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La montée en puissance des achats responsables

RSE Écrit par  lundi, 16 juin 2014 05:42 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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Note de la Rédaction : Voilà un sujet grave et récurrent qui pose nombre de questions éthiques et économiques. La boulimie des acheteurs occidentaux les poussent à acheter les produits les moins chers et ce, quels qu’ils soient : électronique, habillement, alimentation, jouets, etc. Mais au final, le calcul est-il pertinent ? Cette tribune offre un éclairage intéressant sur cette problématique planétaire qui touche toute entreprise quelle que soit sa taille. 

 

Avril 2013 : 1.135 morts dans l’effondrement d'une usine bangladaise de fabrication de vêtements destinés à des marques occidentales. 10 Juin 2014 : une enquête du Guardian, révèle que le N°1 mondial de la crevette, le thaïlandais Charoen Pokphand (CP), s'approvisionne en poissons pour l’alimentation de ses crevettes auprès de fournisseurs esclavagistes. Les crevettes de CP se retrouvent sur les étalages des hypermarchés et  supermarchés d'Europe et d'Amérique du Nord…


Ne serait-il pas grand temps d’agir ? En réaction à l’effondrement du Rana Plaza à Dacca, les députés PS Philippe Nogues et Dominique Potier déposaient le 7 novembre dernier une proposition de loi sur le devoir de vigilance des grandes entreprises françaises vis-à-vis de leurs filiales et de leurs sous-traitants à l'étranger. Si ce texte était adopté, il créerait une responsabilité civile et pénale pour les maisons mères établies en France. Cette proposition de loi s’inscrit dans les pas de la loi Grenelle 2 et son article 225 consacré au reporting extra-financier des entreprises de plus de 500 salariés (statut SA ou SCA) et réalisant plus de 100 millions de chiffre d’affaires, ainsi que l’ensemble des entreprises cotées en France, quelle que soit leur taille.

Les entreprises travaillant à l’international sont confrontées à un cadrage réglementaire de leur Responsabilité Sociétale avec les Principes directeurs de l'OCDE, avec les conventions de l’OIT, avec les principes sur les droits de l’homme adoptés en 2011 par l’ONU, etc. Au final, ces textes invitent les entreprises à un devoir de vigilance sur leur sphère d’influence. On rappellera ici, que de nombreux pays comme le Royaume Uni, la Belgique ou encore les Etats-Unis et le Canada se sont dotés de dispositions législatives en la matière.


Plus de complexité et moins de compétitivité ?
Pas si sûr ! Pourtant, ce projet de loi, rappelé ce 12 juin par le député Dominique Potier interviewé sur Europe 1, risque de rencontrer une forte opposition des représentants des entreprises concernées. Encore une nouvelle loi, encore une entrave et pour quels résultats si ce n’est plus de complexité et moins de compétitivité !? Philippe Noguès interrogé par Novethic expliquait « le moins-disant généralisé paralyse notre économie car elle conduit à des risques extra-financiers de plus en plus importants. Il faut savoir que les trois quarts des crises qu'ont affrontées les entreprises ces dernières années sont dues à ce type de risques ! A partir du moment où les entreprises seront jugées en France pour des actes commis à l'étranger, elles seront obligées d'évaluer ces risques pour mieux les prévenir. Elles se rendront compte que ces mesures préventives les rendront plus compétitives ».  Dans cette veine, rappelons que la Directive européenne, votée le 15 avril dernier sur la transparence extra-financière des entreprises cotées en Europe (6.000 environ), s’inscrit dans une logique de lutte contre le dumping social. Ceci nous renvoie à la montée en puissance des achats responsables dans les entreprises et notamment des grandes entreprises ; celles-ci exigeant de plus en plus de leurs fournisseurs une meilleure prise en compte des enjeux du développement durable.

Les achats responsables restent difficiles à mettre en œuvre
Selon l’OBSAR (L’Observatoire des Achats Responsables), les achats responsables correspondent à « …tout achat intégrant dans un esprit d’équilibre entre parties prenantes des exigences, spécifications et critères en faveur de la protection et de la mise en valeur de l’environnement, du progrès social et du développement économique » et de préciser que « l'acheteur recherche l’efficacité, l’amélioration de la qualité des prestations et l’optimisation des coûts globaux (immédiats et différés) au sein d’une chaîne de valeur et en mesure l'impact ».
Certains lecteurs se diront ici que des progrès restent indéniablement à faire chez leurs interlocuteurs acheteurs et que leur réalité fait du « moins disant » la règle. Pourtant, études à l’appui, les achats responsables montent indubitablement en  puissance dans les entreprises françaises.

Ainsi, selon le baromètre 2011 sur les Achats durables publié par HEC et Ecovadis, entre 2009 et 2011, 56 % des entreprises ont augmenté les ressources qu’elles allouaient aux achats durables. Le dernier baromètre sur les achats responsables publié par l’OBSAR en mars 2014 (465 répondants dont 62 % du secteur privé) précise que 78 % des entreprises interrogées ont mis en place une politique d’achat responsable; parmi elles, 38 % ont entrepris une démarche achats responsables il y a plus de 3 ans et 32 % entre 1 à 3 ans. L’étude nous apprend également que 73 % des entreprises interrogées appréhendent les coûts globaux (TCO : Total Cost of Ownership) des produits.

Reste que le baromètre de l’OBSAR mentionne des obstacles à l'élaboration d'une politique achats comme les contraintes budgétaires (52 %), le manque d'indicateurs de mesures et ou de référentiels clairs (47 % contre 49 % en 2013).  

Achats responsables et préventions des risques

La catastrophe du Rana Plaza et l’affaire CP, auxquelles on pourrait ajouter le scandale de la viande de cheval en France et son issue dramatique, nous renvoient à la dimension prévention des risques sociaux, écologiques, juridiques et d’image pour les entreprises.

Finalement, la mise en place d’une politique d’achats responsables - au-delà du discours d’intention ou, pour être moins restrictif, d’une politique achat soutenue par une charte et un engagement contrôlé des fournisseurs - contribue clairement à la diminution des coûts cachés induits par la nécessité de plaider, de compenser et bien sûr de communiquer.  A l’heure de l’instantanéité de l’information et de la résonance que lui donnent notamment les réseaux sociaux et les différentes parties prenantes de plus en plus sensibilisées et soucieuses d’interagir, le risque d’image ne peut être ignoré par les entreprises, petites ou grandes.

Les TPE et PME peuvent se lancer dans une démarche d’achats responsables, plutôt que de « subir » celle de leurs donneurs d’ordre. L’observatoire des PME d’OSEO avait publié en novembre 2012 le cas de la société Beringer Aéro implantée à Tallard et qui comptait à l’époque 6 salariés pour 1 million d’euros de chiffre d’affaires en 2011. Cette entreprise est labellisée «  Made un Respect » premier label éthique né du monde industriel. Gilbert Beringer y déclarait «  Pour nous la RSE, ou mieux le développement durable qui nous semble plus sociétal (global) que social, est le moyen de rendre aux produits leur humanité. Cela suppose une nouvelle approche pour la société, plus collective et à plus long terme ». Work in progress comme disent les anglophones !

Bertrand DESMIER
Directeur Conseil RSE chez Tennaxia 

www.tennaxia.com

Lu 5862 fois Dernière modification le vendredi, 28 août 2015 11:03
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