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Comment mieux lutter contre les risques psychosociaux dans l'entreprise ?

Comment mieux lutter contre les risques psychosociaux dans l'entreprise ?

Social / RH Écrit par  vendredi, 30 décembre 2016 16:33 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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Toutes les entreprises sont concernées par le mal-être au travail qui se traduit autant par des souffrances que par un préjudice économique. Cependant, il existe fort heureusement des solutions pour prévenir et gérer efficacement les risques psychosociaux en entreprise.

Mieux lutter contre les risques psychosociaux

Quand les risques psychosociaux n'épargnent aucun secteur d’activité, il est grand temps de poser les jalons d’une démarche à la fois préventive et active afin, d’une part, de permettre aux entreprises de réaliser des économies substantielles sur leur budget et d’autre part, sur le plan humain, de redynamiser les salariés et installer une meilleure ambiance au travail.

Troubles de la concentration, du sommeil, irritabilité, nervosité, fatigue importante, palpitations, burn-out… Un nombre grandissant de salariés déclare souffrir de symptômes liés à des risques psychosociaux. Toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, sont concernées ainsi que tous les secteurs d’activité. Il s’agit donc d’un phénomène qui n’épargne personne et qui peut avoir un fort retentissement sur le fonctionnement des entreprises (absentéisme, turnover, ambiance de travail…). La prise en compte des risques psychosociaux est donc devenue incontournable et ce, d’autant que les vagues de suicides chez Renault (2007) et France Telecom (2009) ont révélé des pratiques de mana­gement inadaptées.
La rédaction de GPO Magazine vous présente d’abord un panorama des risques psychosociaux et ensuite comment mieux lutter contre ces risques.

Les chiffres clés des risques psychosociaux
Selon une dernière enquête Sumer 2010 (Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels) réalisée en France, 36 % des salariés déclarent subir au moins trois contraintes de rythme de travail alors qu’ils étaient 28 % à le déclarer en 1994. 57 % indiquent avoir un rythme de travail imposé par une demande extérieure obligeant à une réponse immédiate, 27 % s'estiment être soumis à des contrôles ou surveillances permanents exercés par la hiérarchie, 56 % disent devoir interrompre une tâche pour en faire une autre non prévue et pour 44 % de ceux qui sont concernés, cela perturbe leur travail et enfin, 36 % déclarent ne pas pouvoir faire varier les délais fixés pour réaliser leur travail1.
Le coût social du stress au travail est exorbitant pour l’entreprise. En effet, les arrêts de travail, le turnover des salariés et la démotivation entraînent une baisse de productivité. On dénombre ainsi 50 journées de travail perdues ayant un lien avec le stress au travail. En France, le coût social du stress professionnel a été estimé en 2007, entre 2 et 3 milliards d’euros (Étude de l’Institut national de recherche et de sécurité publiée en 2010). Et le Bureau international du travail (BIT) évalue jusqu’à 3 à 4 % du PIB des pays industrialisés le coût économique du stress (arrêts-maladies, médicaments, perte de productivité…) : un coût pour la France de 60 milliards d’euros !

Quels sont les différents risques psychosociaux ?
Les différents risques psychosociaux correspondent à des situations de travail où sont présentées, combinées ou non au stress, des violences internes commises au sein de l’entreprise par des salariés (harcèlements moral ou sexuel, conflits entre des personnes ou entre des équipes), des violences externes commises sur des salariés par des personnes externes à l’entreprise (insultes, menaces, agressions…). Bien entendu, d’autres situations existent comme l’épuisement professionnel ou burn-out, voire des cas de suicide…
Il convient d’indiquer que les facteurs à l’origine des risques psychosociaux sont nombreux et évoluent en même temps que le monde du travail. Quels sont ces facteurs ? « Les travaux d’un collège d’experts internationaux proposent de les regrouper en six catégories : intensité et temps de travail, exigence émotionnelle, manque d’autonomie, rapports sociaux au travail dégradés, conflits de valeur, insécurité de la situation de travail », indique Bernard Siano, médecin et chef du département études et assistance médicales de l’INRS. Ces facteurs de risques psychosociaux sont d’autant plus toxiques pour la santé lorsqu’ils sont nombreux, qu’ils s’inscrivent dans la durée et sont subis.

