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Covid-19 : Zéro recette, zéro loyer

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Le Covid-19 a immobilisé brutalement une bonne partie de la planète. En France, différents arrêtés ont prévu pour la plupart des commerces, l’interdiction de recevoir du public et pour tous, le confinement. Dans ce contexte, les commerçants continuent de recevoir des appels de loyers alors même que la plupart d’entre eux n’encaissent plus le moindre centime de leur activité commerciale et que la reprise sera sans doute difficile du fait des habitudes perdues.

Une dispense de loyer pendant la période de fermeture forcée qui, pour certains commerces, notamment les restaurants, les cafés et salles de spectacles, risque de durer un certain temps, leur serait bienvenue. Voici les moyens dont ils disposent à l'encontre des bailleurs. Hubert Bensoussan

1 – De simples délais avec l’ordonnance du 25 mars 2020

L’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 prévoit que les locataires impactés par la crise sanitaire1 ne pourront, en cas d’impayés des loyers et charges locatives concernant leurs locaux professionnels et commerciaux, « encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions ». Les impayés couverts par cette mesure concernent la période courant du 12 mars au 25 juillet 20202.

Ainsi, l’ordonnance prévoit-elle une paralysie des sanctions mais non la dispense du loyer. C’est là la logique de la loi du 23 mars 2020 par laquelle le législateur a habilité le Gouvernement à prendre toute mesure « permettant de reporter intégralement ou d'étaler le paiement des loyers ». La dispense de loyers ne figure pas parmi les mesures que le gouvernement était autorisé à imposer dans ses ordonnances. Cela ne signifie pas que la dispense soit exclue. Bien au contraire, elle résulte de l’application du droit commun.

2 – La force majeure, moyen accessoire

Premier réflexe de défense du locataire, la force majeure. Son emploi, en matière contractuelle, est précisé à l’article 1218 du Code civil. Pour qu’elle libère le contractant de ses obligations, deux conditions doivent être réunies :

- Un évènement irrésistible, imprévisible et extérieur au débiteur qui s’en prévaut ;
- Que cet évènement empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

S’il est admis que l’épidémie de Covid-19 constitue un évènement doté des caractéristiques précitées, il reste à vérifier que cet évènement empêche le paiement de son loyer par le commerçant.

Or, nombre de locataires peuvent faire face au paiement, d'autant que l'ordonnance précitée leur accorde implicitement des délais. Dès lors que le paiement du loyer est possible, l’empêchement fait défaut. Certes, il n’est pas contestable que le locataire est empêché d’exercer l’activité qui lui procurera les moyens de payer son loyer, mais la circonstance ne suffit pas à établir l’empêchement de payer son loyer. ll suffit qu'il ait la trésorerie suffisante pour exclure la force majeure. Il est loin d’être certain dans ces conditions qu’il puisse s’appuyer sur elle pour être libéré de son obligation3.

Selon la Cour de cassation, « le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure. »4.

Toutefois, si le locataire parvient à établir que l’épidémie « a eu pour l'exploitation, sur le plan économique, des conséquences irrésistibles expliquant le défaut de paiement »5. La force majeure pourra être retenue mais cela suppose un preneur n’ayant plus de clients ni de ressources sur ses comptes.

La force majeure peut donc être un argument de confort. Seule, elle sera sans doute insuffisante pour dispenser le locataire du paiement de son loyer.

3 – Le COVID assimilable à une « destruction » de la chose louée

Aux termes de l’article 1722 du Code civil6 : « Si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander une diminution du prix ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement. »

Certes, le Covid n'engendre pas destruction au sens propre de la chose louée, mais la jurisprudence tend à assimiler la situation d’impossibilité de jouir de la chose à une destruction de la chose louée. Selon la Cour de cassation, « l’application de l’article 1722 du Code civil n’est pas restreinte au cas de perte totale de la chose ; elle s’étend au cas, où, par suite des circonstances, le preneur se trouve dans l’impossibilité de jouir de la chose ou d’en faire un usage conforme à sa destination ».7

Elle juge également que l’interdiction administrative d’exploiter des locaux commerciaux équivaut à la perte de la chose louée8. En présence d'une interdiction provisoire, le locataire dispose d’un moyen sérieux pour négocier la dispense de loyer ou au moins une baisse du loyer. Au sortir du confinement, comme les locataires les bailleurs seront fragiles. En temps de Covid, les locaux commerciaux "abandonnés" peuvent être nombreux. Le bailleur a bien intérêt à transiger, d'autant que le locataire peut invoquer un autre moyen qui peut le mener plus sûrement à une dispense totale de loyer.

