Lutte contre la fraude en entreprise : apprendre à tirer les leçons et agir en amont

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La fraude en entreprise est un serpent de mer, un sujet dont on parle depuis longtemps, mais qui reste tabou. Régulièrement, pourtant, des affaires très médiatisées remettent en lumière le risque important que la fraude peut représenter.


Fraude au Président : tellement gros, qu’inimaginable… avant que cela n’arrive

C’est le cas, par exemple, de ce que l’on a surnommé « la fraude au Président ».  Un escroc se fait passer pour le patron de l’entreprise et ordonne de faux ordres de virement, détournant ainsi jusqu’à plusieurs millions d’euros. De nombreuses personnes restent pantoises devant ce type d’affaires, se disant « comment est-il possible de se laisser berner si facilement ? » Certes. Il est vrai que le délit est tellement gros que cela semble impossible… Et pourtant, une telle fraude s’est produite plusieurs fois ces dernières années, et dans les plus grandes entreprises.

Cela signifie d’abord que ces dernières n’ont pas tiré les leçons des premiers exemples médiatisés. Et il y a fort à parier que nous entendrons d’autres histoires similaires à l’avenir… tant que le paravent n’aura pas été installé. Ce dernier n’est pourtant pas si compliqué à mettre en place : il suffit de créer un process très précis (plusieurs codes différents à fournir, par exemple) d’identification du Président et des personnes habilitées à ordonner des virements non programmés, n’octroyant donc pas le temps nécessaire aux vérifications. Pourquoi ce type de process n’existe-t-il pas ? Tout simplement parce que cette fraude potentielle, possible dans une situation exceptionnelle (demande urgente, souvent un vendredi soir…), n’a pas été identifiée en amont. C’est là tout le problème : dans la grande majorité des cas, la lutte contre la fraude en entreprise se concentre plus sur l’aval que sur l’amont.

Identifier la fraude lorsqu’elle a eu lieu…

En général, les responsables des risques en entreprise concentrent leurs forces dans la détection des fraudes… une fois qu’elles ont eu lieu. Repérer les doubles facturations, les fausses factures de sous-traitants, les ventes fantômes ou toute autre anomalie comptable est le but recherché par la mise en place de process de contrôles - humain ou électroniques - parfois très élaborés. C’est un travail utile car ces mesures permettent de traquer la fraude extérieure ou interne lorsqu’elle a eu lieu et d’en tirer les conséquences. Si l’on se rend compte, par exemple, qu’une faille dans le système comptable a permis de détourner des fonds via des fausses factures, la parade est ensuite mise en place pour que cela ne se reproduise plus.

Mais ce travail est loin de suffire. Pour être protégée au maximum, une entreprise ne doit pas se contenter de détecter la première fraude pour éviter les suivantes, similaires. Elle doit aussi être capable de faire en sorte que les fraudes ne surviennent pas. Et pour parvenir à ce but, il n’y a qu’une solution : se mettre à la place des fraudeurs potentiels.

… mais aussi avant qu’elle ne se produise, est la clé d’une sécurisation optimale

            « Comment m’y prendrais-je si je voulais détourner des fonds de cette entreprise ? » est la question qu’un professionnel se pose lorsqu’il est mandaté par un dirigeant pour limiter les risques. Il doit alors imaginer tous les scénarios possibles et proposer des process de sécurité afin que ces situations soient impossibles à concrétiser.

Fraudes internes ou externes : même combat

Les fraudes sont soit internes - réalisées par des salariés - soit externes, menées par des organisations avec souvent, cependant, l’appui de salariés. On distingue généralement les deux car si la technique pour les gérer est in fine semblable, la technique pour les repérer nécessite de s’y prendre différemment.

Les fraudes internes concernent souvent des solitaires. Les grands complots de plusieurs salariés sont rares, car l’expérience montre qu’il leur est très difficile de rester d’accord entre eux.

L’exemple classique de fraude interne est un schéma de fausses factures. La technique du fraudeur va consister à émettre des fausses factures pour des travaux non réalisés, des achats non-existants, en se faisant passer pour un fournisseur, lequel peut être un ancien qui n’est plus utilisé (cas le plus simple car le fournisseur est déjà référencé) ou un nouveau fournisseur, créé de toutes pièces. La société fictive peut détourner jusqu’à plusieurs millions d’euros car les procédures sont respectées et tout semble normal  en apparence... Il faut donc un certain temps – surtout quand on est une grande entreprise au chiffre d’affaire conséquent et avec de nombreuses transactions – pour s’apercevoir de la fraude.  En fait, les fraudes se découvrent généralement dans le cadre d’un changement de personnel de contrôle qui, ne connaissant pas les anciennes pratiques, va s’interroger : « pourquoi paie-t-on un loyer pour ce hangar alors que nous n’en sommes plus locataires ? », par exemple…

On dit souvent que les fraudes correspondent à des « erreurs qui tournent mal ».

