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Xavier Sillon, Vodeclic - Un entrepreneur qui sait ce qu'est le respect du temps

Xavier Sillon, Vodeclic - Un entrepreneur qui sait ce qu'est le respect du temps

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Parmi les entrepreneurs fondateurs que nous rencontrons, il y a des personnalités qui marquent. Xavier Sillon appartient à cette race de créateur qui tient à rester humble et discret. Hérésie en 2014 ? Il est pourtant à l’origine d’une start-up française dont le terrain de jeu est le monde. Il sait envoyer ses flèches avec clairvoyance sur les atouts et les archaïsmes français. Sa société pourrait bien devenir un n° 1 européen ou mondial de demain dans le domaine de la formation en ligne. Mais le succès apparent n’a pas été le fruit d'une génération immédiate et spontanée. Un échec, puis un rebond, ont marqué son parcours et donnent une idée de la trempe du personnage. Humainement très attachant. Financièrement…on ne rigole plus !

Entretien avec Xavier Sillon - Président, co-fondateur de Vodeclic

GPO Magazine : Quels sont, selon vous, les principaux critères de la réussite d’un entrepreneur ?
Xavier Sillon : Je vais peut-être vous étonner, mais pour moi, l’une des grandes qualités de tout entrepreneur qui réussit est de savoir maîtriser les temps de son entreprise. Je dis bien LES temps, au sens où il doit savoir comment gérer les temps forts et les temps faibles, il doit sentir à quels moments investir, ni trop tôt ni trop tard. C’est parfois difficile. Un entrepreneur, ayant généralement mille idées par jour, doit savoir canaliser et maîtriser cette formi­dable énergie créatrice, véritable locomotive de croissance. Sentir le bon moment pour aller sur un terrain ou sur un développement différents est une question perpétuelle. Mais en a-t-on les moyens financiers, a-t-on les équipes pour le faire… sont des interrogations tout aussi essentielles.

GPO Magazine : Pas d’autres critères de réussite pour le fondateur que vous êtes ?
X. S. : Bien entendu, pour réussir il faut avoir une vision de son marché, savoir là où on veut mener l’entreprise… Il faut être à la fois un homme de marketing, de commerce, de finances, de relations humaines, posséder ces notions certes très classiques qui n’en sont évidemment pas moins indispensables. La réussite est donc un mixte de compétences, d’expériences, de savoir-faire, de management et de gestion… Créer une entreprise ressemble un peu à la manipulation d’un Rubik’s Cub. On cherche, on hésite, on calcule, on s’impatiente, on tourne dans tous les sens à la recherche des solutions possibles, on projette les actions… et puis un jour, on réunit toutes les conditions du montage. Alors là… il faut foncer ! Mais il faut aussi avoir l’humilité de tenir compte de ses échecs et ne pas s’entêter. Avant de créer Vodeclic avec mes associés, il y a sept ans, j’avais créé Famiclic, une société de formation informatique à domicile. Notre offre répondait vraiment aux attentes du marché, puisque nous avons généré plus de 15 000 rendez-vous et 25 000 heures de cours à domicile. Nos 30 % de croissance annuelle nous tiraient vers le haut, c’était assez spectaculaire. Pourtant après trois années, j’ai constaté que notre modèle économique n’était pas viable. J’ai donc tout arrêté avant qu’il ne soit trop tard.

GPO Magazine : Que voulez-vous dire ?
X. S. : Malgré tous nos efforts de commercialisation, nous ne parvenions pas à facturer plus de 50 % du temps, et donc du coût, de chaque formateur salarié. Tant que nous avions 30 % de croissance annuelle, pas de problème. Mais la crise nous a frappés de plein fouet et, brutalement, nous avons subi trois trimestres avec une chute de 30 % de notre activité. Conséquence : un grand écart de trésorerie intenable. Notre problème n’a donc pas été un déficit de demande mais d’offre et de modèle économique. Nous avions pourtant accumulé un savoir-faire considérable qu’il nous fallait exploiter différemment. Ce savoir-faire est à l’origine de la création et des fondamentaux de Vodeclic que j’ai créé avec deux anciens salariés, Guillaume et Gabriel. Aujourd’hui, Vodeclic est un service en ligne de formation bureautique, avec des modules péda­gogiques de quelques minutes, utilisables 24 h/24. Nous sommes partout dans le monde, dans le Cloud.

