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Entreprises : de la culture du contrôle à la culture de confiance

Tribunes libres Écrit par  mercredi, 14 octobre 2020 12:28 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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Alors qu’une seconde vague de coronavirus frappe le pays, le gouvernement encourage vivement les organisations à recourir au télétravail autant que possible pour réduire les risques de contamination liés à la proximité dans les espaces professionnels. Or, si le format a été plébiscité durant le confinement et à sa sortie, cette nouvelle « norme » suscite aussi des inquiétudes et de nouveaux questionnements.

Dans le monde pré-COVID, le télétravail était un accord passé entre un salarié et son employeur au cas par cas, et de manière mutuelle, comme l’indiquent les articles du code du travail en date du 26 mars 2019 sur la question. Or, si la loi n’a pas évolué depuis la publication de ces articles, le contexte de pandémie a, quant à lui, fait bouger les lignes lorsqu’en mars dernier les employés du monde entier se sont retrouvés du jour au lendemain en télétravail. Un basculement qui a en effet contribué à ouvrir la boîte de Pandore et donné envie aux employés, éligibles à ce format, d’avoir plus de liberté et de flexibilité – créant ainsi des inégalités entre les organisations prêtes ou non à intégrer cette organisation plus concrètement.

Un problème de confiance qui perdure Neila Choukri

En septembre, 1 français sur 7 était encore en télétravail, selon une étude Odoxa. Si le besoin de contact avec les collaborateurs se fait plus que jamais ressentir, cette proportion est également liée au fait que bon nombre de dirigeants ne sont pas encore complètement à l’aise avec l’idée d’avoir leurs salariés à distance de manière trop durable, sans possibilité de « contrôler » leurs activités.

Cependant, si 2020 a confirmé un point dans le management de transition, c’est la nécessité du passage de la culture de contrôle à celle de la confiance, et celle de s’adapter pour durer. En effet, cette année les dirigeants et les managers n’ont eu d’autre choix que celui d’apprendre de nouvelles manières de collaborer. Si des dérives ont été constatées avec de l’excès de contrôle à distance – illustrées pour certaines par des plaintes déposées auprès de la CNIL – la majorité des entreprises a pu constater un investissement renforcé des équipes qui bénéficiaient de leur confiance.

Toutefois, si le télétravail pendant le confinement a pu faire ses preuves en termes de productivité, la culture du contrôle perdure et un retour au bureau généralisé semble plus rassurant pour les dirigeants. Cela marque le début de conflits pour les collaborateurs désireux de conserver ce format plusieurs jours par semaine ou à plein temps, puisque le code du travail indique qu’un employeur ne peut refuser, ni imposer le télétravail sans avancer une raison valable. C’est pourquoi il est important de revoir et d’adapter le management à cette nouvelle situation afin d’assurer le bien-être, l’engagement et la performance du collaborateur.

Les managers : moteurs de l’engagement

Les managers sont l’une des clés de l’engagement ; il ressort que près de 70 % de la variance de l'engagement des employés dépend de la façon dont les individus sont dirigés, d’après le NeuroLeadership Institute. Son fondateur, le spécialiste du neuromanagement David Rock, estime d’ailleurs que les dirigeants peuvent s’appuyer sur des modèles simples pour revoir l’engagement et la fidélisation des collaborateurs en entreprise.

Par exemple, le modèle SCARF : Status (statut), Certainty (prévisibilité), Autonomy (autonomie), Relatedness (relation à l'autre) et Fairness (équité). Cette approche s’appuie sur les neurosciences – l’étude de la biologie cérébrale – appliquées au management. Elle permet aux dirigeants de bénéficier de la compréhension du cerveau humain qui performe dans une culture de confiance et non de contrôle, dans laquelle il se sent menacé. En effet, dans les modèles scientifiques de neurosciences, la confiance est fortement corrélée à la performance. Aujourd’hui, ils doivent donc impérativement intégrer le fait que l'organisation doit s'adapter au cerveau humain et non l'inverse.

Laisser la place aux émotions

En outre, faire appel à l’intelligence émotionnelle dans la sphère professionnelle permet de mieux appréhender l’humain, et comprendre les salariés. Le psychologue américain Daniel Goleman, spécialiste du développement personnel, pose en 1995 le constat que l’approche classique du concept « d’intelligence » ne tient pas compte des réactions émotionnelles, qui font pourtant partie intégrante de l’humain. Il complète le quotient intellectuel et se développe tout au long de la vie. Le management est longtemps parti du postulat que les émotions n’avaient pas leur place dans le monde de l’entreprise. Or, ces émotions sont une intelligence indispensable au fonctionnement d’une équipe et plus largement d’une organisation.

Pour Charles de Gaulle, « La chose la plus difficile est de n’attribuer aucune importance aux choses qui n’ont aucune importance » : en d’autres termes, les dirigeants doivent être capables de mesurer d’une part régulièrement la confiance des salariés, et d’autre part de détecter les moteurs de méfiance, et communiquer avec les équipes. Pour ce faire, ils doivent s’appuyer sur l’analyse des signaux faibles – soit l’ensemble des éléments de perception de l'environnement, opportunités ou menaces, qui doivent faire l'objet d'une écoute anticipative, afin de définir une stratégie, et réduire l'incertitude.

Ainsi, pour établir une confiance, il est nécessaire de créer un pont entre les directions et les salariés ; cela commence par la mise en place de solutions d'écoute des salariés en temps réel, afin de ne pas être déconnectés du quotidien de ses employés.

Santé mentale et isolement

Si le contrôle induit une forme de surveillance, elle permet aussi de veiller au bon fonctionnement des systèmes en place. À l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, le 10 octobre dernier, une question a été soulevée avec le retour en télétravail des salariés français, à savoir les risques sur le bien-être induits par l’isolement, le manque d’interaction ou encore le mélange des sphères personnelles et professionnelles. Pendant le confinement, les employés français avaient mis en avant un sentiment d’isolement, qui reste une réalité avec les règles de distanciation sociale.

Ainsi, les entreprises qui prennent la décision, pour la protection de tous, de renvoyer les collaborateurs chez eux, doivent assurer un suivi avec ces derniers afin de mesurer leur bien-être, de s’assurer que les conditions de télétravail sont adaptées et de leur fournir les outils nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

La gestion de l’humain est complexe et il n’existe pas de « taille unique » du management. Gérer le capital humain repose sur un équilibre entre les besoins de l’entreprise et les aspirations des collaborateurs. Alors que le concept de « job crafting » émerge, et permet aux employés de réinventer leur poste à leur image et de maximiser leurs compétences, l’entreprise prend un nouveau visage axé sur l’épanouissement professionnel au service de la productivité de l’organisation. Un basculement qui redéfinit les frontières et pose les bases du travail du futur, dans lequel chacun doit trouver son équilibre entre contrôle et confiance, pour une meilleure collaboration et un engagement renforcé.

Par Neila Choukri, Directrice des Opérations chez Supermood

Lu 8987 fois Dernière modification le mercredi, 14 octobre 2020 13:18
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