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Ce cheminement inexorable est-il profitable ?

RSE Écrit par  vendredi, 02 juillet 2010 00:00 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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Grande question, à laquelle la volumétrie des déchets issus de nos activités industrielles et domestiques est un des éléments de réponse. La prise de conscience ayant permis de commencer à prendre en considération ce phénomène remonte au milieu des années 70. Ce problème, identifié il y a déjà 35 ans, n'est donc qu'un des nombreux paramètres du développement durable, aujourd'hui au cœur du management des entreprises. Eclairage.

L'Agence Nationale pour la récupération et l'élimination des déchets a été créée en 1975, l'Agence pour la Qualité de l'Air en 1980, l'Agence Française pour la maîtrise de l'Energie en 1982. C'est en 1990 que le regroupement de l'ensemble de ces structures aboutissait à un effort louable de coordination avec la création de l'Ademe, l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie.
Ce simple historique permet à lui seul d'apprécier la lenteur du cheminement faisant évoluer les comportements, tant des particuliers que des entreprises. Cette difficulté à percevoir les enjeux est une des facettes de la problématique. «Très tourné vers soi-même, chacun de nous ne change son comportement que s'il est directement impliqué par les conséquences du changement»(1), estime Elisabeth Pastor-Reiss, l'une des grandes spécialistes françaises du développement durable et de sa mise en œuvre.



Quelques chiffres et faits révélateurs
En 2008 en France, 868 millions de tonnes(2) de déchets ont été produites, dont 43 % proviennent de l'agriculture/sylviculture et 41 % du BTP-carrières et mines ; les entreprises n'étant responsables que de 10 % et les ménages de 3,5 %. L'identification des principaux producteurs de déchets nuisibles est immédiate. Ceci ne facilite pas l'implication des entreprises qui rencontrent parfois quelques difficultés à apprécier la valeur des efforts qu'on leur demande depuis quelques années.
Autre aspect du problème : la collecte des déchets. Le secteur des équipements électriques et électroniques (DEEE) est, sur ce point, un exemple qui traduit parfaitement la difficulté. Organisé en filières financées par les producteurs eux-mêmes, chaque année ce secteur produit 1,6 millions de tonnes de déchets (soit 0,2 % du total des déchets). Problème : ce volume, déjà relativement faible, est constitué de quelques 600 millions de petites machines diverses et variées mises sur le marché (ordinateurs, électroménagers blancs ou bruns, télévisions...etc), qui envahissent chaque année notre territoire ; l'estimation du gisement restant par ailleurs complexe, eu égard notamment à la diversité des appareils, de leur durée de vie variable et des stockages et débarras sauvages ou inconnus. Les sources les plus fiables pour cette estimation restent les chiffres des importations, 100 % de ces machines, à quelques exceptions près, étant fabriquées à l'étranger, notamment en Asie. Cela étant précisé, la collecte pose elle aussi un problème délicat.
En 2009, seuls 371.000 tonnes de ces déchets EEE (23 % du total) ont été récupérés malgré le réseau des 23.500 points de collecte (collectivités et magasins de distribution). La plupart des spécialistes estiment qu'il sera impossible de parvenir à une collecte à 100 %, la courbe du bilan carbone généré par les efforts énergétiques nécessaires à la collecte devenant négative à partir d'un certain ratio de ramassage.
Ce seul exemple illustre et souligne l'importance stratégique de l'éco-conception des produits dès leur naissance. Question : l'éco-conception est-elle économiquement viable pour les fabricants ? La réponse n'est pas simple à formuler tout comme la tâche des éco-concepteurs. Leur démarche doit se placer dans le cadre élargi de la vie de tout produit ou service, de leur naissance à leur destruction.

Le spectre des actions est vaste, très vaste
Modifier les matériaux utilisés, réduire poids et volume de tout produit, diminuer la consommation d'énergie et d'eau de l'entreprise, éviter les déplacements inutiles, sensibiliser ses collaborateurs aux bonnes pratiques environnementales quotidiennes, former à l'éco-conduite, se soucier et protéger la santé des personnels exposés etc…, il est virtuellement impossible de lister l'intégralité des gestes et actions éco-efficaces.
Quelques cas concrets viennent donner des indices et des pistes sur les avantages des gestes environnementaux et surtout sur le spectre des applications qui est donc immense :