GPO Magazine : La réussite n’a donc pas été facile !
X. S. : Après ma première expérience malheureuse, j’avais tout perdu, mon entreprise et toutes mes économies. J’étais seul et, il faut bien le dire,… j’étais à plat. Très franchement j’ai trouvé cela injuste. J’ai fait acte de gestion responsable et, bien qu’ayant arrêté avant qu’il ne soit trop tard, j’ai été traité au tribunal de commerce comme si j’avais fait une banqueroute frauduleuse. Le défaillant était encore marqué au fer rouge. Heureusement, ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais à l’époque, le dirigeant qui déposait le bilan était immédiatement noté « 040 », avec toutes les conséquences financières et bancaires. Mais cet échec m’a fortifié. Avec mes associés, nous avons tiré toutes les leçons de ces erreurs au moment de créer Vodeclic.
La vertu de l’échec est de rendre humble. En France, il semble que nous n’aimions ni l’échec, ni même finalement le succès. Dans le premier cas, on considère que c’est de l’incompétence, dans le second, le succès suscite des jalousies. Sur ce point, la culture anglo-saxonne est bien différente et nous ferions bien de nous en inspirer.  
En sept ans, nous avons su capter la confiance d’investisseurs, avec deux business angels puis avec un fonds d’investissement. Notre intention est de faire une levée de fonds bien plus ambitieuse encore, lorsqu’on nous aurons atteint notre objectif 2014 avec une croissance de nouveau supérieure à 50 %. Chaque chose en son temps !

GPO Magazine : Vodeclic représente donc une évolution radicale !
X. S. : Nous sommes aujourd’hui une équipe à la fois d’ingénieurs logiciels qui développent une technologie, et de formateurs qui produisent des contenus. Le face-à-face à domicile est bien loin. Plutôt que de vendre une fois une heure de formation avec une heure de coût direct, nous donnons accès à toutes nos formations de façon illimitée via le web. Le calcul est vite fait quant au potentiel de rentabilité de l’entreprise. Aujourd’hui, nous proposons des formations sur plus de 400 logiciels différents, segmentés en 17 000 modules de 3 à 4 minutes dans 6 langues différentes, dont le mandarin, et nous avons 4 500 clients et plus de 1,1 million d’utilisateurs dans le monde.

GPO Magazine : Comment imaginez-vous l’avenir ?
X. S. : Nous démontrons tous les jours la validité de notre modèle économique. La formation en ligne est, sans nul doute, la réponse aux problématiques de tout responsable de formation. Avant il fallait concevoir et diffuser les plannings de formation, trouver les formateurs, réserver les salles en intégrant les coûts des une ou deux journées durant lesquelles les salariés ne travaillent pas. Il fallait donc attendre parfois des mois avant que le salarié ne bénéficie de la formation ad hoc. Le monde a changé. Aujourd’hui on doit avoir accès à la formation quand on veut, où on veut. Et c’est l’utilisateur final qui est roi.
D’autre part, il faut penser global et avoir conscience que le marché de la formation en ligne n’est pas seulement la France, ni même l’Europe mais, structurellement, le monde entier. Nos utilisateurs sont aux États-Unis, au Brésil ou en Inde… La formation n’a plus aucune frontière et la performance péda­gogique de notre solution est rigoureusement la même partout dans le monde.

GPO Magazine : Le système des formations à la française serait-il mort ?
X. S. : Oui et c’est facile à comprendre. On parle souvent des quelques 25 milliards d’euros engloutis dans la formation. Regardons les chiffres plus en détail. En France, les statistiques révèlent qu’en moyenne, chaque année, seulement 20 % des salariés (public + privé) ont accès à une formation. Cela signifie tout simplement, toujours en moyenne, que chaque salarié reçoit une seule formation tous les cinq ans. C’est dramatiquement insuffisant. Dans ces conditions, comment voulez-vous que la France, sur ce sujet, suive le rythme de la concurrence mondiale ? C’est tout simplement impossible et naïf de penser l’inverse.
Prenons l’exemple du salarié qui ne sait pas comment faire un tableau croisé dynamique sous Microsoft Excel, alors que sa présentation est prévue dans deux heures ou le lendemain. Comment fait-il ? Pensez-vous qu’il puisse attendre trois ou six mois pour être formé ? Non ! Il entend avoir un accès permanent aux ressources pédagogiques dont il a besoin, au moment où il en a besoin. Ce n’est plus sa hiérarchie ou son responsable de la formation qui décide, c’est lui. Pour son bien et celui de son entreprise. Ne pas tirer très vite les conséquences d’un tel constat a aussi une influence sur le recrutement des talents dans toute entreprise.
Le candidat qui voit une société accrochée aux archaïsmes de la formation à l’ancienne perçoit de très mauvais signes sur l’état d’esprit général et partira souvent en courant. Une bonne formation continue des salariés est un des paramètres majeurs du cercle vertueux dans lequel toute entreprise dynamique doit s’inscrire pour rester compétitive.