De fait, il est rare qu’un fraudeur rentre dans une entreprise en se demandant comment il pourra détourner de l’argent et rechercher une faille. La réalité penche plutôt vers un salarié qui va se trouver dans une situation l’amenant à traiter une anomalie. Et c’est justement cette anomalie du système qu’il utilisera ensuite. On peut donc dire que, parfois, l’entreprise produit sa propre fraude...

Les fraudes externes, elles, impliquent souvent plusieurs personnes qui s’organisent pour connaître l’organigramme des entreprises ainsi que tous les numéros de téléphone, les e-mails, etc. Il leur faut aussi connaître les habitudes du personnel et, pour cela, elles utilisent des techniques pour suivre les salariés, mieux connaître leur vie privée, leur manière de parler, etc. Les anciens salariés mécontents intéressent particulièrement ces groupes d’escrocs qui ont une technique d’approche pour ces personnes-là, notamment grâce à Facebook.

Les réseaux sociaux facilitent incontestablement les prises de contact, dans de multiples buts. Par exemple, les anciens salariés peuvent-ils être approchés afin de  percevoir si une escroquerie peut être menée avec leur aide, parfois involontairement… Autre exemple : dans le cadre d’un appel d’offre, un fournisseur peut souhaiter se renseigner précisément sur les us et coutumes de l’entreprise. Il discute alors sur les réseaux sociaux avec un salarié ou un ancien salarié pour avoir des informations sur la manière dont l’entreprise travaille. Il s’agit là d’intelligence économique qui, utilisée à mauvais escient, devient une fraude. La frontière est très ténue entre le simple fait de s’informer et celle de réaliser un espionnage économique. Sur ce plan, les délimitations juridiques relatives aux fraudes sont très floues, dans la mesure où ce sujet est encore très tabou, très délicat en France.

Grand facilitateur de la fraude : l’exceptionnel…

Qu’elles soient internes ou externes, un dénominateur commun réunit toutes les fraudes : l’exception. En effet,  celles-ci se développent dans l’exceptionnel et non dans le cas général. Or, les entreprises savent très bien gérer le cas général, jamais les exceptions…

Lors de la phase « imagination des fraudes possibles » en aval, pour contrer les actes frauduleux avant qu’ils ne se produisent,  il s’agit donc de secouer les certitudes. Dans le cadre de ces missions de prévention, les personnes les plus difficiles à convaincre sont les salariés eux-mêmes. Traditionnellement lors d’une mission, les premiers jours, ils n’arrêtent pas de défendre l’intégrité de leur entreprise en s’appuyant sur l’ensemble des procédures et des systèmes utilisés, etc. Ce n’est qu’au bout de quelques jours qu’ils parviennent à admettre que, dans un contexte différent que celui de leur quotidien (un contexte exceptionnel), une fraude pourrait survenir. Et c’est à ce moment-là qu’ils commencent à travailler sur les anomalies pouvant permettre des fraudes… et à mettre en place les paravents.

Une lutte en amont et en aval indispensable dans un contexte d’amplification de la fraude…

Les professionnels du secteur s’accordent à dire que les fraudes risquent de s’accroître du fait de l’automatisation des process. En effet, contrairement aux idées reçues, moins il y a d’intervention humaine, plus le risque est grand.

Prenons l’exemple d’un traitement de factures : ces dernières ne passent plus entre les mains des salariés, se retrouvant intégralement numérisées et traitées informatiquement. Cela ne facilite pas les occasions de déceler les anomalies ; ce que fait plus facilement un œil humain. Les fraudeurs ont donc aujourd’hui un impératif : coller le plus précisément possible aux contraintes des logiciels afin que ceux-ci ne détectent pas automatiquement les anomalies, par exemple des doublons. Car ils savent que si la procédure est respectée à la lettre et que les « fausses factures » sont établies en bonne et due forme, la fraude a toutes les chances de passer inaperçue… au moins un certain temps.

Par Olivier Gallet, consultant FLF, expert-comptable, cabinet Gallet


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