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Entreprise « Cradle-to-Cradle », ce concept peut-il sauver les entreprises occidentales ?

RSE Écrit par  vendredi, 15 février 2013 00:00 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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La crise, à force d'en parler, à force de l'invoquer, à force d'en constater ici et là-bas les dégâts et les dommages collatéraux, la crise s'est petit à petit transformée en une profonde mutation dont les contours et les impacts se précisent.


Dans ce contexte économique dont la dureté affecte quasiment tous les secteurs d'activités et tous les types d'entreprises, parler de démarche, de politique ou de stratégie RSE pourrait apparaître pour le moins déraisonnable, non urgent ou encore purement opportuniste ; c'est selon. Et pourtant, certaines entreprises ont décidé en pleine période de crise de développer de nouveaux modèles économiques, tout à la fois plus responsables et générateurs d'innovations et de profit pour les entreprises, comme de meilleure santé des consommateurs, de bien-être pour les collaborateurs et de préservation de l'environnement.

Dans cette veine, l'intervention de Stef Kranendiik, Président du conseil de surveillance de la société Desso, fabricant européen de moquettes et de gazon artificiel, a fait sensation au dernier sommet de Davos.


Dès 2008, son entreprise décidait de devenir une entreprise « Cradle- to-Cradle » !
Concept (dénommé C2C) né au début des années 80, son évolution fut longue et laborieuse. Sa traduction en français n'est pas des plus aisées. Le mot « cradle » signifiant berceau, la traduction « du berceau au berceau » ne veut rien dire. Nous pourrions adapter ce concept en disant « de natif à natif ». Est-ce plus clair ? Nous pouvons en douter. Pour réellement bien comprendre une périphrase s'impose : une entreprise « Cradle to cradle » est une entreprise qui oriente toute son activité et l'intégralité de son organisation vers l'éco-conception, l'éthique environnementale et le recyclage à 100% et à l'infini. C'est l'économie et la production vues de façon circulaire et non plus linéaire.

Résultats des courses pour la société Desso ? Sur un marché en situation d'hyper concurrence planétaire, sa part de marché des moquettes en dalles est passée de 15% en 2007 à 23 % en 2012, avec des marges bénéficiaires (EBIT*) passant de 1 à 9% ; la moitié de ce bénéfice étant semble-t-il imputable à la mise en œuvre des principes C2C.

Une économie globale de centaines de milliards €/an
L'an passé, le rapport « Arguments en faveur d'une transition accélérée » rédigé par la Fondation Ellen MacArthur en partenariat avec McKinsey and Company, présenté à Davos 2012, démontrait que l'industrie européenne économiserait jusqu'à 630 milliards USD/an (480 milliards €) en migrant de l'économie linéaire à l'économie circulaire. Cette année, la même fondation s'est penchée sur « Les opportunités pour le secteur des biens de consommation ». Le quotidien La Tribune a relevé dans ce nouveau rapport que « pour les biens de consommation courante, qui mobilisent 35 % des matières premières consommées, 60 % des dépenses de consommation des ménages et 90 % de la production agricole, l'économie pourrait atteindre jusqu'à 700 milliards de dollars sur les matériaux(540 milliards €) ». Le rapport pointe également plusieurs bénéfices «secondaires» en termes d'innovation, de préservation des terres agricoles, ou encore de création d'emplois locaux peu ou pas qualifiés.

Indéniablement, une spirale vertueuse
La relocalisation des échanges induite par l'économie circulaire est créatrice de valeur pour l'ensemble des acteurs économiques impliqués. Elle s'inscrit dans une boucle vertueuse de préservation de l'environnement par la réduction de l'empreinte écologique et encourage la responsabilité sociale d'une entreprise plus consciente de son importance au sein de son écosystème.

Ainsi, l'économie circulaire étant une composante à part entière et surtout très opérationnelle de la RSE, sa mise en œuvre s'appuie sur les trois piliers du développement durable (essor économique corrélé à la préservation de l'environnement et de l'équité sociale). Ceci se vérifie tant dans la conception, la production, la distribution et le recyclage des produits que dans ses interactions avec les parties prenantes.

Bien évidemment, s'engager sur la voie de l'économie circulaire et son pendant - l'économie de fonctionnalités - n'est pas une décision facile à prendre…et à tenir !

Stef Kranendiik reconnait lui-même que « cela a été dur à mettre en place, que cela requiert une vision à long-terme ; mais l'équipe de direction était convaincue que c'était le seul moyen de sortir du modèle linéaire – extraire, produire et jeter- et tout simplement de s'en sortir ».

L'exemple de Desso d'une RSE très opérationnelle et les chiffres proposés par la fondation Ellen MacArthur sont autant d'encouragements à considérer la Responsabilité Sociétale comme une source de performance durable au-delà des postures opportunistes et de leur discours verdissant.

La révolution de l'éco conception tous azimuts serait-elle la grande chance des entreprises occidentales pour affronter et amortir l'onde de choc de la mondialisation ? L'avenir proche nous le dira.

Bertrand DESMIER
Directeur Conseil RSE . Tennaxia
www.tennaxia.com

* Earnings Before Interest

Lu 7426 fois Dernière modification le vendredi, 28 août 2015 11:05
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