GPO Magazine : Mais finalement, quelle est la taille de votre marché ?
X. S. : En Europe, les études révèlent que 47 % des salariés se sentent en difficulté dans l’usage des nouvelles technologies et que 90 % des emplois nécessitent des compétences en bureautique. Je vous laisse tirer les conséquences de ces chiffres. Dans le monde, il existe environ un milliard d’utilisateurs de Microsoft Office. D’ici trois à cinq ans, ils auront sans doute, pour la plupart, migré vers la nouvelle version dans le Cloud - Office 365, ou vers d’autres plates-formes comme Google Apps ! Parfait, nous leur fournirons toujours la formation qui répondra en temps réel à leurs demandes. C’est sur cette base que Vodeclic est conçu. C’est sur cette base que nous orientons son avenir.  

GPO Magazine : Vous parliez de Cloud, mais encore ?
X. S. : Nous sommes finalement ce qui s’appelle un MOOC pour Massive Open Online Courses qui s’inscrit par définition dans le Cloud Computing. C’est un raz-de-marée qui va avoir des impacts encore plus considérables que lors de l’apparition des PC et de la bureautique dans les entreprises dans les années 80. Le monde risque fort de se diviser en deux. Il y aura d’un côté les entreprises qui suivent le mouvement et de l’autre celles qui seront bloquées sur leurs archaïsmes de formation... entre autres ! Dans le concept de MOOC, le mot important est open, c'est-à-dire ouvrir. Le système de formation en France est encore géré comme une pièce de théâtre : unités de temps, de lieu et de sujet. Les nouvelles technologies ont fait exploser ce modèle totalement dépassé pour permettre d’ouvrir la formation à tous. Dans ce domaine, les grandes universités américaines comme Stanford ou Harvard ont ouvert la voie dans le monde de l’éducation ! Cela donne à réfléchir.

GPO Magazine : Comment imaginez-vous l’avenir ?
X. S. : Les entreprises qui gagneront demain ne sont pas celles qui sont grosses mais celles qui vont vite. Le temps toujours le temps ! Ce sont les agiles qui mangeront les lents. Quand on est vif, rapide, souple… on est mécaniquement taillé pour la croissance.

GPO Magazine : Malgré ses sept années d’existence Vodeclic est-elle encore une start-up ?
X. S. : Oui bien sûr. Nous ne sommes peut-être plus dans les codes et artifices culturels de la start-up. Être une start-up, c’est en avoir l’état d’esprit. C’est l’innovation perpétuelle, c’est l’excellence comme constante, c’est aussi un focus fondamental sur la fidélisation des clients, c’est enfin savoir agir très vite tout en ayant réfléchi !

GPO Magazine : Parlons quand même un peu de vous. Comment vous voyez-vous ?
X. S. : Je veux être un entrepreneur ambitieux pour son entreprise, respectueux pour ses salariés et efficace pour ses actionnaires. Vous savez, lorsqu’on commence à vouloir monter des levées de fonds de plusieurs millions d’euros, et au-delà des fonda­mentaux du business, il faut aussi montrer qui on est vraiment, sans fard ni tricherie. Il faut être soi-même en sachant parfois faire fi des convenances.

GPO Magazine : Question traditionnelle lors de nos entretiens… avez-vous des refuges ?
X. S. : Ma famille, mon épouse et mes trois enfants. Le jardinage aussi. J’adore les fleurs que je cultive et entretiens dès que je peux, et m’accorder quelques heures de répit dans mon jardin. Ma fleur préférée est le rosier liane. Il s’enroule sans avoir besoin de le contraindre, il pousse vite mais il est inutile de vouloir accélérer sa croissance. C’est la nature qui décide.

Propos recueillis en entretien par Philippe DERMAGNE
                                    

Vodeclic

CA 2013 : 1,4 M.€
CA 2014 : 2,1 M.€ (projection)
Croissance depuis 2009 : 1 700 %
Effectif : 23 salariés - 7 nationalités différentes
www.vodeclic.com


 

 

Lu 18381 fois Dernière modification le jeudi, 01 octobre 2015 15:20
Philippe Dermagne

En 1980, il crée sa propre société, une agence de publicité dédiée au BtoB, à la communication par l’écrit et à la motivation des forces de ventes. En 1995, il fonde l’une des toute premières agences multimédia française, en mettant en place un développement international en Suède, UK et Brésil. Depuis 2007, il est un journaliste qui présente la particularité d’avoir plus de 30 années d’expérience en tant qu’entrepreneur.
Ses terrains de prédilections : les RH, le développement durable, la gestion de flotte automobile. Son second métier : l’animation de colloques, tribunes et grands séminaires d’entreprise.