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Comment réussir les carve-out, points de vue de l’actionnaire, des repreneurs et du management ?

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Sanofi, Sandoz, XPO, SAP, Technicolor et tout récemment ATOS. Le détourage d’activités non-stratégiques s’est accéléré en France comme en Europe. Le sondage annuel mené par le fonds d’investissement Aurelius Group montre que 80 % des sondés estiment que le nombre d’opérations de carve-out progressera en 2022 par rapport à 2021. Les explications ?

La nécessité d’assainir les bilans, d’utiliser de manière optimale les liquidités et de se recentrer sur son cœur de métier, dans un contexte d’incertitude économique.

La réussite de ces opérations tient avant tout dans la capacité à aligner efficacement les intérêts a priori peu convergents - voire divergents - des parties prenantes : l’actionnaire/cédant, les acheteurs, les créanciers/banquiers et le management.

1. Point de vue de l’actionnaire

Tarik SigiscarL’actionnaire qui décide de se séparer d’une activité non-cœur de métier ou sous performante par le biais d’un détourage se lance dans une opération complexe. Le succès demande souvent de traiter en parallèle les dimensions stratégie, finance et opérations. 

  • Sur le plan stratégique, l’actionnaire devra avoir une bonne compréhension du positionnement de l’activité à céder au sein de son organisation et comprendre sa capacité à améliorer sa rentabilité une fois sortie de son giron. Une bonne préparation permet de répondre à ces questions ainsi que d’identifier la contribution nécessaire du repreneur (par exemple, si l’activité cédée est en sous charge, le volume d’affaires qu’il doit apporter) et d’apprécier les adhérences entre l’actif à céder et son propriétaire actuel. Tout cela amène à anticiper sur la relation future qu’il est nécessaire ou qu’il pourrait être intéressant de maintenir, au moins temporairement : par exemple la poursuite d’une relation client/fournisseur, une participation financière…Plus l’intégration entre l’activité à céder et sa maison-mère a été forte, plus l’opération de détourage demandera de l’attention. L’ensemble des fonctions de l’entité à détourer doit être passé au crible pour comprendre celles pour lesquelles un lien sera maintenu au-delà de l’opération (via des TSAs ou des accords pluriannuels) et celles pour lesquelles une indépendance totale sera requise. 
  • Sur le plan financier, afin d’optimiser la valeur de cession : (i) Le périmètre de l’opération de carve-out devra être défini pour être aussi attractif que possible pour le type de repreneur ciblé, (fonds d’investissement, industriels, repreneurs individuels, management…) (ii) Un calendrier de désinvestissement court et dynamique devra être préparé (iii) Des mécanismes de soutien financier (earn-out, crédit vendeur, découplage fonds de commerce/actifs immobilier…) devront être anticipés (iv) Les atouts de l’actif à céder (actifs rares, cohérence de marque, synergies de coûts, plateforme de build-up…) devront être identifiés et mis en avant. 
  • Sur le plan opérationnel, les cédants attachent de plus en plus d’importance au fait de trouver le bon environnement pour un actif qu’ils n’ont pas su pleinement exploiter. Lors du détourage, il est fondamental pour le cédant de rendre l’activité à céder aussi autonome que possible. Dans les groupes aux organisations décentralisées, l’affectation de collaborateurs des fonctions support à l’activité à céder devra être étudiée. Les collaborateurs de l’activité cédée devront être préparés et accompagnés pour se projeter dans le nouvel ensemble, en particulier si le repreneur est une société de plus petite ou de moindre notoriété que son actionnaire actuel, ou encore dans un contexte de LBO. Enfin, il convient de rester flexible tout au long du processus, car il n’est pas rare de voir émerger des solutions de reprises dont les périmètres sont coconstruits entre cédant et repreneur afin de trouver un équilibre et optimiser la valeur pour chacune des parties.

2. Point de vue des repreneurs potentiels

Pour les acheteurs, les carve-out offrent l’opportunité de réaliser une opération de croissance externe à des points d’entrée inférieurs aux transactions classiques. En effet, du fait des adhérences entre activité à céder et maison-mère, la vente se fait le plus souvent avec une décote en raison des risques inhérents à la pérennité des activités post-détourage : incertitude sur les résultats financiers de l’activité autonome, dépendance technologique/opérationnelle/financière de la maison-mère…).

