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Contrôles Urssaf : que faut-il attendre des modifications apportées ?

Tribunes libres Écrit par  vendredi, 24 février 2023 10:22 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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Avant de s’intéresser aux contrôles Urssaf et aux nouveautés de la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, il est nécessaire de rappeler l’esprit de cette Loi. Une analyse de Anne Pineau, Avocate au sein du cabinet SELAS ORATIO Avocats.

La Loi du 23 décembre 2022 a pour objectifs :

  • Anne PineauLe renforcement de la prévention en matière de santé
  • L’amélioration de l’accès à la santé
  • La recherche d’un meilleur financement pour l’accueil des jeunes enfants
  • Un meilleur traitement des personnes âgées
  • Le renforcement de la lutte contre les fraudes sociales.

C’est donc logiquement que les dispositions relatives au contrôle des Urssaf s’insère dans ce dernier objectif.

Cela est l’occasion de revenir sur les contrôles Urssaf et les nouveautés issues de loi du 23 décembre 2022.

1- Le contrôle Urssaf :

En premier lieu, il existe deux types de contrôle (exception faite de la procédure pour travail dissimulé) pour l’Urssaf :

  • Le contrôle sur pièces : l’Urssaf va procéder au redressement directement de ses locaux ; ce contrôle n’est applicable que pour les entreprises de moins de 11 salariés
  • Le contrôle sur place : l’Urssaf va procéder au contrôle directement dans les locaux de l’entreprise.

En tout état de cause, il existe des garanties procédurales pour le contrôlé et applicables aux deux contrôles :

  • L’envoi, au moins 15 jours avant la date de la première visite ou de la date du contrôle sur pièces, d’un avis adressé au contrôlé. Cet avis peut être adressé par tout moyen conférant date certaine à l’envoi (mail, courrier).
  • Cet avis doit comporter les mentions suivantes : date du contrôle, le droit de se faire assister, l’existence de la charte du cotisant contrôlé ainsi que l’adresse électronique où elle peut être consultée ou la possibilité de lui communiquer à sa demande.

Si l’une de ces mentions n’apparait pas sur l’avis de contrôle, alors le redressement pourra être attaqué pour vice de forme. (Sur ce point, il est nécessaire d’être prudent sur le moment où vous évoquerez la nullité…)

Au demeurant, à ce stade, l’Urssaf n’a pas à donner de précisions sur les points de contrôle et la période du contrôle.

Par la suite, l’Urssaf va procéder au contrôle. À l’issue du contrôle, l’Urssaf doit vous adresser une lettre d’observations. Ce document reprend les différents points de contrôles et les considérations de droit et de fait qui ont amené l’Urssaf au redressement.

Une fois que la personne contrôlée a réceptionné la lettre d’observations, elle dispose d’un délai de 30 jours (qui peut être prolongé à 60 jours à sa demande) pour répondre à cette lettre. Si la personne contrôlée adresse une réponse à la lettre d’observations, l’Urssaf est dans l’obligation d’y répondre.

Enfin, l’Urssaf va adresser à la personne contrôlée une mise en demeure, qui est la retranscription en financier du redressement. Cette mise en demeure peut être contestée devant la Commission de Recours Amiable (CRA) de l’Urssaf puis devant le pôle social du Tribunal judiciaire.

Il est important de noter qu’il n’existe pas de délai entre la fin de la période des échanges de réponse et l’envoie de la mise en demeure, ce qui au demeurant est problématique pour les entreprises. Cependant, le législateur n’a pas prévu d’encadrer cette absence de délai, ce qui est fort préjudiciable.

2- La durée des contrôles Urssaf :

La Loi ESSOC, du 10 août 2018, a mis en place l’expérimentation de la durée des contrôles limitée à 3 mois aux entreprises de moins de 10 salariés.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 pérennise ce dispositif et l’élargi aux entreprises de moins de 20 salariés. Cette évolution s'applique depuis le 1er janvier 2023.

Cette disposition est codifiée à l’article L. 243-13, I du code de la sécurité sociale.

- Point de départ : début effectif du contrôle :

  • Si contrôle sur pièces : date visée dans l’avis de contrôle
  • Si contrôle sur place : la date de la première visite de l’agent de contrôle.

- Fin du délai : date d’envoi de la Lettre d’observations.

Cependant, cette limitation ne s’applique pas à tous les contrôles, c’est ainsi que sont exclus du délai de 3 mois, les situations suivantes :

  • Si la personne contrôlée demande un report de la visite
  • Si la personne contrôlée remet tardivement à l’Urssaf les éléments demandés suite à un constat de comptabilité insuffisante ou de documentation soit inexploitable, soit transmise ou remise plus de quinze jours après la réception de la demande faite par l'agent chargé du contrôle
  • Si le contrôle porte sur le travail dissimulé
  • Si la personne contrôlée fait obstacle au contrôle
  • Si la personne contrôlée a commis un abus de droit.

Les deux premières situations ont été instaurées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Il conviendra donc d’être particulièrement vigilant quant aux demandes de report et à la communication des éléments. En effet, c’est l’Urssaf qui fixe la date de visite sans connaître en amont les disponibilités de la personne contrôlée. Il est donc habituel que la personne contrôlée sollicite le report de la visite. De même, le délai de 15 jours pour transmettre les éléments demandés est extrêmement court.

Au demeurant, ces dispositions ne sont pas en faveur de la personne contrôlée alors même que le dépassement de la durée du contrôle emporte annulation du redressement.