• Seb(3), en 2006, conçoit un aspirateur (sous sa marque Rowenta) en polypropylène expansé, ce qui a permis de diviser par deux la consommation de matière utilisée pour sa fabrication, tout en réduisant son poids (économie de transport) et le nombre de composants, facilitant d'autant les efforts nécessaires à son recyclage en fin de vie. Pour cette réalisation, le groupe Seb a reçu le 1er prix de la catégorie «Ecoproduit» du Ministère de l'Environnement.
• Imprimedia (une petite imprimerie de 25 salariés en Vendée) a obtenu en 2005 le label Imprim'Vert en organisant la vente et en s'assurant du recyclage de ses chutes de papier, plaques offset usagées et de déchets chimiques d'encres. L'obtention de ce label a constitué un atout concurrentiel qu'elle a valorisé auprès de sa clientèle.
• Vuitton, célèbre marque du luxe, en 2005 lors de l'exposition internationale de Aïchi au Japon, a couvert son pavillon avec 4.000 tuiles en sel marin 100 % biodégradables, qui ont été rendues à la mer à la fin de l'événement. A priori sans rapport avec ses produits, la marque a voulu affirmer la cohérence entre sa politique développement durable et le symbole de pureté qu'est le sel au Japon.
• Volvic(1) a passé un partenariat avec l'Unicef pour l'opération «10 litres pour un litre» : pour l'achat d'une bouteille de Volvic, l'entreprise finance 10 litres d'eau potable au Sahel.
• STMicroelectronics(4), producteur de microprocesseurs, a réduit sa consommation industrielle d'eau de plus de 5 millions d'euros.
• SC Johnson(4), fabricant mondial de produits ménagers d'entretien, augmente en cinq ans sa production tout en réduisant de 50 % la quantité de ses déchets industriels, avec une économie annuelle de 20 millions d'euros.

De la PME à la multinationale, les gestes en faveur de l'environnement et de l'implication sociétale et humanitaire présentent de nombreux avantages :
• gestion des contraintes réglementaires
• réponse aux exigences des clients
• construction d'une relation de confiance avec l'ensemble des publics concernés : actionnaires, banques, assurances, fournisseurs, clientèles, population
• optimisation des coûts et de la compétitivité
• maîtrise des risques
• mobilisation du personnel autour d'un projet fédérateur
• intégration à la vie locale
• diffusion d'une image socialement responsable

Le cheminement du management environnemental
Malgré une volonté écologique lorsqu'elle existe, un chef d'entreprise ou un directeur financier n'investissent jamais à perte ; la crise venant assurément resserrer les exigences. Il faut démontrer à ces dirigeants la réalité d'un retour sur investissement, seul levier capable d'emporter leur décision. Cette sensibilité à la protection de l'environnement a des conséquences économiques et sociales dont l'appréciation suit en général trois phases d'évolution :

1. La prise de conscience des dangers. Celle-ci peut arriver spontanément, mais la loi et les réglementations sectorielles l'accélèrent. Les investissements demeurent essentiellement non productifs et consacrés à la non pollution ou à la dépollution. Si la dimension environnementale est alors plutôt vécue comme une contrainte extérieure, elle pose cependant les premiers jalons de la démarche.

2. Le développement des connaissances qui aboutit à une meilleure perception des intérêts directement économiques de l'entreprise à investir dans des processus protégeant l'environnement et la santé. A ce stade, les pressions de la concurrence (nationale ou internationale) et des consommateurs clients jouent un rôle.

3. Les conséquences de son activité sur l'environnement et les atouts concurrentiels qu'elle acquiert deviennent pour l'entreprise des évidences incontournables. L'environnement fait partie intégrante de sa stratégie de développement. L'entreprise devient proactive. Elle insuffle une nouvelle culture auprès de l'ensemble de ses salariés, mais aussi de ses fournisseurs et de ses clients. L'entreprise rentre alors dans le cercle environnemental vertueux où la question de la rentabilité ne se pose plus.
«Les calculs des retours sur investissements des actions issues d'une politique développement durable sont parfois difficiles donc discutables en interne. C'est tout le problème. Mais il serait très étonnant que l'ensemble de ces actions ne fussent pas au final rentables pour l'entreprise», nous dit Jean-François Périé, expert comptable associé du Cabinet d'audit et de conseil Sofdeec-Baker-Tilly.
Chacun jugera. Mais un homme de chiffres qui admet la limite des raisonnements comptables nous offre un nouvel indice sur la valeur économique de l'esprit écologique pour l'entreprise. Le XXIème siècle nous fournira sans doute la réponse.

1. Le Marketing durable, Eyrolles, 2006
2. ADEME
3. La Gestion Environnementale, Dunod, 2008
4. Source WBCSD (World Business Council for Sustainable Development)

Par Philippe Dermagne

EpE, l'association des grandes entreprises
Créée en 1992, l'association française des Entreprises pour l'Environnement regroupe une quarantaine de grandes sociétés issues de tous les secteurs.
Son ambition est de contribuer à l'amélioration des connaissances et des enjeux, à la diffusion des meilleures pratiques et à la mutualisation des expériences respectives.

L'EpE gère la mise en œuvre de travaux communs sur :
- l'énergie et le changement climatique
- la santé
- la biodiversité
- la prospective environnementale
- les méthodes de gestion de l'environnement.
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Philippe Dermagne

En 1980, il crée sa propre société, une agence de publicité dédiée au BtoB, à la communication par l’écrit et à la motivation des forces de ventes. En 1995, il fonde l’une des toute premières agences multimédia française, en mettant en place un développement international en Suède, UK et Brésil. Depuis 2007, il est un journaliste qui présente la particularité d’avoir plus de 30 années d’expérience en tant qu’entrepreneur.
Ses terrains de prédilections : les RH, le développement durable, la gestion de flotte automobile. Son second métier : l’animation de colloques, tribunes et grands séminaires d’entreprise.