée à éviter la disparition des acteurs du marché. L’objectif est donc principalement d’apporter une alternative à une liquidation judiciaire provoqué par l’absence de candidat à la reprise.

Signe de l’attention particulière que suscite cette simplification du dispositif, celui-ci est encadré dans le temps et n’est supposé rester en vigueur que jusqu’au 31 décembre 2020, à la différence d’autres mesures de l’ordonnance qui resteront en vigueur jusqu’au 31 juillet 2021 et pour lesquelles est même envisagée une reconduction jusqu’au 31 décembre 2021.

La simplification du dispositif de reprise n’est pas un blanc-seing donné au dirigeant

Cette mesure colorée de pragmatisme économique ne constitue pas pour autant un instrument destiné à permettre aux dirigeants d’écraser une dettes jugée importante ou de diminuer un effectif devenu inadapté et pléthorique. Le rapport au Président de la République qui a accompagné l’ordonnance du 20 mai 2020, a pris le soin de souligner que le tribunal et le ministère public devront s’assurer que la reprise par le dirigeant ne constitue pas « l’occasion, pour le débiteur, d’effacer ses dettes et de réduire ses effectifs ». En d’autres termes, le dirigeant se verra fermer la possibilité de présenter un plan de cession, chaque fois qu’un plan de continuation permettant l’apurement du passif restera envisageable.

Arnaud MoussatoffCette limite est essentielle en ce qu’elle interdit - en droit - les plans de cession opportunistes d’un dirigeant indélicat. En pratique, le tribunal qui examinera l’offre de reprise du dirigeant devra au préalable constater l’impossibilité pour le débiteur de présenter un plan de continuation et les débats sur cette question devront se dérouler en présence du ministère public, qui disposera de la faculté d’interjeter appel d’une décision qui ne respecterait pas les limites édictées par l’ordonnance.

Le dirigeant désigné repreneur : priorité au pragmatisme économique

La principale question est la vocation de cette disposition dérogatoire. Vise-t-elle à pallier l’absence de solution de reprise ou peut-elle également jouer en cas de pluralité d’offres ? En d’autres termes, doit-on considérer qu’il n’y a pas lieu d’examiner l’offre du dirigeant dès lors que les critères du maintien de l’emploi et de pérennité de l’entreprise sont satisfaits par au moins une autre offre, ou doit-on considérer que l’offre du dirigeant doit être examinée en tant qu’offre concurrente comme toutes les autres ?

Sur ce point, le Tribunal de commerce de Paris s’est prononcé dans l’affaire Ymagis, aux termes d’un jugement soigneusement motivé, en faveur de la seconde alternative, considérant que sauf cas de fraude, il n’y avait pas lieu d’écarter l’offre de reprise du dirigeant qui doit être regardée comme une offre équivalente à celles des concurrents. À travers cette décision, la juridiction parisienne invite à se livrer à une lecture non pas morale mais économique du texte qui doit conduire à retenir l’offre la « mieux disante » parmi les offres concurrentes au regard des critères d’appréciation légaux fixés par l’article L. 642-1 du Code de commerce (maintien de l’emploi, pérennité de l’exploitation et également apurement du passif), peu importe que l’une des offres émane du dirigeant. Dans les faits, le Tribunal examinera également si l’intuitu personae du dirigeant constitue un élément essentiel de la réussite de la reprise.

C’est donc le pragmatisme économique que le Tribunal a privilégié, la vocation des dispositions étant d’assurer l’existence de solution de reprises et de maintien de l’emploi, c’est donc à l’aulne des critères légaux qu’il faut apprécier toutes les offres, y compris celle du dirigeant. Ce faisant cette mesure ponctuelle prend la dimension d’un accélérateur de concurrence et un moyen efficace d’optimiser les conditions de la reprise à un moment ou l’économie en a le plus besoin.

Par Pierre-Alain Bouhenic et Arnaud Moussatoff, avocats associés chez Brown Rudnick

Lu 13988 fois Dernière modification le lundi, 19 octobre 2020 10:30
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