Bien évidemment, pour les entreprises de plus de 20 salariés, il n’existe aucune durée pour le contrôle.

3- Dans le cadre d'une opération de contrôle, les agents Urssaf peuvent-ils utiliser les documents et informations obtenus lors du contrôle d'autres entreprises d'un même groupe ?

Avant la Loi du 23 décembre 2022, cette possibilité était offerte aux Urssaf, sous couvert de respecter la procédure visée à L. 114-19 du code de la sécurité sociale.

La nouveauté de cette disposition réside dans le fait que dorénavant l’Urssaf n’a plus à respecter la procédure du droit de communication.

L’Urssaf devra néanmoins informer le cotisant de la teneur et de l’origine des documents, ou informations, obtenus sur lesquels il se fonde. Sur sa demande et après que cette faculté lui aura été précisée, l’agent communiquera une copie des documents à la personne contrôlée.

Pour autant, ces dispositions ne permettent pas à un inspecteur de l’Urssaf qui contrôle une société appartenant à un groupe d'aller rechercher, au cours de ce contrôle, des informations ou documents auprès d'une autre société de ce groupe qui ne fait pas l’objet d’un contrôle.

L’Urssaf peut seulement utiliser des informations ou documents dont il aurait connaissance ou auxquels il aurait accès, car recueillis dans le cadre du contrôle d'une autre entité du groupe.

Bien évidemment, il est permis de se questionner sur la possibilité pour l’Urssaf de procéder à plusieurs contrôles afin d’avoir accès aux éléments de l’ensemble des sociétés du groupe, aujourd’hui rien ne l’interdit.

Un décret d’application, très attendu, doit être publié afin de s’assurer des garanties de cette procédure. En l’état, les conditions ne sont pas suffisamment précises !

Enfin, s’agissant du travail dissimulé, la loi de financement du 23 décembre 2022 ouvre le droit de communication aux tiers.

En effet, en cas de contrôle sur le travail dissimulé, dorénavant, les établissements bancaires vont pouvoir communiquer à l’Urssaf des éléments financiers, sans pouvoir invoquer le secret professionnel.

4- Dans quel cas un contrôle Urssaf peut-il être considéré comme nul ?

La nullité du redressement peut porter sur des questions de forme (obligations procédurales) ou de fond (mauvaise application de la législation, erreur dans le calcul, etc.). Il est difficile de procéder à une liste à la Prévert de l’ensemble des points qui pourraient fonder l’annulation. En effet, il existe des problématiques de forme tout au long du déroulement du contrôle (avis, déroulement du contrôle (les auditions), lettre d’observations, la mise en demeure). De même, il existe des problématiques de fond où une discussion juridique et réglementaire sera nécessaire.

En tout état de cause, en cas de contrôle et de redressement, il est fortement conseillé de se rapprocher d’un professionnel maîtrisant le contrôle Urssaf.

Enfin, il est nécessaire de procéder en conclusion de ce sujet, à un rappel rapide de la solidarité financière, de la procédure stricte qui y est attachée et du redressement quasi-automatique du donneur d’ordre avec des conséquences financières extrêmement lourdes.

En application des articles L. 8222-1 du code du travail, pour tout contrat portant sur un montant d'au moins 5000 euros H.T., le donneur d'ordre est tenu à une double obligation de vigilance.

  • 1- Il doit solliciter du sous-traitant dès la conclusion du contrat et tous les 6 mois, une attestation de vigilance afin de s’assurer que son co-contractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes
  • 2- Il doit également vérifier la validité de cette attestation en se connectant au site de l’Urssaf et en saisissant le numéro de sécurité visée dans l’attestation.

Si ces deux conditions cumulatives ne sont pas remplies, alors en cas de constat de travail dissimulé du sous-traitant, l’Urssaf va faire jouer la procédure de la solidarité financière auprès du donneur d’ordre.

Or, les conséquences de la solidarité financière sont les suivantes :

  • Le donneur d’ordre doit payer les impôts, taxes et cotisations obligatoires dus par son sous-traitant, y compris les sommes dues par celui-ci en raison des annulations d’exonérations et de réductions de cotisations et contributions sociales
  • Il se voit aussi appliquer, à titre de sanction, l’annulation des réductions ou exonérations dont il a bénéficié, en propre, pour son personnel.

La loi de financement de la sécurité sociale du 23 décembre 2022 est venue aménager ses sanctions qui sont apparue dans la pratique extrêmement injustes pour les donneurs d’ordre.

Dorénavant :

  • S’il s’agit d’un 1er manquement, la sanction est plafonnée à 15 000 euros pour une personne physique et à 75 000 euros pour une personne morale
  • En cas de récidive, l’annulation des réductions ou des exonérations est plafonnée au montant des sommes dues par le donneur d’ordre au titre de la solidarité financière
  • Par ailleurs, en cas de constat de travail dissimulé, une majoration de 25 % ou de 40 % s’applique au montant du redressement :
  • o Le taux de cette majoration peut être réduit de 10 points si le donneur d’ordre règle dans les 30 jours les sommes dues au titre de la solidarité financière.

Au regard de ce qui précède, il est donc nécessaire de demander et vérifier l’attestation de vigilance et ce, peu importe le fait que le donneur d’ordre entretient des relations commerciales de confiance.

En conclusion, la loi de financement du 23 décembre 2022 met clairement l’accent sur la lutte contre les fraudes sociales et donne plus de pouvoirs d’investigations aux organismes de sécurité sociale.

Lu 535 fois Dernière modification le vendredi, 24 février 2023 11:58
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