4 – Dispense de loyer pour inexécution du bail

Il est incontestable que durant la période d’interdiction administrative de recevoir des clients, le locataire n’est pas en faute. Il est seulement tenu par les textes règlementaires faisant obstacle à la réception de la clientèle, voire à l’exploitation pure et simple du commerce dans son ensemble. L’interdiction n’est pas personnelle, elle est attachée au local. Si le locataire quitte les lieux, pour les mêmes raisons règlementaires, le bailleur ne pourra valablement consentir un nouveau bail pour une même activité. Les clients ne pourront toujours pas être reçus. Cela signifie clairement que le bail ne peut plus être consenti dans les conditions existant au moment de sa signature, tant au profit du locataire qu’au profit de tout candidat à la location exerçant la même activité.

Or, tous les baux prévoient d’une part, l’exercice d’une activité déterminée pendant toute la durée du bail, et d’autre part, une occupation conforme à l’usage pour lequel le local a été loué, avec réception possible de la clientèle.

Clairement la destination du bail ne peut plus être respectée. Cet argument paraît devoir justifier pleinement l’arrêt du paiement des loyers du locataire jusqu’à la réouverture. Et il ne s’agit pas là d’un report de loyer.

Lorsqu’ils reçoivent des courriers les informant de l’arrêt de paiement du loyer, les bailleurs ont tendance à accepter le seul report du paiement avec étalement de la dette de loyer après la fin de la période d’urgence sanitaire. C’est là une démarche généreuse mais l’effort est insuffisant. Ils ont logiquement du mal à intégrer la perte définitive de ces loyers, ce qui constitue, il est vrai pour certains bailleurs endettés, une lourde charge. Certains locataires, de leur côté, veulent maintenir avec leur bailleur des relations courtoises et de confiance. Bien qu’ils soient en grande difficulté financière, ils n’osent pas solliciter cette dispense de loyer.

En pratique, bailleurs et locataires ont un intérêt commun, maintenir l’exploitation du commerce. Il serait bien en conséquence que, spontanément, les bailleurs décident de ne plus recouvrer les loyers concernés par l’arrêt d’activité. Cela favorisera la relation entre les parties et évitera un long procès dont le bailleur ne devrait pas sortir indemne.

Par Hubert BENSOUSSAN, Avocat à la Cour de Paris – Expert à la Fédération Française de la Franchise

1 Définis comme ceux éligibles aux critères pour bénéficier du fonds de solidarité institué par le Gouvernement. Critères qui seront précisés par décret.
2 Sous réserve d’un éventuel report de la date de fin de l’état d’urgence sanitaire.
3 CA Paris, 17 mars 2016, RG 15/04263 : « … le caractère avéré de l'épidémie qui a frappé l'Afrique de l'Ouest à partir du mois de décembre 2013, même à la considérer comme un cas de force majeure, ne suffit pas à établir ipso facto que la baisse ou l'absence de trésorerie invoquées par la société appelante, lui serait imputable… »
4 Com. 16 sept. 2014, n° 13-20.306, Bull. civ. IV, n° 218 ; D. 2014, 2217, note J. François ; JCP 2014, 1117, note V. Mazeaud ; Rev. Sociétés 2015. 23, note C. Juillet ; RTD civ. 2014. 890, obs. H. Barbier ; RDC 2015, 21, obs. Y.-M. Laithier.
5 CA Bourges, ch. sociale, 21 mai 2010, RG 09/01290
6 Ce texte est applicable aux baux commerciaux. V. Civ. 3ème, 29 juin 2011, pourvoi n°10-19975, Bull. III, n°115
7 Civ. 3ème, 17 octobre 1968, Bull. III, n°383
8 Com., 19 juin 1962, Bull. IV, n°323. V. également Civ. 1ère, 29 avr. 1965, JCP G 1966, IV, 1

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