Comment lutter contre ces risques psychosociaux ?
Il n’y a pas de solutions toutes faites pour lutter contre ces risques. En effet, les facteurs de risques psychosociaux sont différents d’une entreprise à l’autre, d’une situation de travail à l’autre. Chaque entreprise doit donc rechercher les solutions les plus appropriées après avoir effectué une éva­luation ou un diagnostic approfondi des facteurs de risques psychosociaux qui lui sont propres. Comme l’impose la réglementation, les risques psychosociaux doivent être pris en compte au même titre que les autres risques professionnels. Il est nécessaire de les évaluer et de planifier des mesures de prévention adaptées. En tout état de cause, il est nécessaire de réaliser une démarche en amont et de prévenir ces risques. « Prévenir les risques psychosociaux nécessite de mettre en place une démarche collective associant le chef d’entreprise, les managers, les représentants du personnel et les acteurs de la prévention. Cela implique une réflexion sur l’organisation du travail. Progressivement, la mise en œuvre de démarches de prévention des risques psychosociaux s’est installée dans les entreprises. Cependant, la mise en place de ces risques peut encore progresser », souligne Bernard Siano.
D’après la Dares2 (Dares analyses n° 013 mars 2016), la prévention des risques psychosociaux est intégrée au document d’évaluation des risques dans 29 % des établissements (avec des disparités en fonction de la taille de l’entreprise : 22 % dans les établissements de moins de 10 salariés contre 82 % dans ceux de 500 salariés et plus).
Pour aider les entreprises, l’INRS et le réseau des services de prévention de Caisses régionales de la Branche AT-MP ont mis l’accent sur une approche de prévention de type organisationnel centrée sur le travail et en cohérence avec les principes généraux de prévention. À cette fin, ont été développés des dispositifs de formation, de sensibilisation et d’information ainsi que des  outils méthodologiques de prévention.  
« L’outil « risques psychosociaux DU » permet aux entreprises d’identifier les facteurs de risques psychosociaux auxquels sont soumis les salariés dans chaque unité de travail et d’apprécier les conditions et les circonstances d’exposition à ces facteurs. Cet outil est conçu pour les entreprises de plus de 50 salariés. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, l’outil « faire le point », sous forme d’une macro Excel, leur permet de s'interroger sur la présence ou non des risques psychosociaux en répondant à une quarantaine de questions. Il fournit des clés de compréhension et des pistes d'actions pour les prévenir », précise Bernard Siano.
Par ailleurs, l’INRS développe une nouvelle offre de sensibilisation et d’information sur les risques psychosociaux à destination des salariés et des managers (chefs d’entreprise, encadrants, ressources humaines..). « Cette offre répond à trois objectifs : inciter les salariés à parler des risques psychosociaux et les orienter vers les acteurs de prévention de terrain. En effet, en parler, c’est déjà agir, cela permet de relativiser, d’essayer de comprendre, d’avoir le regard d’une tierce personne, et de faire remonter les difficultés rencontrées. Interpeller les salariés ainsi que  les managers sur les risques psychosociaux au travers de sept idées reçues sur les risques psychosociaux. Enfin, donner aux managers les clés de pour œuvrer en prévention des risques psychosociaux. À cet effet, le guide « Risques psychosociaux – Neuf conseils pour agir au quotidien » donne aux managers des clés de compréhension et des pistes pour agir en pré­vention des risques psycho­sociaux », explique Bernard Siano.

1 Source : enquête Sumer 2010. Dares Analyses, mars 2012, N°023
2 DARES : Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques


Deux questions à Alain André, directeur de la santé, la sécurité, la qualité de vie au travail d’Orange

En 2009, il y a eu une vague de suicides chez France Telecom, peut-on dire aujourd’hui que France Telecom Orange est sortie de la tourmente ?
> Depuis maintenant plusieurs années, la situation d’Orange est très apaisée. Aujourd’hui, nous travaillons sur l’amélioration de la qualité de vie au travail, l’analyse du risque psychosocial étant intégrée dans nos pratiques. Dès 2010, nous avons mis en place une mesure de la perception par les salariés de leur qualité de vie au travail, au travers d’un baromètre social mesurant tous les 6 mois la perception des salariés en France. Cinquante questions permettent d’analyser la perception des salariés concernant la qualité de vie au travail, leur environnement de travail, le soutien RH, le soutien manager… Les réponses à ces questions nous permettent de mettre en œuvre assez finement des plans d’action collectifs. Nous mesurons aussi, tous les trois ans, avec nos partenaires sociaux,  la perception des risques psychosociaux, cette fois-ci sur l’ensemble de la population en France. La restitution et l’analyse des résultats est faite au périmètre de nos établissements secondaires. Les résultats sont en progrès constants.

