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Reprendre une entreprise en difficulté, un accélérateur de croissance externe ?

Tribunes libres Écrit par  mardi, 15 décembre 2020 10:11 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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Avec le choc économique induit par la crise sanitaire, certaines entreprises ont profité du contexte pour accélérer leur transformation et examinent déjà les « opportunités » de croissance externe avec le rachat d’entreprises en difficulté.

Une opportunité de rebond et de croissance au service des deux parties

La crise sanitaire, devenue économique, financière et sociale, a révélé les faiblesses et les forces des entreprises. De manière contre-intuitive, l’année 2020 n’a jamais connu aussi peu de défaillances d’entreprises. Selon les données de l’INSEE, les
ouvertures de procédures collectives affichent un repli sans précédent, puisque « seules » 15 000 procédures ont été ouvertes au premier semestre, contre une moyenne de 27 000 sur cette même période ces 20 dernières
années.

Une telle situation n’a pas empêché les acteurs du marché du retournement de fourbir leurs armes et de nombreux acteurs du capital risque traditionnel se sont mis à déployer de nouvelles lignes d’investissement pour être prêts à racheter des entreprises en difficulté. Au-delà de cette situation d’opportunisme financier qui est régie par le seul critère du retour sur investissement à la revente, de nombreux industriels se sont positionnés sur le rachat « à la barre » d’entreprises en difficulté.

Les opérations d’acquisition conduites par les industriels sur leurs concurrents permettent à l’évidence d’accroître les parts de marché, en vue d’atteindre une taille critique, tout en préservant le volet social puisque ce dernier est le critère déterminant
dans le choix du repreneur par le Tribunal. 
David Lacombe

Un exemple des dernières semaines est celui de l’entreprise Bio c' Bon (enseigne spécialisée dans la distribution d’articles issus de l’agriculture biologique) qui a attisé la convoitise de tous les acteurs du secteur de la grande distribution et qui a finalement été repris par Carrefour. Mais il existe également des filières, notamment l’aéronautique, dans lesquelles la reprise d’un partenaire est indispensable pour éviter la défaillance, en cascade, du réseau.

Une solution nécessitant des diligences significatives

Acquérir une entreprise en difficulté, c’est se projeter. Or, la visibilité, même à court terme, est extrêmement floue. Dans ce contexte, la pérennité de l’activité reprise mais également celle du repreneur repose sur la capacité de ce dernier à envisager les synergies en termes de chiffre d’affaires et de structure de coûts. Il convient de se concentrer sur une reprise dans le cœur de métier. En effet, il serait extrêmement hasardeux de vouloir se diversifier sur des métiers non maîtrisés par l’acquéreur.

Parallèlement, il faut rassurer l’écosystème de l’opération. Au premier titre, les salariés dont la voix est prépondérante, notamment dans la procédure de consultation/avis devant le Tribunal de Commerce. Mais il en va de même des fournisseurs comme des clients qui doivent pouvoir être convaincus que l’opération envisagée va permettre de sauvegarder l’activité. On constate même des opérations où les actionnaires de la « cible » soutiennent le repreneur avec des prix négatifs en finançant, par exemple, l’éventuel plan de sauvegarde de l’emploi.

Une procédure à envisager sous la protection du tribunal et appuyée par des experts

Dans le cadre d’une procédure de croissance externe classique, qui dure généralement plusieurs mois, le rachat d’une entreprise en difficulté est guidé par la trésorerie, souvent faible, de sorte qu’en quelques semaines tout doit être bouclé. Dès lors, et en l’absence de possible négociation d’une garantie d’actif et de passif, seul un rachat sous l’égide du Tribunal de Commerce permet d’y répondre puisqu’en cas de plan de cession, le repreneur n’est pas tenu (sauf de très rares exceptions) au passif du vendeur.

Il existe alors deux options : soit le processus de vente est initié dans le cadre d’une opération de Conciliation, prévu par le Code de Commerce, puis débouclé dans le cadre d’un Redressement Judiciaire (RJ) subséquent, soit l’opération prend forme directement en Redressement Judiciaire. Dans l’un et l’autre cas, l’opération est conduite par le dirigeant de la « cible » qui sera entouré, le cas échéant, de ses conseils habituels (expert-comptable, avocat, banque d’affaires) et d’un tiers indépendant, le Conciliateur puis l’Administrateur Judiciaire, qui peuvent ne pas être la même personne.

De manière générale, le contexte de la crise sanitaire a fait (ou fera dans les prochains mois) émerger des opportunités de reprise qui représentent autant d’occasion pour des concurrents en meilleure santé d’accroître leur part de marché. Mais cela peut également être une obligation, dans laquelle se dessine la survie de toute une filière et qui obligera les candidats à la plus grande prudence puisqu’à l’issue de la reprise, l’acquéreur interviendra sur un métier qui n’est pas son core business. En tout état de cause, pour l’ensemble des parties, et compte tenu du délai extrêmement court de l’opération, l’assistance par des experts rompus à cet exercice est indispensable ; il en va de la réussite de la reprise et de la pérennité de la greffe.

Par David LACOMBE, ancien Administrateur Judiciaire, est le fondateur et président de LA CLINIQUE DE LA CRISE

Lu 3849 fois Dernière modification le mardi, 15 décembre 2020 15:07
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