Laurent GareauComme dans toutes acquisitions, les acheteurs doivent avant d’investir, se faire une vue précise des leviers de création de valeur (stratégiques, opérationnels, management…) et inscrire leur intervention dans une feuille de route claire.

Afin de réduire les risques, un de leurs enjeux est de s’assurer que la cible est suffisamment équipée et dotée des moyens nécessaires à un repositionnement rapide et efficace. Il est important pour l’acheteur de libérer l’activité à céder des inefficiences que son environnement historique génère.

Cela demande notamment au repreneur, au-delà de définir des axes stratégiques clairs, d’identifier finement : 

  • Les besoins financiers nécessaires à la réalisation du business plan (CAPEX, BFR, éventuel soutien du cédant…). Il devra se faire ses convictions sur le potentiel de performance de l’unité détourée sur la base de données historiques reconstruites voire sans données historiques. 
  • Les compétences clés qui font défaut à l’activité (opérations, commercial, support ou management). 

Pour un cédant, négocier avec un repreneur qui démontre une expertise sectorielle forte est un avantage majeur. Être en mesure d’adosser les activités détourées à des actifs/entités existant(e)s réduit les risques opérationnels de l’opération. Cela permet d’accélérer la création de valeur par le biais de synergies de coûts voire de chiffre d’affaires.

Pour l’acheteur, articuler clairement devant le cédant son apport, sa capacité à activer des synergies et à utiliser différents leviers de création de valeur font souvent la différence au cours du processus de cession. Ces éléments rassureront le cédant sur la pérennité de la relation et permettront de faciliter la réalisation d’une transaction.

3. Point de vue du management

Enfin, le management des activités cédées doit nécessairement répondre aux questions suivantes : 

  • Mes intérêts sont-ils alignés avec ceux de l’entité cédée ? 
  • Le cas échéant, suis-je satisfait du management package proposé ? Sinon comment l’améliorer ? 
  • Les objectifs et performances sont-ils clairement fixés ? Les clauses de ratchets suffisamment bien dimensionnées ? 
  • Les droits et devoirs de chaque catégorie d’actionnaires clairement définis, etc. 
  • Ai-je les moyens humains, technologiques et financiers des ambitions que je porte pour la nouvelle entité ? 
  • Ai-je une feuille de route claire et la liberté d’actionner les bons leviers pour bien l’exécuter ? 
  • La continuité des opérations est-elle assurée dès le lendemain de l’opération ? 
  • La communication sur les objectifs du détourage est-elle claire en interne et en externe ? 

Pour assurer la réussite du carve-out, le manager d’une activité destinée à être cédée devra se sentir en accord avec les raisons du désengagement et être aligné avec la feuille de route stratégique du nouvel ensemble. En pratique, les managers sont souvent associés à la construction de la feuille de route stratégique qui sera mise en place. En plus d’avoir une vision pour le nouvel ensemble, ils doivent (i) en assurer la cohérence opérationnelle (ii) identifier les adhérences et faire des recommandations sur les points devant être renforcés ou les leviers de création de valeur (iii) participer au choix du repreneur en mettant en avant leurs affinités. En effet, leur engagement sécurise l’opération, la continuité opérationnelle et surtout il est déterminant dans l’embarquement des équipes dans le nouveau projet.

De gestionnaires, les managers d’activités détourées deviennent actionnaires et co-décisionnaires aux côtés des repreneurs. Cela permet (i) d’aligner les intérêts des parties (ii) de sécuriser leur rôle dans la nouvelle aventure en permettant une continuité opérationnelle (iii) et d’enclencher un changement culturel fort. Un bon équilibre entre la prise de risque individuelle, la liberté d’action du management et la rétribution offerte au cours de la nouvelle aventure facilite le succès des carve-out.

En conclusion, quel que soit sa taille, un carve-out est toujours une opération complexe qui demande une forte préparation. Il combine la compréhension d’enjeux stratégiques, économiques, juridiques, financiers et sociaux. Ces expertises requièrent une approche coordonnée et sur mesure afin d’assurer la réalisation de la transaction mais aussi de permettre à la nouvelle entité d’écrire sa propre histoire.

Par Tarik Sigiscar, Directeur Oneida Associés, Associé Oasys&Cie et Laurent Gareau, Manager/Investisseur, Senior Advisor Oasys&Cie

Lu 9096 fois Dernière modification le mercredi, 29 juin 2022 13:25
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