Quel plan de prévention Orange a-t-elle mis en place pour limiter, voire supprimer les risques ?
> Nous avons redéfini notre politique en matière de santé, de sécurité et de qualité de vie au travail, mis en place une organisation plus transverse ainsi qu’une gouvernance. Aujourd’hui en France, nous avons un service de santé au travail interne avec 80 médecins répartis sur le territoire, 270 préventeurs, 70 assistantes sociales et des responsables de l’environnement du travail sur tous nos territoires. Chaque direction Orange associe, au travers d’une commission pluridisciplinaire de prévention, les acteurs précités afin d’être en anticipation (en prévention primaire) sur tous nos projets ayant un impact sur nos salariés. En prévention tertiaire (soutien individuel aux salariés), nous avons un écosystème de soutien aux salariés avec une hotline externe et des acteurs du soutien en pivot avec nos DRH, managers et acteurs médicosociaux. Enfin, nous avons associé les partenaires sociaux au travers des CHSCT et de deux instances nationales (CNSHSCT et CNPS). Nous avons décidé dans ce cadre-là d’initier des formations communes concernant ces sujets.


Le point de vue de Jean-Charles Amoroz, responsable pôle RH entreprises & territoires, CCI Nice Côte d’Azur

Sophia Antipolis est à une vingtaine de kilomètres de Nice, les entreprises ont-elles été impactées par l’attentat de Nice du 14 juillet dernier ?

> Nous avons pu constater qu’à la suite de cet attentat, notre partenaire risque psychosocial « Psya » a reçu un volume inhabituel d’appels téléphoniques. Par ailleurs, j’ai également été sollicité par les entreprises qui souhaitaient connaître le numéro vert de prévention des RPS. En effet, beaucoup de Niçois viennent travailler à Sophia Antipolis ; cette zone a donc été directement impactée par cet évènement tragique. Enfin, Sophia Antipolis est constituée d’entreprises innovantes du secteur du numérique et sont toutes particulièrement exposées à la globalisation et aux incertitudes de leur environnement business ; les salariés évoluent dans un stress professionnel important.

Quelles mesures de prévention avez-vous prises à la suite de cet attentat ?
> En réalité, nous avons mis en place un dispositif de mesures avant même la survenance de cet attentat. Mais nous avons constaté un volume d’activité des appels téléphoniques très nettement en hausse. Par ailleurs, nous poursuivons notre démarche de sensibilisation des dirigeants d’entreprise aux risques psychosociaux. Pour cela, nous avons mis en place un numéro vert destiné aux entreprises de Sophia Antipolis de moins de 50 salariés avec la possibilité de passer 5 appels gratuits et confidentiels. Il s’agit d’un service d’écoute qui permet aux salariés de dialoguer avec des spécialistes (psychologues cliniciens) et d’aborder toute problématique professionnelle et personnelle. Nous avons également mis en place des ateliers de gestion de crise et enfin une programmation mensuelle de webinaires (formation en ligne). À mon sens, la gestion des risques psychosociaux doit avoir lieu en amont. Il faut donc dans la mesure du possible prévenir les risques, faire des piqûres de rappel et accompagner les managers et les salariés sur la durée.


9 conseils pour agir au quotidien sur les risques psychosociaux ConseilsRisquesPsychosociaux

1- Évaluer la charge de travail
2- Donner de l’autonomie à ses salariés
3- Soutenir ses collaborateurs
4- Témoigner de la reconnaissance
5- Donner du sens au travail
6- Agir face aux agressions externes
7- Communiquer sur les changements
8- Faciliter la conciliation travail et vie privée
9- Bannir toute forme de violence

Source : www.inrs.fr/RPS




Lu 21472 fois Dernière modification le lundi, 13 février 2017 11:01
Linda Ducret

Linda Ducret a une double formation : littéraire (hypokhâgne, licence de philosophie) et juridique (maîtrise de droit des affaires, DESS de Contrats Internationaux). En 1987, elle devient avocate et crée son cabinet en 1990. Elle exerce pendant 15 ans dans différents domaines du droit (droit des affaires, droit pénal, droit de la famille…).

Depuis 2005, elle est journaliste avec comme terrains de prédilections : les dossiers stratégie du dirigeant, propriété intellectuelle, nouvelles technologies, Incentive...Mais également les visions et les portraits d’entrepreneurs.

Écrire est l’une de ses passions. En 2009, elle publie un roman policier Taxi sous influence, finaliste du Prix du Premier roman en ligne.

Elle a publié un recueil de nouvelles : Le Ruban Noir ainsi qu’un polar : L’inconnue du Quai Henri IV.